Législatives: quel paysage et quels candidats? edit

8 juin 2022

La constitution de la coalition de gauche et la création de Reconquête ! à droite sont les deux principales transformations qui affectent l’offre électorale pour le 12 juin par rapport à celle des législatives de 2017.

Les formations politiques présentes

Globalement, on observe un recul du nombre de candidatures déposées (6291) par rapport au premier tour de 2017 (7882) pour les 577 sièges, soit 10,9 candidats par siège contre 13,7 en 2017. Ce recul résulte essentiellement de la réduction importante du nombre de candidatures à gauche. En effet, pour la première fois à des élections législatives, les principales forces de gauche (La France insoumise, EELV, PS et PCF) se sont rassemblées, à l’initiative de LFI, pour présenter un candidat unique dans chaque circonscription dans le cadre d’une « Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES) », alors qu’en 2017 LFI, le PS, EELV et le PCF avaient présenté des candidatures séparées dans la grande majorité des circonscriptions. On est ainsi passé d’une moyenne de 3 ou 4 candidats à 1 par circonscription. La NUPES est à la fois un accord programmatique, reprenant pour l’essentiel les propositions de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle[1], une entente pour imposer une cohabitation à Emmanuel Macron avec Mélenchon comme Premier ministre, et un accord électoral. Grâce au résultat de Mélenchon au premier tour de la présidentielle, LFI a pu s’attribuer la part du lion avec environ 320[2] circonscriptions en France métropolitaine (sauf Corse) contre 100 pour le pôle écologiste (78 EELV, 12 G.s, 8 GE, 2 ND[3]), 70 pour le PS, et 50 pour le PCF. Même si le PRG[4] est resté en dehors de l’accord et que celui-ci a suscité des candidatures dissidentes (surtout socialistes), il n’en reste pas moins que l’opposition de gauche est beaucoup moins dispersée qu’en 2017. Cet accord à gauche est sans précédent pour des élections législatives, car jusque-là le PS et le PCF (ainsi que LFI en 2017) avaient pour politique de présenter des candidatures dans presque toutes les circonscriptions au premier tour et de se rassembler au second tour. C’était seulement avec les radicaux du PRG et les Verts (depuis 1997) que le PS passait des accords de premier tour afin d’assurer à ses partenaires un groupe parlementaire. Toutefois, les Verts tenaient à ce que ces accords ne soient que partiels afin de pouvoir être présents de manière autonome dans la majorité des circonscriptions. Cette fois-ci La France insoumise, nouvelle force dominante à gauche[5], a été beaucoup plus stricte avec ses partenaires. Mais la faiblesse de ceux-ci à l’issue du premier tour de la présidentielle ne leur laissait guère le choix. Si l’accord électoral général de premier tour à gauche est nouveau pour des législatives, il s’inscrit cependant dans la logique observée dans beaucoup de départements aux départementales de 2021, qui marquaient à cet égard une première rupture[6]. En effet, à ces élections, pour la première fois depuis 1973, le PS et le PCF avaient renoncé dans la grande majorité des départements à présenter systématiquement des candidats au premier tour au profit d’accord de candidature unique au premier tour avec EELV et même LFI[7]. Les départements où le PS était assez fort pour continuer à partir sans alliance de premier tour (ou seulement avec le PCF) en 2021, principalement dans le Midi, sont aussi ceux où il y a le plus de candidatures dissidentes socialistes pour ce premier tour[8].

À l’extrême gauche, LO est systématiquement présente comme en 2017, mais on observe également un nombre significatif de candidats du POID (Parti ouvrier indépendant démocratique, ex-PT).

La majorité présidentielle est partie unie sous l’appellation « Ensemble ! » regroupant Renaissance[9] (ex-LREM), Agir, le MoDem, Horizons (la nouvelle formation d’Édouard Philippe) ainsi que le Parti radical, la Fédération progressiste de François Rebsamen (ex-PS) et Refondation républicaine de Jean-Pierre Chevènement. Comme en 2017, elle est présente unie dans la quasi-totalité des circonscriptions[10], avec quelques dissidences provenant principalement de députés sortants non réinvestis.

À droite, LR et l’UDI ont passé un accord de premier tour et sont présents dans toutes les circonscriptions de France métropolitaine[11]. Il y a quelques candidatures dissidentes ou indépendantes, mais plutôt moins que précédemment.

On observe la même politique de présence systématique au niveau de la droite radicale. Le RN y est cette fois partout concurrencé par Reconquête !, le nouveau parti d’Éric Zemmour. Celui-ci, qui avait proposé des candidatures uniques au RN, à DLF et à LR, a cependant, en gage d’union, renoncé à concurrencer Marine Le Pen (RN), Nicolas Dupont-Aignan (DLF) et Éric Ciotti (LR). Les souverainistes de l’Union pour la France qui regroupe DLF, très affaiblie, avec Les Patriotes de Florian Philippot et Génération Frexit (ex-UPR) présente 404 candidats (209 LP, 185 DLF, 10 GF).

Comme en 2017, de nombreux mouvements ont présenté des candidats afin défendre leurs idées, mais aussi de bénéficier d’un financement officiel durant les cinq prochaines années. Parmi eux plusieurs formations écologistes (L’écologie au Centre, MHAN, Parti animaliste), Le Mouvement pour la Ruralité, des partis régionalistes corses (PNC, FAC), bretons (UDB, PB), occitan (POC) et alsacien (UL), l’UDMF (proche des frères musulmans), le Parti pirate, République souveraine (de l’ex-LFI Georges Kuzmanovic) et quelques anti-passe sanitaire.

Les objectifs

La majorité présidentielle espère obtenir une majorité absolue de sièges la plus large possible afin que le second mandat d’Emmanuel Macron puisse se dérouler dans les meilleures conditions. Pour Jean-Luc Mélenchon, au-delà de l’objectif affiché d’imposer une cohabitation, il s’agit sans doute d’établir LFI comme principale force d’opposition en obtenant le maximum de sièges et en satellisant les autres composantes de la gauche. EELV a pour seul objectif d’obtenir un groupe parlementaire et le PCF de sauver le sien. La situation du PS est plus complexe. Sa direction recherche à la fois à sauver son groupe parlementaire, si possible en l’augmentant, et à relégitimer pleinement le PS comme composante incontournable de l’alliance de gauche à travers l’onction donnée par Mélenchon, faisant ainsi oublier les gestions gouvernementales socialistes, en particulier les années Hollande. LR, qui risque de perdre sa place de principale opposition parlementaire, a pour seul objectif de limiter les dégâts en sièges. Le RN affiche des ambitions officielles assez élevées en sièges, en obtenir au moins 60, mais pas en terme de majorité, ayant donné de fait la priorité à l’élimination de la concurrence de Reconquête !. Pour le parti d’Éric Zemmour, l’objectif est de survivre en obtenant le maximum de suffrages pour s’assurer un financement pérenne et si possible d’obtenir quelques élus, dont son chef et Guillaume Peltier (ex-LR) qui se représente dans le Loir-et-Cher.

Les personnalités candidates

15 membres du gouvernement sont candidats à ces législatives : Élisabeth Borne (Première ministre, Calvados), Gérald Darmanin (Intérieur, Nord), Amélie de Montchanin (Transition écologique, Essonne), Brigitte Bourguignon (Santé, Pas-de-Calais), Olivier Dussop (Travail, Ardèche), Damien Abad (Autonomie, Ain), Marc Fesneau (Agriculture, Loir-et-Cher), Stanislas Guérini (Fonction publique, Paris), Yaël Braun-Pivet (Outre-mer, Yvelines), Olivier Véran (Relations avec le Parlement, Isère), Gabriel Attal (Comptes publics, Hauts de seine), Franck Riester (Commerce extérieur, Seine-et-Marne), Clément Beaune (Europe, Paris), Olivia Grégoire (Porte-parole, Paris), Justine Bénin (Mer, Guadeloupe). Pour la majorité, on doit également noter les candidatures de l’ancien Premier ministre Manuel Valls (Français de l’étranger, éliminé au premier tour) et du précédent ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer dans le Loiret. À gauche, le premier secrétaire du PS Olivier Faure se représente en Seine-et-Marne et le secrétaire national du PCF Fabien Roussel dans le Nord, alors que pour EELV, Sandrine Rousseau (finaliste de la primaire d’EELV) et Julien Bayou (Secrétaire national) sont candidats à Paris.

À droite, Marine Le Pen se représente dans le Pas-de-Calais pour le RN, Éric Ciotti, finaliste de la primaire de LR, dans les Alpes-Maritimes, Nicolas Dupont-Aignan (DLF) dans l’Essonne et Guillaume Peltier, vice-président de Reconquête !, dans le Loir-et-Cher. Enfin Éric Zemmour tente de se faire élire dans le Var.

[1] Avec cependant des désaccords actés sur la politique étrangère (l’OTAN) et le nucléaire.

[2] Parmi lesquels 7 candidats de Révolution écologique pour le vivant du militant antispéciste Aymeric Caron.

[3] Génération.s (G.s) est le parti fondé par Benoît Hamon, Génération écologie (GE) est dirigée par Delphine Batho, les Nouveaux démocrates (ND) sont des députés ex-LREM, dont Aurélien Taché, qui ont rejoint le pôle écologiste.

[4] Ainsi que la Fédération de la gauche républicaine qui rassemble des anciens socialistes de la gauche républicaine et socialiste, le MDC, la Nouvelle gauche socialiste et des proches d’Arnault Montebourg.

[5] En 2017, Mélenchon était déjà arrivé nettement en tête de la gauche au premier tour de la présidentielle, mais n’avait pas prôné le rassemblement en vue des législatives.

[6] Cf. Pierre Martin, « Les élections régionales et départementales de juin 2021 », Commentaire, n°175, automne 2021, p. 543-550.

[7] « Les élections régionales et départementales de juin 2021 », p. 549.

[8] En particulier celles soutenues par Carole Delga, présidente de la région Occitanie, notamment dans l’Ariège, l’Hérault, le Lot et le Tarn.

[9] Les partis Territoires de Progrès, d’orientation sociale-démocrate, et En commun, d’orientation écologiste, étant intégrés à Renaissance au niveau parlementaire.

[10] Avec environ 400 candidats pour Renaissance, une centaine pour le MoDem et une cinquantaine pour Horizons.

[11] Avec 450 candidats pour LR, 78 pour l’UDI et 28 pour Les Centristes d’Hervé Morin, président de la région Normandie.