Les Verts ne sont décidément pas mûrs! edit

11 novembre 2011

La partie de bras de fer que le parti écologiste, EELV, a entamé avec le Parti socialiste risque fort de le conduire à Canossa. Une fois encore, les écologistes ont fait preuve de leur faible sens politique, ou plutôt de leur incapacité à savoir ce qu’ils veulent vraiment obtenir politiquement. Erreur d’appréciation à la fois sur l’état du rapport de force avec les socialistes et sur les intentions réelles de ces derniers, erreur d’appréciation ensuite sur les données politiques de la période. En posant une série d’ultimatums au PS, les écologistes n’ont pas mesuré que ce dernier n’était pas prêt à passer sous leurs fourches caudines. Du coup, ce sont eux qui risquent de passer sous celles du Parti socialiste.

Il est vrai que les deux partis ont intérêt à nouer une alliance dans la perspective du possible retour au pouvoir de la gauche en 2012. Les socialistes, malgré leur bonne situation électorale à la sortie d’une primaire réussie, ne sont pas assez puissants pour se passer d’un accord avec les écologistes et avec ce que représente la préoccupation écologiste aujourd’hui dans l’électorat. Les écologistes, de leur côté, s’ils veulent jouer un rôle réel sur la scène politique, ce qui est encore à démontrer, ont besoin à la fois d’un accord électoral avec les socialistes qui leur garantisse un minimum de députés, au moins un groupe parlementaire, c'est-à-dire quinze députés, et d’un accord de gouvernement qui les associe à l’éventuel prochain gouvernement de gauche. Rationnellement un accord entre les deux partis devrait donc être trouvé. Pourquoi, alors, cette perspective paraît-elle aujourd’hui éloignée ?

Les écologistes ont d’abord commis depuis la primaire socialiste une série d’erreurs de jugement. La première est qu’ils ne semblent pas avoir compris que la défaite de Martine Aubry ne pouvait pas ne pas avoir de conséquences sur l’état de leurs relations avec le Parti socialiste. Celle-ci leur avait d’autant plus concédé dans le période précédente qu’elle pensait avoir besoin de leur accord et de leur soutien pour remporter la primaire. Or il est curieux que les écologistes n’aient pas semblé comprendre que le désaccord profond, l’un des seuls dans cette primaire, qui a opposé les deux finalistes, ait concerné la question du nucléaire et particulièrement la question de l’EPR de Flamanville. Comment les écologistes pouvaient-ils penser que, si François Hollande, plutôt prudent par tempérament, avait délibérément marqué son opposition à Martine Aubry sur ce point, il reviendrait en arrière alors qu’il sortait très largement vainqueur de cette primaire ?

D’autant que François Hollande, non seulement doit montrer qu’il est homme de caractère et de décision, mais encore qu’il est capable de défendre les intérêts de la France, notamment dans le domaine de l’énergie. Or sur ce point sa positon est forte. Tout en admettant la nécessité de réduire de 75% à 50% la part du nucléaire dans la consommation d’énergie, choix qui entraînera des décisions difficiles et une augmentation du coût de celle-ci, il marquait en même temps sa volonté de défendre dans les temps qui viennent notre production d’énergie nucléaire et donc le renouvellement de nos centrales, position qui rencontre probablement l’assentiment de la majorité des Français et qui, dans la période à venir, paraît responsable. D’où son soutien à la poursuite des travaux de Flamanville dont les dépenses engagées sont considérables mais la réalisation nécessaire dans cette perspective. En outre, les écologistes se trompent de période, Fukushima s’éloigne dans le souvenir des Français, au moins comme danger immédiat et terrifiant. Les Français sont désormais concentrés sur la crise européenne qui les angoisse et qui risque de réduire leur niveau de vie. Accepteraient-ils de payer plus cher leur électricité dans ce contexte. Il est donc très peu probable que François Hollande cède sur Flamanville dont les écologistes ont voulu, à tort, faire le symbole et, du coup, la condition d’un accord avec les socialistes. En déclarant que, sans un engagement des socialistes d’abandonner Flamanville, ils refuseraient tout accord politique et électoral, les écologistes ont donc mis la barre trop haut, sauf à assumer toutes les conséquences d’un échec des négociations.

L’autre volet des négociations est celui des circonscriptions législatives. Ici, les écologistes, s’ils tiennent réellement à conquérir des circonscriptions législatives, ont besoin que le parti socialiste les lui « lotisse ». En effet, il est peu probable, surtout si François Hollande est élu président de la République l’an prochain, que les candidats écologistes devancent les candidats socialistes dans de nombreuses circonscriptions. Ils pourraient même ne les distancer dans aucune. Les socialistes sont prêts à un accord électoral mais pas à n’importe quel prix. Les écologistes, autre erreur d’appréciation, semblent oublier que l’élection présidentielle arrive avant l’élection législative. François Hollande n’a aucun besoin d’un accord avec eux avant l’élection présidentielle. Lorsqu’en 1981, entre les deux tours de scrutin, François Mitterrand, dans une interview au journal Le Monde, le 7 mai, interrogé sur la future majorité parlementaire et sur un éventuel accord avec le PCF, avait répondu: « Vous vous trompez d’élection. Il s’agit d’élire un président de la République. Il ne s’agit pas, pour l’instant, de constituer un gouvernement sur la base d’une nouvelle majorité. J’ai personnellement le sentiment qu’élu président de la République, la majorité se formera le 10 mai ».

La seule différence avec 1981 est qu’en 2012 les écologistes peuvent n’avoir aucun député sans un accord avec le Parti socialiste et que celui-ci ne souhaite probablement pas amener son éventuel partenaire à une telle extrémité. Pour autant, le rapport de forces est indéniablement du côté des socialistes, sauf si les écologistes veulent réellement jouer la politique du pire ce qui est possible mais pas le plus probable. En effet, d’après les leçons des élections passées, l’élection présidentielle est la plus mauvaise élection pour les écologistes. En outre, il n’est pas certain qu’ils aient choisi la candidate la plus performante pour réaliser un bon score électoral. Enfin, la dynamique politique qu’une élection de François Hollande créerait probablement pour les élections législatives risquerait fort de marginaliser les écologistes au premier tour de ces élections et donc, de les faire disparaître de la scène politique nationale. Ils ont donc intérêt à signer un accord avant plutôt qu’après l’élection présidentielle qui, si elle est victorieuse, et que les écologistes ont fait un mauvais score au premier tour de cette élection, n’encouragera pas les socialistes à être très généreux aux législatives, d’autant qu’un groupe parlementaire écologiste créera sans doute par la suite une situation qui ne sera pas de tout repos pour les socialistes. Si les écologistes se montrent trop exigeants à propos du nombre de circonscriptions gagnables que les socialistes pourraient leur concéder, ceux-ci pourraient donc être tentés d’attendre l’après élection présidentielle pour renégocier, cette fois en situation de force, avec eux. Certes, une défaite de François Hollande renverserait la situation au profit des écologistes mais pour l’instant les socialistes estiment être en mesure de gagner les prochaines élections et n’ont donc pas l’intention de trop céder aux écologistes.

Pour toutes ces raisons, les écologistes commettent une grave erreur en pensant qu’aujourd’hui les socialistes ont plus besoin qu’eux d’un accord politique. En voulant à la fois, contre les conseils de Daniel Cohn-Bendit, présenter un candidat contre les socialistes à l’élection présidentielle tout en exigeant d’eux à la fois qu’ils leur donnent au moins un groupe parlementaire et qu’ils acceptent l’essentiel de leur programme c'est-à-dire l’engagement immédiat d’une sortie totale du nucléaire, les écologistes veulent à la fois le beurre et l’argent du beurre. Ils jouent à la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. Mais en politique, au bout du compte, ce sont les rapports de force réels qui remettent toujours les pendules à l’heure.