L’Italie en quête d’une majorité edit

5 juillet 2017

Tandis que la France, depuis l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, est en train de réorganiser son système politique autour du clivage européisme versus nationalisme, l’Italie paraît politiquement paralysée. Après le rejet en décembre dernier de la réforme constitutionnelle dont le but était de rationnaliser une structure bicamérale baroque et inutile, le système des partis ne semble toujours pas en mesure de produire une loi électorale qui permette d’assurer une majorité de gouvernement.

Actuellement les élections législatives dans la péninsule sont régies par deux décisions de la Cour constitutionnelle (la 1/ 2014 et la 35/2017) qui ont laissé subsister certains tronçons des lois préexistantes concernant le Sénat et la Chambre des députés ; l’un et l’autre, il faut rappeler cette bizarrerie italienne, ayant le pouvoir d’accorder ou de refuser la confiance au Gouvernement. Il s’agit de lois proportionnelles, les lois majoritaires votées plus récemment ayant été soumises au jugement de la Cour et cassées par elle. Analyser les raisons pour lesquelles le gardien de la Constitution italienne a cassé ces lois majoritaires exigerait de rentrer dans les aspects techniques présentés plus ou moins clairement dans la décision. Ces raisons sont d’ailleurs peu pertinentes puisque la Constitution républicaine ne prescrit rien quant aux lois électorales pour les élections parlementaires. En outre, il ne serait pas raisonnable de prétendre que des pays comme la France et le Royaume-Uni auraient des lois électorales non démocratiques parce que majoritaires ! La Cour écarte cette objection en prétendant que d’autres types de lois majoritaires que celle élaborée par le gouvernement Renzi seraient acceptables, telle celle qui comprend un second tour de scrutin qu’on connait bien en France – une loi d’ailleurs  beaucoup « plus » majoritaire que la loi cassée en 2017 par la Cour constitutionnelle italienne. D’après la Cour, il est de la compétence du Parlement de voter la loi électorale mais elle ne dit pas quels seraient, selon elle, les critères qui lui permettraient de l’accepter ou non.

Des alliances sont-elles envisageables ?

Le paysage politique italien se divise en trois forces ou ensembles de forces politiques à peu près égales mais qui ne sont pas d’accord entre elles sur un projet de réforme électorale : le centre droit, le centre gauche et le Mouvement 5 étoiles, ce dernier se déclarant hostile à toute coalition gouvernementale.

Théoriquement une coalition post-électorale entre le centre droit et le centre gauche serait possible. Mais le centre droit est profondément divisé entre une droite relativement modérée, en tout cas pro-européenne (dont le leader est toujours Silvio Berlusconi), et une droite radicale nationaliste et lepéniste (guidée pas Matteo Salvini), de sorte que cette dernière ne pourrait jamais faire partie d’un exécutif avec le centre gauche philo-européen. Il s’en suit qu’une coalition PD (Renzi) avec FI (Berlusconi) risque fort, au vu des sondages actuels d’intention de vote, de ne pas avoir la majorité au parlement. Sans compter que l’anti-berlusconisme a été pendant vingt ans le pain quotidien de la gauche italienne (avant Renzi) et que le miracle provoqué en France par le mouvement En Marche a peu de chance de se reproduire en Italie.

Il faudrait donc un renforcement du parti de Berlusconi (possible du fait de l’affaiblissement du M5E qui a siphonné beaucoup de votes de droite). Sinon, chaque parti fera sa campagne contre tous les autres et il faudra alors attendre le lendemain des élections pour voir éventuellement se former une coalition gouvernementale. Évoquer une alternative à une coalition post-électorale Renzi-Berlusconi revient à tirer des plans sur la comète ; la plus extravagante de ces alternatives serait celle d’une union de toutes les gauches : à savoir du Parti Démocratique avec des micro-formations de gauche radicale, union réclamée, avec un art du paradoxe typique des Italiens, par ceux-là mêmes qui, à gauche, étaient opposés à la loi majoritaire voulue par Renzi.

Il est exclu que le Parlement actuel produise avant les prochaines élections, prévues au printemps 2018, une loi électorale qui ne soit pas proportionnelle. Berlusconi veut entre-temps se libérer de la présence encombrante de Salvini et de son lepénisme anti-européen. Il pourrait aller seul aux prochaines élections ou même avec la droite nationaliste – quitte à se débarrasser de celle-ci pour s’accorder avec Renzi après les élections – dans l’espoir, qui coïncide avec l’intérêt présent du pays, de revenir dans la majorité et de donner au pays un gouvernement.

Toutefois, si jamais l’alliance post-électorale de la gauche et de la droite modérées arrivait à produire une majorité parlementaire – il n’est pas interdit de l’espérer – on ne doit pas se faire trop d’illusions quant à la stabilité de ce futur gouvernement. Cette formule permettrait en tout cas d’éviter le pire, à savoir un scénario à l’espagnole, avec des élections répétées, mais agravé s’agissant, dans le cas de l’Italie, d’un pays ayant une énorme dette publique et une faible croissance.

Quant à la stabilité de l’exécutif, je puis me limiter à relater ce qu’a raconté récemment l’ancien Premier ministre, Romano Prodi, à propos de sa première rencontre dans cette fonction avec le chancelier Kohl : le « père » de la réunification allemande, après avoir félicité son nouveau collègue italien, lui demanda à la fin de leur rencontre « Qui vais-je rencontrer la prochaine fois ? »