Les Français sont plus germanophiles qu’europhiles edit

28 mai 2013

Un sondage de la BBC montre que plus de 80% des Français jugent que l’Allemagne a une influence « principalement positive » dans le monde. Un sondage Tilder-LCI-OpinionWay du mois dernier allait dans la même direction montrant que 58% des Français jugeaient que la rigueur budgétaire défendue par l’Allemagne était « plutôt une bonne chose » pour l’économie européenne. Mais c’est surtout le sondage du Pew Research Center du 13 mai dernier sur l’Europe qui nous fournit les informations les plus précieuses. La plus importante est celle-ci : ce n’est pas à cause de l’Allemagne d’Angela Merkel que les opinions défavorables des Français à l’égard de l’Europe ont fortement augmenté mais malgré elle. En effet, les Français sont nettement favorables à la ligne Merkel et adoptent l’Allemagne comme modèle. Ainsi, ils sont tout aussi nombreux que les Allemands (74% contre 80%) à estimer que Merkel a bien géré la crise économique. En revanche tandis que 56% des Allemands estiment que Hollande a bien géré cette crise, seulement 33% des Français partagent cette opinion. À la question de savoir si, pour résoudre les problèmes économiques du pays, il vaut mieux réduite les dépenses pour réduire la dette ou augmenter les dépenses pour stimuler l’économie, 67% des Allemands mais 81% des Français donnent la priorité à la réduction de la dette. Quant à l’euro, création franco-allemande, les deux tiers des citoyens dans les deux pays veulent le conserver. Par ailleurs, Français et Allemands estiment, les uns et les autres, que le pays européen dans lequel on peut avoir le plus confiance est l’Allemagne.

Les deux nations divergent en revanche sur leur opinion à l’égard de l’Europe. L’intégration économique européenne a renforcé l’économie nationale pour 54% des Allemands (59% en 2012) mais seulement pour 22% des Français (36% en 2012). Et si 60% des Allemands sont favorables en 2013 à l’Union européenne (contre 68% l’année précédente) ce n’est le cas que de 41% des Français (60% en 2012).  Les Allemands sont légèrement plus favorables à une augmentation des pouvoirs de décision de l’Union européenne (51%) que les Français (47%). Et ils sont en majorité favorables (52%) au sauvetage des économies européennes en risque de faillite, ce qui n’est le cas que de 40% des Français.

De ces données, il est possible de dégager deux idées importantes. D’abord, les Français ont plus confiance dans l’Allemagne que dans l’Union européenne. C’est la faible confiance en eux et dans leur propre gouvernement qui les conduit à approuver un modèle économique et politique qui leur apparaît comme une réussite. Angela Merkel leur paraît incarner le bon dirigeant européen. Si les Allemands se montrent plus europhiles que les Français, c’est qu’ils sont plus sûrs d’eux-mêmes et de leurs dirigeants. Ils voient l’Europe comme un prolongement de leur propre pays. Il en va de même des Français, mais de manière inversée. L’Europe ne leur inspire pas plus de confiance que leur propre pays et que leurs propres dirigeants.

Ensuite, et par conséquent, seule une Europe bâtie d’abord sur le socle solide de l’entente franco-allemande peut progresser vers une plus grande intégration. La confiance des peuples passe par une confiance dans leurs dirigeants. Mais qui peuvent être à leurs yeux les dirigeants de l’Europe en dehors des dirigeants des nations qui les composent ?

Après le triste épisode français sur l’accusation de l’égoïsme allemand, ces sondages montrent à quel point l’idée de défendre une vision de l’Europe qui tente d’unir les peuples européens contre la prépondérance allemande est aujourd’hui profondément erronée, c’est-à-dire contraire à ce que pensent les peuples européens eux-mêmes, Grecs et Polonais exceptés.

C’est pourquoi, le discours de François Hollande au 150e anniversaire de la création du SPD est en phase avec les tendances de l’opinion. En assimilant le SPD à la démocratie, au progrès et au réalisme, et en affirmant que nous, européens, « devons nous convaincre que la mise en commun de nos forces et de nos ressources apportera à nouveau le progrès. » et que « la France souhaite ouvrir cette discussion avec tous les Européens, et en premier lieu avec l’Allemagne. C’est cette ambition qui donnera son contenu à l’union politique », le président français montre clairement la voie. « Unies, la France et l’Allemagne feront avancer l’Europe », a-t-il affirmé dans sa péroraison. Espérons que la Parti socialiste dans son ensemble aura entendu ce message d’espoir et que François Hollande donnera un contenu concret à cette juste vision de l’avenir.