Trump et la crise de MAGA edit

Lors de l’élection de Donald Trump en novembre dernier les observateurs étaient partagés entre deux types d’analyse. Certains pensaient que le second mandat du président ne serait pas fondamentalement diffèrent du premier avec quelques foucades notamment en politique extérieure mais une relative prudence dans l’application de ses idées. D’autres tiraient argument du fait que Trump s’entourait désormais de courtisans prêts à le suivre aveuglément pour conclure qu’il allait suivre ses impulsions et s’engager dans de profonds bouleversements de l’économie et de la société américaine. Ces derniers avaient raison. Le pays a subi une véritable révolution en ce qui concerne notamment la liberté de l’information, l’enseignement, la protection de la nature. Toutefois, les tensions s’accumulent et le parti MAGA se divise. L’avenir du trumpisme semble désormais bien incertain.
Les sondages réalisés au lendemain du scrutin ont montré que les électeurs attendaient du nouveau président une action énergique contre les migrants et une relance de l’économie marquée par l’inflation sous la présidence de Biden. Sur ces deux points, le ralliement de nombreux électeurs indépendants au candidat républicain a permis à celui-ci de remporter la majorité des suffrages et donc de défaire clairement la candidate démocrate Kamala Harris.
Des réformes brutales et souvent impopulaires
Dès son élection Trump est passé à l’action en donnant à ses multiples interventions une coloration idéologique inspirée de l’extrême droite, qui ne correspondait pas forcément aux vœux d’une grande partie de ses nouveaux électeurs.
C’est ainsi qu’il ne s’est pas contenté de fermer la frontière avec le Mexique pour empêcher l’arrivée des migrants : ses services se sont livrés à une chasse aux sans-papiers d’une violence inouïe. De même, il ne s’est pas contenté d’ouvrir des négociations sur les tarifs douaniers avec ses principaux partenaires mais il a engagé des conflits tarifaires empreints d’une grande agressivité avec la Chine, le Japon et l’Europe ce qui a eu comme première conséquence de relancer l’inflation. Enfin, il a fait voter par le Congrès une importante loi de finance qui pérennise les exonérations fiscales des plus fortunés et fait perdre l’accès au Medicaid à des millions de familles aux revenus modestes qui avaient souvent voté pour lui et n’auront plus les moyens de se faire soigner.
Ce qui est frappant, c’est la rapidité avec laquelle le public a réagi, ce qui tend à prouver qu’à part une fraction MAGA qui suit aveuglément le président depuis dix ans, la majorité de l’électorat est beaucoup plus réservée. C’est ainsi qu’en matière d’immigration, alors qu’en 2024, 55% des électeurs souhaitaient une baisse du nombre de migrants, en juillet 2025, 54% désapprouvent l’action de Trump et 59% des républicains sont favorables à un processus permettant à ces étrangers d’accéder à la citoyenneté américaine. Alors qu’il apparaît clairement que d’importantes activités comme la restauration et l’agriculture ont un besoin permanent de travailleurs immigrés, la politique du gouvernement semble irréaliste à une majorité d’électeurs.
La politique économique n’est pas plus appréciée. D’après un sondage de l’Institut Quinnipiac, 55% des sondés désapprouvent la politique économique de Trump contre 43% seulement d’avis favorables. Ils sont à peine 40% à approuver sa politique douanière contre 56% qui la désapprouvent.
Il n’est pas étonnant dans ces conditions que l’appréciation globale de l’action du président soit négative. Une synthèse de l’ensemble des sondages opérée par le New York Times donne 53% d’opinions défavorables contre 44% d’opinions positives. Ce résultat est d’autant plus significatif qu’en général, six mois après leur élection, les présidents bénéficient encore de l’indulgence du public.
L’affaire Epstein est parfaitement révélatrice des contradictions de la politique de Trump et donc du malaise qu’elle provoque chez ses plus fidèles électeurs. Rappelons que ce milliardaire qui fut pendant une quinzaine d’années un ami proche de Trump fut condamné pour pédophilie et, en 2019 se suicida en prison alors qu’il était en attente d’un second procès. Depuis ce suicide, les cercles complotistes proches de Trump et du mouvement MAGA ont accrédité l’opinion que les Démocrates étaient étroitement mêlés à ces crimes pédophiles et qu’en réalité, Epstein avait été assassiné pour éviter qu’il parle. Ces mêmes sites complotistes, très populaires sur les réseaux sociaux, attendaient donc l’arrivée de Trump à la Maison Blanche pour que le dossier Epstein soit réouvert et que les crimes de l’entourage de Biden soient révélés. Or, à leur grande déception, la ministre de la Justice Pam Bondi, qui avait elle-même nourri pendant des années ces propos complotistes, déclara qu’il n’y avait rien dans le dossier Epstein et que l’affaire était classée.
Les sondages menés par l’institut Quinnipiac ont révélé l’ampleur du malaise dans l’opinion. Si 40% des Républicains approuvent le comportement de Trump, 36% le désavouent. Plus généralement, près des deux tiers des Américains contestent les décisions de Trump et de sa ministre de la Justice. C’est la première fois que se manifeste un divorce aussi marqué entre le président et une fraction importante du mouvement MAGA. Il semble qu’une fraction de ces électeurs commence à se poser des questions sur Trump lui-même en se demandant, comme l’avait fait Elon Musk il y a quelques mois, si ce refus de rouvrir complétement le dossier ne signifie pas que le président est lui-même impliqué. Dans ce cas et pour la première fois, Trump serait la cible des complotistes d’extrême droite.
Des tensions au sein de la majorité républicaine
D’autres événements viendront sans doute éclipser l’affaire Epstein mais rien ne mettra un terme aux tensions croissantes au sein d’une majorité politique qui est de moins en moins crédible. Il existe en effet un fossé entre un électorat populaire qui est favorable à la réduction du nombre de migrants, à la hausse des tarifs douaniers et aux aides aux industries manufacturières créatrices d’emplois pour la population blanche non diplômée, et les oligarques de la Silicon Valley et de Wall Street qui tirent leur prospérité d’une large ouverture internationale notamment en direction de l’Europe et de la Chine et de l’accueil de talents venus du monde entier. Trump dépend des votes des uns pour les prochaines élections et des finances des autres pour lui-même et son parti. Son vice-président JD Vance qui se pose en défenseur des classes populaires dont il est issu mais qui est aussi le protégé de Peter Thiel et des milliardaires de la Silicon Valley incarne parfaitement ces contradictions.
La tentation de la fuite en avant
Pour surmonter ces conflits potentiels, la tentation du président et de son entourage de courtisans est une fuite en avant vers un autoritarisme croissant et la mise en cause judiciaire de tous leurs adversaires réels ou présumés en espérant bénéficier du soutien d’une Cour Suprême à majorité républicaine. L’objectif est de conserver à tout prix la majorité au Congrès lors des élections de novembre 2026 en redessinant notamment la carte électorale d’Etats républicains comme le Texas.
Il n’est pas sûr que ces manœuvres soient couronnées de succès. La dégradation de l’économie qui se traduit par la relance de l’inflation déçoit les électeurs les plus fidèles, les blancs sans dipolômes, qui voient en même temps prospérer les géants du numérique sans que cette prospérité alimentée par de généreuses commandes publiques leur apporte des emplois et des salaires.
Il reste au parti démocrate de surmonter ses divisions et d’exploiter une situation qui devrait en principe lui être favorable. C’est l’enjeu politique des prochains mois.
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