Le congrès du PS: un parti à la dérive edit

Le 81e congrès du Parti socialiste marque un nouveau pallier dans la descente aux enfers de cette organisation. Tout s’est joué autour de la relation avec LFI. Le leader de l’opposition à Olivier Faure, Nicolas Mayer-Rossignol, estimant qu’il ne fallait « plus d’accord national et programmatique aux législatives pour gouverner ensemble avec La France insoumise », a demandé solennellement à celui-ci de « dire et écrire et affirmer unanimement qu’il n’y aura pas, sous aucun prétexte, ni au plan national ni local, même en cas de dissolution, d’alliance avec LFI »[1]. Le Premier secrétaire a refusé cet amendement au texte final du Congrès, estimant qu’il « ne faut pas qu’on sorte de l’ambiguïté stratégique vis-à-vis de LFI ». Tout était dit avec ces quelques mots. Il a ajouté : « Aucun d’entre nous n’acceptera de placer sur un plan d’égalité la gauche radicale et l’extrême droite ». Il tranchait ainsi à sa manière la question centrale qui pourtant aurait exigé un véritable débat : le PS n’est-il pas aussi éloigné de LFI, un parti dont le député socialiste Jérôme Guedj dit de son chef qu’il est un « salopard antisémite », qu’il ne l’est du Rassemblement national ? Que signifie être de gauche aujourd’hui ? Pour tenter de répondre à cette question centrale les socialistes devraient reprendre le travail doctrinal, ce qui leur permettrait de ne pas se focaliser sur la stratégie avant d’avoir redéfini leurs principes et leurs objectifs. Refuser de faire un tel travail ne fera que prolonger la crise.
Olivier Faure reproche à son opposition de se polariser sur LFI car, « tant qu’ils auront pour unique obsession LFI, ils ne feront que témoigner de la domination psychologique que la gauche radicale exerce sur eux ». Mais comment pourrait-il en être autrement ? Comment LFI pourrait-elle ne pas être au centre de la réflexion stratégique du Parti socialiste puisque celui-ci n’envisage aucune autre stratégie ? Olivier Faure rappelle qu’aux élections législatives de 2024 le Nouveau Front Populaire a empêché le RN de gagner les élections mais le sénateur Patrick Kanner lui rétorque avec raison que le Front républicain peut se construire en dehors de LFI. On pourrait ajouter que l’ambiguïté porteuse que représentait alors le chevauchement entre le Nouveau Front Populaire et le Front républicain ne pourra sans doute pas être reproduite aux prochaines législatives. Il faudra probablement que le PS choisisse alors entre ressusciter le NFP et ranimer le Front républicain.
C’est ici qu’apparaît la faiblesse de la position de l’opposition au Premier secrétaire. Celle-ci, se prononçant contre toute alliance électorale avec LFI, devrait logiquement appeler son parti à mettre fin clairement au NFP et à proposer une stratégie politique et électorale alternative, ce qu’elle ne fait pas et ce qui renforce la position d’Olivier Faure qui, lui, et quoi que l’on pense de la pertinence d’une stratégie qui se caractérise principalement par son ambiguïté, propose au moins de préserver le NFP. Au lieu d’attendre la fin du congrès pour proposer une sorte de référendum interne sur la relation avec LFI, il aurait mieux valu que l’opposition propose dans le texte de sa propre motion une stratégie alternative. Or une telle proposition ne pouvait être qu’un Front républicain avec le centre et la droite anti-RN, probablement plus efficace électoralement que le NFP. Mais pour ce faire il lui faudrait briser le tabou de « l’alliance à droite », tabou très puissant au Parti socialiste et que, tout au long de son histoire, à l’exception de la courte période de la « Troisième force », il a toujours respecté par peur du « qu’en dira-t-on communiste » et par attachement au mythe de l’union. Certes, depuis 2017 le pouvoir macroniste n’a pas beaucoup tendu la main aux socialistes. Mais ceux-ci l’auraient-ils saisie ?
Ainsi, des deux côtés règne l’ambiguïté. Olivier Faure croit pouvoir échapper à la nécessité d’élaborer une véritable stratégie d’alliances en laissant ouverte la question des législatives et en proposant pour l’élection présidentielle une primaire qui irait « de Glucksmann à Ruffin », hypothèse irréaliste vu tout ce qui sépare les deux personnalités, ou de « Clémentine Autain à Marine Tondelier ». Mais on peut douter du rendement électoral d’une gauche ainsi réduite, de même que de la possibilité de trouver un accord entre ces personnalités et organisations, notamment sur les questions internationales. De son côté, le chef de l’opposition interne, qui rejette l’idée d’une primaire et privilégie une candidature sociale-démocrate, demeure fixé uniquement à des alliances sur sa gauche. Que pèserait électoralement une telle candidature social-démocrate isolée sur sa gauche comme sur sa droite ?
Déchirés, les socialistes sortent de leur congrès sans stratégie et sans véritable leader. Ils vont affronter les prochaines élections dans une position d’extrême faiblesse et sans avoir réglé aucun des problèmes majeurs d’un parti qui est à la dérive. Alors, oui, il faudrait qu’ils cessent de parler de LFI… mais à condition de parler sérieusement d’autre chose !
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[1] Voir le compte-rendu de Sandrine Cassini dans Le Monde du 15 juin.