Retraites : la prochaine réforme c’est quand ? edit

23 septembre 2010

Le débat autour de la réforme des retraites risque de se concentrer sur les dérives des mouvements sociaux qu’elle pourrait entraîner. En réalité, le vrai débat devrait porter sur les négociations qui vont se faire autour de la réforme. En l’état, celle-ci ramènerait le système à l’équilibre en 2020, mais ne résout pas la moitié du problème du financement des retraites à l’horizon 2050 ; et il y a fort à parier qu’elle soit amputée car le gouvernement a d’ores et déjà évoqué les sujets sur lesquels il est prêt à « discuter ». Cela suggère que la réforme des retraites sera amendée. La question dès lors est : que va-t-il rester de cette réforme ? Et que faudra-t-il faire après ?

Même massive, la participation aux manifestations du 23 septembre ne devrait pas se durcir au point d’empêcher la réforme de passer. En effet, les conditions semblent réunies pour favoriser les négociations. D’abord cette réforme ne s’inscrit pas dans un vaste mouvement réformateur comme ça a été le cas en 1995, quand on s’attaquait en même temps aux retraites des fonctionnaires, à l’éducation, à la santé et aux finances publiques. Le gouvernement actuel se concentre sur la réforme des retraites, en s’adressant en même temps au secteur public et privé. Quant aux restrictions budgétaires annoncées pour 2011, elles vont surtout prendre la forme de rabots de niches fiscales peu susceptibles de susciter des réactions populaires, comme sur les gains de l’assurance-vie ou la base de capital des assurances par exemple.

En outre, le gouvernement apparaît prêt à négocier. D’abord sa popularité est basse, ensuite une majorité de Français a entendu les arguments démographiques sur l’espérance de vie augmentée et soutient le besoin d’une réforme, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années, même s’il y a moins de consensus sur les mesures précises à prendre. Le gouvernement a ainsi ouvert la porte à de possibles amendements au Sénat (qui va commencer à débattre au lendemain du 23 septembre). Ont notamment été mentionnés : la prise en compte de la pénibilité et des carrières longues, la prise en compte de la situation des femmes proches de la retraite et qui n’ont pas eu de carrière complète, le cas des personnes qui s’apprêtaient à partir en retraite à taux plein et sont touchées par le report de l’âge de la retraite à taux plein de 65 à 67 ans.

Comment peut évoluer la réforme actuelle et quelles économies risquent d’être perdues ? Il y a trois leviers pour réformer les retraites : le montant des cotisations, l’âge de départ, et le montant des retraites. La réforme présentée aujourd’hui s’appuie sur les deux premiers et devrait permettre d’économiser 45 milliards d’euros par an à l’horizon 2020 quand elle jouera à plein. Sur ces 45 milliards, 20 viennent des mesures liées à l’âge : report de l’âge légal de 60 à 62 ans, report de l’âge du taux plein quel que soit le nombre d’années de cotisations de 65 à 67 ans. Le reste provient d’une augmentation des cotisations et surtout d’un transfert de l’État. Renoncer aux 67 ans, le deuxième volant des mesures d’âge, coûterait un peu moins de 4 milliards par an selon les estimations du gouvernement, mais environ 7,5 milliards par an à l’horizon 2025. C’est donc entre un cinquième et un tiers du gain lié aux mesures d’âge qui pourrait être concédé. Des abandons d’autres points de négociations seraient moins coûteux en termes d’économie perdue : ils concerneraient les mesures de pénibilité (une extension probable de la définition permettrait de couvrir plus de personnes), la meilleure prise en compte des carrières longues pour ceux qui sont aujourd’hui proches de la retraite, et les pensions de réversion.

Au total, il est probable que la réforme votée sera moins ambitieuse qu’initialement. L’équilibre du régime des retraites ne serait plus atteint en 2020 ; à l’horizon 2050, les déficits cumulés ne seraient pas réduits de moitié par rapport à la situation avant réforme.

Il faudra donc, dès aujourd’hui, envisager une nouvelle réforme. Quels seront parmi les trois leviers évoqués ci-dessus (cotisations, âge, et niveau des pensions), ceux qui pourront de nouveau être mis à contribution ? Allonger encore la durée de vie active est possible dans une certaine mesure. Cela offre l’avantage qu’outre le pur aspect financement des retraites, il y aurait un effet d’entraînement sur l’emploi des « seniors » à terme. Plus l’âge de la retraite apparaît lointain, plus les employeurs peuvent embaucher des seniors « comme les autres », moins ils sont enclins à les mettre dehors. Augmenter l’emploi c’est alors aussi accroître les cotisations. Il faut cependant admettre que les effets sur l’emploi sont difficiles à quantifier et prendront du temps à se matérialiser. Augmenter le taux des cotisations est aussi possible, mais le niveau des prélèvements en France est déjà à un record dans les pays de l’OCDE.

Il restera alors à ajuster le montant des pensions. Comme le système est très peu lisible en termes de droits ouverts, le sujet a été laissé dans l’ombre. La possibilité de mise en œuvre de comptes notionnels (dans lequel le montant des pensions versées s’ajuste en fonction de l’âge de la retraite et des cotisations payées) n’a pas été regardée. Pourtant, la question est cruciale pour l’équilibre du système autant que pour l’équité inter-générationnelle. En effet, pour l’instant peu d’effort est demandé aux retraités, si bien que les jeunes devront continuer de contribuer et de plus en plus largement aux pensions de la génération de retraités. Demain, lorsqu’il faudra réviser la réforme des retraites, ils seront de nouveau mis à contribution : si la seule variable laissée intacte aujourd’hui est le montant des pensions, il y a des chances qu’on y touche demain... la jeune génération paierait alors doublement, en cotisations plus élevées et en pensions diminuées. N’est-ce pas trop lui demander ?