L’éducation idéologique dans les écoles de la République islamique edit

24 janvier 2024

De janvier à mars 2023, pendant plus de trois mois, les collégiennes iraniennes ont été victimes d’empoisonnement collectif à l’école. Plus de 900 filles de 12 à 16 ans, venant de près de 250 écoles, ont été hospitalisées et les médecins locaux ne parvenaient pas à identifier la substance toxique qui s’attaquait au système nerveux et à l’appareil respiratoire.

Cependant, l’empoisonnement des écoliers n’est pas seulement physique. Depuis plus de quarante ans les élèves iraniens sont soumis à une sorte d’empoisonnement mental. Le contenu des manuels scolaires est affligeant : de la division de l’enseignement selon le sexe, jusqu’à l’incitation au suicide, en passant par l’encouragement au mariage des enfants.

Dans les écoles primaires, les heures consacrées à l’enseignement du Coran dépassent largement celles des mathématiques, de l’histoire et de la littérature. On oblige les enfants à respecter les contraintes de la religion en les culpabilisant en cas de transgression. Le mythe de l’enfer est présenté comme une réalité attestée : les descriptions de ce lieu de damnation éternelle, où les pêcheurs vont être brûlés vifs, choquent les écoliers. Les jeunes élèves interrogés dans le cadre de mes enquêtes sont traumatisés à l’idée d’aller en enfer et certains d’entre eux préfèrent mourir jeunes pour assurer leur séjour au paradis. Les écoles de la République islamique sont celles de la punition, de l’enfer et de la mort.

L’éducation des garçons et celle des filles

Le but de l’enseignement est de fabriquer des soldats prêts à mourir pour défendre la République islamique. L’éducation est fondée sur la haine de l’Occident ennemi des musulmans du monde, les États-Unis et Israël en tête. Qasem Soleimani, chef de l’armée des Pasdaran – reconnu comme terroriste par l’Union Européenne en 2019 et tué dans un assassinat ciblé par les Américains en 2020 – est considéré comme un héros national. L’enfant de 12 ans, Hossein Fahmideh, qui s’est jeté en Kamikaze sous un char iraquien lors de la guerre Iran/Irak, est présenté aux élèves de troisième année de l’école primaire comme un exemple à suivre.

Les livres scolaires destinés aux filles enseignent que celles-ci sont différentes de leurs frères et qu’elles ne doivent pas se comparer à eux.  Les dessins des jeunes filles au balai se multiplient. Les écolières sont invitées à faire le ménage chez leurs parents afin d’être prêtes pour le mariage, puisque la mission la plus noble d’une femme dans la vie, c’est de servir l’homme et d’élever ses enfants, et cela dès que la nature le lui permet. Le but est de former des femmes obéissantes et passives. Dans les cours coraniques, on leur apprend que : « obéir à ton mari, c’est d’obéir à ton Dieu, comme disait le prophète ».

Certains observateurs estiment que la République islamique a facilité l’accès des femmes à l’université, puisque plus de 53% des étudiants sont du sexe féminin ; ils omettent de mentionner qu’avant l’avènement de la République islamique, les femmes pouvaient accéder aux postes ministériels, et qu’aujourd’hui le taux de participation des femmes au marché du travail est de 13% contre 69% pour les hommes. Les postes clés sont inaccessibles aux femmes et nombre de celles qui sont actives affirment d’être victimes des discriminations sur le marché du travail. 

Un système cohérent

Dans le livre de « management de la famille et style de vie » (page 56), destiné aux garçons de la dernière année du lycée, en haut d’un dessin qui affiche une enfant en robe de mariée à côté d’un homme mûr, il est écrit : « le mariage n’a pas d’âge, mais des conditions[1] ».

Ces livres enseignent aux écolières qu’il y aura toujours un temps pour faire des études, mais que le temps de faire des enfants est très limité pour une femme. La pire des choses pour une femme, c’est de rester sans enfant et sans mari.

Selon les chiffres officiels, du 1er mars au 1er septembre 2023, en six mois seulement, 791 enfants sont nés de mères âgées de 10 à 12 ans[2]. Selon les statistiques de l’Organisation Nationale de Santé, en 2022, l’âge moyen d’entrée en prostitution est de 10 à 12 ans, en-deçà du niveau mondial qui est de 13 à 14 ans.

La situation devient plus tranchée dans les livres extrascolaires, destinés aux enfants de 0 à 6 ans. La berceuse ci-dessous regrette ouvertement que la petite enfant soit une fille : « La la la la, ma chérie tu ressembles à une fleur, tu ressembles à l’eau sous le pont… / La la la la, j’aimerais que tu sois douce comme du miel. / Comme j’aurais voulu que tu sois un fils, / Que tu remplaces ton père où que tu sois. »

La banalisation de la violence dans les bandes dessinées montrant des exécutions publiques a été également observée : des souris qui pendent un chat méchant sur la place publique et s’en réjouissent, un bourreau avec un glaive sanglant à la main, prêt à décapiter un vieillard, un adolescent pendu (ci-dessous). Plusieurs familles ont contesté la mise en scène de l’exécution publique, en vain. Ces livres continuent à être publiés et vendus dans l’ensemble du pays.

La répression sous la République islamique n’est pas exercée de manière improvisée. Elle est d’abord justifiée, ensuite banalisée. La force des ayatollahs réside dans le fait qu’ils ont su mettre en place un système cohérent afin de rendre acceptable l’exercice de la violence dans la société. Les manuels scolaires oa pour but de rendre les futurs membres de la société réceptifs à l’acceptation des contraintes et des valeurs du régime.

La justification de la violence, la banalisation du mariage des enfants, l’enfermement des filles dans le rôle de la mère nourricière que prônent les manuels scolaires initient la mentalité des plus jeunes et les habituent à se soumettre. Plus une pratique sociale paraît banale, plus facilement elle est acceptée. Lorsque depuis les premières années de l’école, les jeunes élèves sont formatés pour voir la violence comme une mesure légitime, plus aucun acte de barbarie ne les rebute à l’âge adulte.

Sources

Notes

[1] http://www.didbaniran.ir/fa/tiny/news-124784

[2] Selon les chiffres officiels, en 2012, quatre naissances ont été enregistrées par des mères âgées de 10 ans, 50 pour des mères de 12 ans, 1289 pour des mères de 14 ans.