Pourquoi je voterai Sarkozy edit

13 mars 2007

J'avais toujours voté pour le candidat socialiste dans le passé. Cette fois-ci, je fais plus confiance à Sarkozy qu'à Royal pour réaliser les réformes nécessaires à la France.

En effet, vu des Etats-Unis, les problèmes de la France paraissent clairs :

- Les relations entre partenaires sociaux sont détestables. Il est maintenant clairement établi que les pays où le chômage a le plus augmenté sont ceux où les relations du travail sont les plus mauvaises – et, d'ailleurs, l'étaient déjà avant. Les mécanismes sont difficiles à identifier avec précision, mais ils opèrent à tous les niveaux : les entreprises hésitent à se lancer dans de nouveaux projets si ceux-ci risquent de déclencher des conflits sociaux. Les ajustements structurels, que ce soit en matière de salaires, ou de réformes du système de retraite, prennent plus de temps, ou ont lieu trop tard, quand les crises l'obligent.

- La protection sociale est coûteuse et largement inefficace. Deux exemples en témoignent. La protection de l'emploi, avec son système dual CDI-CDD, est clairement responsable du sort inacceptable que la France inflige à ses jeunes. Alternant petits boulots et périodes de chômage, ils apprennent peu, progressent peu, et deviennent, à juste titre, désabusés. A l'autre bout du cycle de vie professionnelle, les rigidités des règles de retraite amènent beaucoup à arrêter de travailler, alors qu'ils voudraient continuer. Les jeunes et les vieux font les frais d'une structure de protection sociale sans cohérence.

- Le système universitaire est profondément malade. Les grandes écoles trient sur la base des mathématiques, mais forment largement des généralistes. L'enseignement est séparé de la recherche. Les universités manquent de moyens, et servent trop souvent de parkings, offrant des formations médiocres et sans débouchés à des jeunes qui préfèrent reculer leur entrée dans le monde du travail.

Sur ce diagnostic, je crois qu'un large consensus s'est établi, au moins parmi les économistes. Un accord, certes plus limité, existe aussi sur les grandes lignes des reformes à accomplir :

- Améliorer le dialogue social, à tous les niveaux. En rendant les syndicats plus représentatifs. En créant des structures de discussion, d'échange, et éventuellement de négociation, entre partenaires sociaux. Pas plus que pour Rome, la confiance ne se créera en un jour. Mais, sans de telles réformes de structure et sans la volonté d'aboutir, les choses ne changeront pas.

- Rendre la protection sociale plus efficace. Il est clair qu'il faut réduire les différences entre CDD et CDI, pour donner aux entreprises plus d'incitations à engager, former, et garder les jeunes. La solution est clairement dans une forme de contrat unifié, sinon unique, donnant plus de garanties aux jeunes, peut-être au prix d'une diminution de la protection des autres travailleurs. Elle est aussi dans des itinéraires de vie de travail plus ambitieux, avec formation pendant l'emploi, et la possibilité de travailler aussi longtemps qu'on le désire.

- Rendre le système universitaire plus compétitif. S'il y a un domaine où les Etats-Unis ont réussi, c'est celui-là. Et les clés de leur succès sont bien identifiées : une plus grande autonomie des universités, à la fois dans le choix de leurs enseignants, de leurs chercheurs, et de leurs étudiants ; des frais de scolarité plus élevés, à la fois pour inciter les étudiants à ne pas s'engager dans des filières sans débouchés, et pour augmenter les revenus des universités. Avec, en échange, un système de bourses plus généreuses, permettant à tout étudiant compétent et motivé de faire des études supérieures utiles.

Sur tous ces points, que nous disent Royal et Sarkozy ? J'ai étudié leur programme avec attention. Il faut bien sûr être sceptique quant aux promesses électorales, mais, au-delà du marketing politique, on perçoit des différences :

- Sur les relations du travail, Royal nous promet deux grandes conférences, sur la croissance, et sur les salaires. Sarkozy promet qu'avant toute réforme, il y aura une discussion de quatre à six mois entre partenaires sociaux, suivie, en l'absence d'accord, d'une prise de décision par les législateurs. Cette proposition me parait, dans ces deux aspects, discussion et décision, aller dans la bonne direction.

- Sur la réforme de la protection sociale, Royal affirme la "primauté du CDI", ce que je lis comme la décision d'en rester au statu quo, ou peut-être même de rigidifier davantage le marché du travail. Sarkozy propose un contrat de travail unique et plus flexible. Les détails sont insuffisants, et on peut peut-être y lire un peu ce que l'on veut. J'y lis l'indication d'un désir de réforme, là encore dans la bonne direction.

- Sur la réforme des universités, les deux candidats nous promettent plus d'argent. Facile à dire... Sarkozy est cependant plus explicite sur les réformes structurelles. Il promet plus d'autonomie, et en particulier, plus d'argent pour les universités qui voudraient expérimenter dans cette dimension. Royal nous promet de "renforcer l'autonomie dans le cadre national", une formule qui me parait sans contenu. Là encore, je préfère la position de Sarkozy.

Nous avons tous tendance, après avoir choisi un candidat, à avoir pour lui ou pour elle, les yeux de Chimène. Il se peut bien sûr que je sois la proie des mêmes illusions. Mais, après avoir écouté ces deux candidats et lu leurs programmes, j'ai l'impression que Sarkozy a mieux identifié les problèmes de la France, et a une idée plus claire des solutions et des stratégies à suivre. Il me parait plus à même d'améliorer le sort des jeunes, de diminuer le chômage, d'engager une vraie reforme de l'université.

* Le point de vue d'Olivier Blanchard n'exprime en aucune façon celui de Telos qui ne soutient aucun candidat mais qui donnera à ses auteurs la possibilité de faire valoir leurs préférences argumentées.