La baisse du désir d’enfant edit

24 septembre 2025

Le désir d’enfant ne se mesure pas forcément aisément. La convergence des données des diverses études montre qu’il se maintient, car la très grande majorité des jeunes gens déclarent vouloir des enfants. Mais il se réduit significativement, accompagnant la baisse de la natalité depuis 2010 et annonçant des niveaux de fécondité qui ne devraient pas augmenter dans les années à venir.

Traiter des ressorts du désir d’enfant constitue un thème inépuisable d’interrogations et d’investigations. Sonder les âmes et les quidams sur leurs représentations et aspirations en la matière est une activité intellectuelle ancienne. Du côté des travaux démographiques, l’enquête sur « l’état de l’opinion publique au sujet de la dénatalité », menée par l’ancêtre de l’Institut national des études démographiques (INED) en 1942, est considérée comme la première vaste étude menée par sondage en France[1].

Actuellement, le désir d’enfant, en contexte de baisse significative de la fécondité, fait cogiter et publier. Les études s’accumulent. Les méthodologies se discutent et les résultats se disputent dans l’ordre du détail. Au-delà des querelles spécialisées, la tendance est assez nette : le désir d’enfant, tel que formulé en particulier par les jeunes gens, baisse. Tout en restant à un niveau conséquent.

Le désir d’enfant ne disparaît pas du tout…

Première étude à évoquer, une enquête menée en mars 2025 auprès des jeunes de 20 à 35 ans, pour le compte du Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), indique que 39% sont déjà parents et 61% ne le sont pas[2]. Parmi ces derniers, sans enfant donc, les trois-quarts pensent devenir parents au cours de leur vie. Pour résumer par une seule donnée, sur 100 personnes de 20 à 35 ans, 88% ont déjà des enfants ou le projettent.

Une étude pour la Fondapol réalisée en janvier 2025 révèle que la très grande majorité (70%) des jeunes Français (moins de 35 ans) qui n’ont pas d’enfant souhaitent en avoir. Par ailleurs, 75% des jeunes qui en ont déjà souhaitent en avoir un ou plusieurs autres[3].

Dans un autre sondage mené également en janvier 2025 pour le think tank Hexagone, 2 000 femmes âgées de 18 à 45 ans étaient interrogées[4]. Une question au libellé assez classique pour ce type d’interrogation leur était posée : « Dans l’idéal combien d’enfants souhaiteriez-vous ou auriez-vous souhaité avoir ? ». Réponse : 2,2. La réponse évolue significativement en fonction du diplôme de ces femmes. Celles sans diplôme évoquent 2,4 enfants, celles avec un diplôme du supérieur 1,8. Sans surprise, les femmes ayant grandi dans des familles nombreuses ont un désir d’enfants plus élevé. La religion déclarée par les répondantes joue un rôle significatif : 1,7 enfant pour les sans religion, 2,2 pour les catholiques, 2,8 pour les protestantes évangéliques, 2,9 pour les musulmanes. Les femmes se déclarant « très féministes » en voudraient 1,8, celles se disant « pas du tout féministes » 2,2.

À l’échelle internationale, le Fonds des Nations unies pour la population, a publié des données sur le désir d’enfant dans son « état de la population mondiale 2025 »[5]. Interrogeant la population dans 14 pays (mais parmi lesquels ne se trouve pas la France), l’enquête indique que près de 20% des personnes adultes en âge de procréer pensent, en moyenne dans ces 14 pays (allant de la Corée du Sud, à fécondité très faible, jusqu’au Nigéria, à fécondité très élevée), qu’elles ne pourront pas avoir le nombre d’enfants qu’elles désirent. Dans tous les pays, la majorité des répondants désiraient ou auraient désiré non pas au moins un enfant, mais en avoir deux.

… mais il se réduit

Au fond, le sujet n’est pas tant de savoir ce qu’est le niveau réel du désir d’enfant. D’ailleurs, que mesure-t-on vraiment (des intentions, un idéal, des regrets) ? Les débats techniques sont légion au sujet de la formulation des questions posées. En tout état de cause, il importe davantage de connaître les fluctuations de ce désir. S’il est compliqué à mesurer, l’évolution dans le temps de réponses à des questions posées de manière similaire fournit des indications importantes.

L’Union nationale des associations familiales (UNAF) fait de façon récurrente des analyses sur ce désir. Il en ressort, en 2023, un nombre idéal d’enfants qui se situe, pour l’ensemble de la population française adulte, à 2,27. Les personnes étaient interrogées fin 2023 et la question posée ainsi rédigée : « « Quel est le nombre idéal d’enfants que vous aimeriez personnellement avoir ou auriez aimé avoir ? »  Ce nombre idéal connaît, selon les données rassemblées par l’UNAF, un recul, puisqu’il était de 2,39 en 2020, comme en 2011[6].

Ce chiffre de 2,27 ne saurait être comparé terme à terme en toute rigueur, à l’indice conjoncturel de fécondité (environ 1,7 en 2023). Il marque cependant bien un décalage entre, d’une part, les réalités et aspirations du moment, et, d’autre part, la descendance en cours et à venir des générations[7]. Il convient aussi de noter que le « nombre idéal d’enfants que vous aimeriez personnellement avoir ou auriez aimé avoir » croît avec l’âge. Il est de 2,62 chez les 65 ans et plus, de 2,08 chez les 15 à 24 ans. Il s’agit bien d’une approche « dans l’idéal » et non d’une projection personnelle par rapport à sa situation et ses contraintes. C’est peut-être pour cela que le nombre idéal d’enfants croît avec l’âge, quand le désir d’enfant, proprement dit, décroît avec l’âge. Dans un premier cas des regrets, dans le second des projets (moins élevés).

Une enquête menée par l’INED en 2024, apporte des éléments d’information sur les représentations de la famille à travers des questions sur « le nombre idéal d’enfants dans une famille » et, plus concrètement, sur le nombre d’enfants que les femmes et les hommes ont l’intention d’avoir au cours de leur vie[8]. L’INED distingue bien le nombre idéal d’enfants du nombre d’enfants souhaités, qui inclut d’ailleurs ceux déjà eus[9]. La comparaison avec des questions quasi identiques posées en 1998 et en 2005 permet de décrire l’évolution depuis un quart de siècle.

En 2024 comme en 1998, les réponses des femmes quant au nombre idéal d’enfants dans une famille varient peu selon l’âge, mais se caractérisent par une diminution importante : de 2,7 à 2,3 enfants en moyenne. En 25 ans, le nombre idéal d’enfants a diminué de 0,4.

Tableau 1. Nombre idéal d'enfants selon les femmes

Source : INED

Le nombre d’enfants souhaités par les femmes est, en 2024, nettement plus faible que le nombre idéal d’enfants dans une famille : les femmes âgées de 18 à 24 ans souhaitent avoir 1,9 enfant en moyenne, celles de 25 à 34 ans en souhaitent 2. Vingt ans auparavant les 18-24 ans en souhaitaient 2,5, celles de 25 à 34 ans 2,6.

Tableau 2. Nombre d'enfants souhaités par les femmes

Source : INED

Pour résumer, le nombre idéal d’enfant a baissé de 0,4 en 25 ans, et le nombre souhaité d’enfants effectivement souhaité par les femmes a baissé, en 20 ans, de 0,6.

Autre information capitale, au titre du désir d’enfant, le nombre de personnes, hommes ou femmes, ne souhaitant pas d’enfants a connu une forte hausse entre 2005 et 2024 : de 6% à 12%.

Ce net recul du désir d’enfant des Français apporte assurément des éléments d’explication à la forte baisse de la fécondité depuis 15 ans (de 2 enfants par femme en 2010 à 1,6 en 2024). Il aura des répercussions multiples, car il devrait continuer à nourrir la tendance baissière de la natalité dans les années à venir, avec toutes les conséquences connues sur les équilibres d’une société vieillissante.

Pour les femmes et pour les hommes, désirer des enfants et décider de faire des enfants font certainement partie de ces dimensions les plus personnelles et les plus profondes, les plus intimes du point de vue individuel et du point de vue conjugal. Aussi, en réponse à cette baisse du désir d’enfant et à cette baisse conjointe de la réalisation du désir d’enfant, il ne faut pas rêver des capacités des politiques publiques à peser sur ce qui demeure, en partie, insondable.

 

[1]. Voir le dossier « Recueillir l’opinion des Français au sujet de la dénatalité : l’enquête Natalité de 1942 », Population, vol. 78, n° 2, 2023.

[2]. « Le regard et les projections des jeunes adultes sur la parentalité ».

[3]. « Le défi de la natalité », https://www.fondapol.org/etude/le-defi-de-la-natalite/

[4]. « Crise de la natalité : ce que veulent les femmes ».

[5]. « La véritable crise de la fécondité ».

[6]. À ce sujet, voir les données de l’UNAF, Yvon Sérieyx, « Le désir d’enfant en cinq questions clefs », Réalités Familiales, n° 140/141, 2023. Et pour les chiffres les plus récents, le site de l’UNAF.

[7]. Au sujet de la distance entre le nombre « idéal » et le nombre « réalisé » d’enfants, voir Laurent Toulemon et Maria Rita Testa, « Fécondité envisagée, fécondité réalisée : un lien complexe », Population & sociétés, n° 415, 2005.

[8]. Milan Bouchet-Valat, Laurent Toulemon, « Les Français·es veulent moins d’enfants », Population & Sociétés, n° 635, 2025.

[9]. Pour une rapide critique de la distinction entre nombre personnel idéal d’enfants et intentions de fécondité, voir la réaction de l’UNAF à l’enquête de l’INED, « Un désir d’enfant fort, mais que l’on ne compte pas forcément réaliser ».