Régionales: une offre électorale qui évolue edit

2 juin 2021

Depuis 1986, les conseils régionaux sont élus au suffrage universel pour six ans. Un scrutin proportionnel de listes départementales a été utilisé en 1986, 1992 et 1998. Depuis 2004, nous avons un scrutin à deux tours mixte[1] proportionnel et majoritaire de listes régionales composées de sections départementales. Avant les précédentes élections de 2015, le nombre de régions métropolitaines a été réduit à 13.

Nous analysons ici l’offre électorale au premier tour dans les 12 régions de France continentale. La Corse, ainsi que les quatre régions d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion) ont des systèmes partisans spécifiques et c’est dans le cadre de chacun d’entre eux qu’une analyse de l’offre électorale pour le 20 juin devrait être menée.

104 listes se présentent au premier tour dans ces 12 régions (8,7 listes en moyenne) contre 119 en 2015 (9,9 en moyenne). Cette diminution de l’offre électorale correspond à une réduction de l’offre électorale à gauche ainsi qu’à une recomposition au centre et à droite. Tous les présidents et présidentes sortants se représentent, 7 de droite dont 4 LR (Laurent Wauquiez en Auvergne-Rhône-Alpes, Renaud Muselier en PACA, Jean Rottner dans le Grand Est et Christelle Morançais en Pays de la Loire), 2 ex LR (Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France et Valérie Pécresse en Île-de-France) ainsi que le centriste Hervé Morin en Normandie, et 5 PS (Marie-Guite Dufay en Bourgogne-Franche-Comté, Loïg Chesnais-Girard en Bretagne, François Bonneau en Centre-Val de Loire, Alain Rousset en Nouvelle-Aquitaine et Carole Delga en Occitanie).

La majorité gouvernementale (LREM, MoDem, Agir) présente des listes d’orientation centriste dans toutes les régions, dont deux menées par le MoDem, sauf en Provence-Alpes-Côte d’Azur ou elle soutient le président sortant LR Renaud Muselier. En Normandie, la députée Stéphanie Kerbarh conduit une liste dissidente contre la liste LREM officielle. Cela représente une forte augmentation de la présence de listes centristes, car en 2015 il n’y avait qu’une liste centriste (MoDem) indépendante (en Bourgogne-Franche-Comté), le MoDem faisant alors liste commune avec la droite LR-UDI dans les 11 autres régions.

À gauche, si l’extrême gauche (LO) est présente, comme en 2015, dans les 12 régions, on observe par contre une sensible réduction des autres listes sur 2015. Cette dynamique touche tous les partis. EELV mène 11 listes[2] contre 12 en 2015. Le PS ne mène plus que 9 listes alors qu’il était présent partout en 2015 (12 listes), car dans 3 régions il se range derrière EELV (Hauts-de-France, Grand Est, PACA. LFI mène 5 listes[3] et le PCF 2[4] alors qu’il y avait 10 listes Front de Gauche en 2015. Enfin, il n’y a plus qu’une liste divers-gauche[5] contre 8 en 2015 (dont 4 nouvelle Donne). Dans 3 régions (Hauts-de-France, Grand Est, PACA) le PS et le PCF se sont rassemblés derrière EELV avec également LFI dans les Hauts-de-France. Cette pression à l’union est liée au niveau du RN : ces 3 régions sont celles où le niveau du FN était le plus élevé en 2015. LFI soutient EELV en Centre-Val de Loire et Pays de la Loire et le PCF est derrière le PS dans 6 régions, les 5 où les socialistes ont la présidence sortante (Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Centre-Val de Loire, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie) ainsi que dans les Pays de la Loire. Remarquons que si la gauche est plus rassemblée au premier tour qu’en 2015, cette union a des limites, car EELV présente des listes en concurrence avec le PS partout où celui-ci à la présidence sortante et LFI ne soutient jamais le PS (et inversement).

Côté droite, il y a moins de changement dans l’offre électorale. Comme en 2015, le RN (ex FN) et LR présentent ou soutiennent des listes dans chaque région. Par contre, on observe une nette réduction du nombre de listes DLF (4 contre 12 en 2015), ainsi que de listes divers-droite et d’extrême-droite (4 contre 6). LR est derrière les 7 présidents et présidentes sortants de droite. L’UDI est avec LR dans 10 régions et avec les listes gouvernementales dans 2 (Bretagne et Nouvelle-Aquitaine). Le RN a réussi une certaine ouverture de ses listes notamment en présentant 3 têtes de liste non encartées, 1 ex LFI (Andréa Kotarac en Auvergne-Rhône-Alpes) et 2 ex LR (Jean-Paul Garraud en Occitanie et l’ancien ministre Thierry Mariani en PACA).

16 autres listes sont présentes contre 19 en 2015 (dont 12 listes de l’UPR qui n’en présente plus aucune). On dénombre 4 listes écologistes non EELV contre 3 en 2015, 4 listes UDMF[6] contre 2 en 2015, 4 listes régionalistes contre 5 en 2015 et 4 listes "divers", principalement en opposition aux restrictions de liberté liées à l’épidémie.

L’alliance passée par le président sortant LR de la région PACA (Renaud Muselier) avec LREM, publiquement annoncée le 2 mai par le Premier ministre Jean Castex, a provoqué une grave crise au sein de LR, plusieurs membres de sa direction nationale réclamant le retrait de l’investiture, dont le député de Nice Éric Ciotti, le président du groupe LR au sénat Bruno Retailleau et le député du Vaucluse Julien Aubert. Celle-ci fut finalement maintenue, mais le maire de Nice Christian Estrosi et celui de Toulon Hubert Falco, proches du Président de la République, ont quitté LR en protestation contre les critiques dont Renaud Muselier et eux-mêmes ont été l’objet de la part de la direction de LR. Au sein de la gauche, la constitution des listes a également fait l’objet de vives critiques de la part de LFI, accusant EELV de l’avoir écartée de la liste d’union en PACA.

13 membres du gouvernement (sur 43) sont candidats aux régionales : 5 dans les Hauts-de-France (le secrétaire d’État chargé des retraites Laurent Pietraszewski en tête de liste, le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti et la ministre en charge de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher dans le Pas-de-Calais, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et le secrétaire d’État aux Petites et Moyennes entreprises Alain Griset dans le Nord), 5 en Île-de-France (la ministre chargée de la citoyenneté Marlène Schiappa à Paris, la ministre de la Transformation et de la Fonction publique Amélie de Montchalin dans l’Essonne, la ministre chargée du Logement Emmanuelle Wargon dans le Val-de-Marne, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal dans les Hauts-de-Seine, la secrétaire d’État chargée de l’Éducation prioritaire Nathalie Élimas dans le Val-d’Oise), tandis que le ministre chargé des Relations avec le Parlement Marc Fesnau (MoDem) est tête de liste dans le Centre-Val de Loire, la ministre chargée de la Mémoire et des Anciens combattants Geneviève Darrieussecq (MoDem) tête de liste en Nouvelle-Aquitaine et la ministre en charge de l’Insertion Brigitte Klinkert tête de liste dans le Grand Est. On doit également remarquer les candidatures en tête de liste de l’ancien ministre LREM François de Rugy dans les Pays de la Loire, des anciens ministres socialistes Guillaume Garot dans les Pays de la Loire et Najat Vallaud-Belkacem en Auvergne-Rhône-Alpes, ainsi que du leader national des Verts Julien Bayou en Île-de-France.

L’analyse de l’offre électorale pour ce premier tour des régionales confirme trois points : (1) la perte de centralité du PS à gauche, maintenant concurrencé par EELV ; (2) l’émergence d’un pôle centriste gouvernemental ; (3) le maintien d’un affrontement à droite entre l’alliance LR-UDI et le RN.

 

[1] Avec une prime de 25 % des sièges à la liste qui l’emporte, les 75 % restants étant répartis à la proportionnelle entre toutes les listes selon leurs résultats au tour décisif. On peut fusionner les listes entre les deux tours : il faut obtenir 10 % des suffrages exprimés pour pouvoir se maintenir au second tour et 5 % pour participer à une fusion.

[2] EELV est derrière le PS en Normandie.

[3] En Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Occitanie, avec le soutien du PCF en Île-de-France, avec celui du NPA en Nouvelle-Aquitaine.

[4] Normandie et Auvergne-Rhône-Alpes, avec le soutien de LFI. Toutefois, une partie des communistes auvergnats soutiennent la liste menée par la socialiste Najat Vallaud-Belkacem.

[5] Menée par Aurélie Filippetti, ancienne ministre de la Culture, dans la région Grand Est avec le soutien de membres de LFI et du PS.

[6] Union Démocratique des Musulmans de France, proche de l’UOIF.