Etats-Unis: les choix du Parti républicain edit

17 mai 2022

A priori tout semble sourire au parti Républicain. La popularité du président Biden reste très basse et le parti Démocrate au pouvoir peine à surmonter ses divisions entre son aile gauche et sa majorité centriste. Du coup, les élections intermédiaires de novembre prochain (midterms) s’annoncent comme un succès triomphal et le candidat du parti a de bonnes chances de l’emporter aux présidentielles de 2024.

Cependant le Grand Old Party (GOP) n’a pas surmonté les périls d’une influence excessive des partisans de Donald Trump et ne parvient pas à définir une nouvelle identité qui lui garantirait l’adhésion de la fraction centriste de l’opinion. La crise de la démocratie américaine est aussi, dans une large mesure, celle du parti Républicain.

L’opinion de plus en plus favorable aux Républicains

Les études d’opinion sont impitoyables pour les Démocrates. D’après le site Five Thirty Eight, la cote de popularité de Biden tous sondages confondus présente un écart de 10 points entre les opinions favorables (42%) et défavorables (52%). En ce qui concerne les midterms, une majorité estime qu’il vaudrait mieux pour le pays que le Congrès passe sous le contrôle des Républicains. Le principal motif de mécontentement des électeurs est le niveau élevé de l’inflation qui s’élève à environ 8% en rythme annuel alors que les salaires progressent nettement moins vite si bien que le pouvoir d’achat de la grande majorité des citoyens est en baisse. Cette situation contraste avec les quatre années de mandat de Trump au cours desquelles le niveau de vie de toutes les catégories de la population a progressé. Ce n’est donc pas étonnant que dans un sondage publié par le Washington Post du 1er mai, 50% des électeurs considèrent que le Parti républicain est le plus apte à gérer l’économie et à combattre l’inflation contre 36% seulement pour les Démocrates.

Ce qui est encore plus préoccupant pour ces derniers est l’affaiblissement de leurs positions autrefois dominantes, dans l’électorat latino qui représente environ 16% du corps électoral. Celui-ci a de plus en plus tendance à voter républicain, notamment au Texas et en Floride, deux Etats importants en raison de leur poids démographique et économique mais qui semblent hors d’atteinte pour les Démocrates.

Les différentes études d’opinion dressent un tableau beaucoup plus favorable pour le Parti républicain. Celui-ci est plus crédible que son adversaire en ce qui concerne la gestion de l’économie et la lutte contre l’inflation. Par ailleurs, en dépit des efforts de Biden, il conserve l’appui de la majorité des Blancs non diplômés qui représentent près de 45% du corps électoral, ce qui lui donne un avantage certain dans des Etats du Middle West comme le Michigan ou l’Ohio. Dans ces conditions, il devrait reprendre le contrôle de la Chambre et du Sénat en novembre prochain, condamnant le président Biden à une paralysie totale jusqu’aux présidentielles de 2024. Si l’on tient compte du fait que la majorité des membres de la Cour Suprême, 6 sur 9, est favorable à la droite conservatrice et que 28 Etats sur 50 sont contrôlés par le GOP, force est de constater qu’aujourd’hui, le Parti républicain domine la scène politique américaine.

La question est néanmoins de savoir si cette situation est pérenne ou si les handicaps dont souffre le parti vont finir par bloquer son ascension.

Le handicap majeur est en même temps l’atout maitre qui a permis au parti de remporter la présidentielle de 2016, c’est Donald Trump. Celui-ci a été battu en 2020 en dépit du fait qu’il avait récolté six millions de voix de plus qu’en 2016. Depuis, et contrairement à ses prédécesseurs, il est resté très actif en jouant sur sa grande popularité auprès des électeurs républicains qui ont une opinion favorable de lui à plus de 70%. Il a continué à proclamer que le vote de 2020 avait été truqué et que c’est lui et non Biden qui avait été élu. Par ailleurs, il a décidé d’accorder son patronage à des centaines de candidats de son parti qui affrontent des primaires dans tout le pays. Le fait qu’il soit fréquemment sollicité par ces candidats est le signe évident que son influence reste forte et même déterminante dans un certain nombre de cas.

Cette situation est loin de plaire aux dirigeants du parti et notamment à Mitch McConnell, le leader de la minorité républicaine au Sénat. Ils constatent que Trump, un homme incontrôlable, reste le véritable patron du GOP et ils se préoccupent du fait que toutes ses déclarations ont trait à la soi-disant fraude électorale de 2020 alors que l’inflation et la crise migratoire sont de solides thèmes de campagne face aux Démocrates qui ne parviennent à maitriser ni l’une ni l’autre.

Le test des primaires

De ce fait, les premières primaires constituent un test du pouvoir de l’ancien président. Le 3 mai dernier se tenait celle de l’Ohio pour un siège de sénateur dans un Etat où le parti républicain est dominant. Le principal candidat était JD Vance, un personnage connu et controversé, auteur du bestseller Hillbilly Elegy dans lequel il raconte son parcours de fils de prolétaires blancs des Appalaches qui parvient à entrer à Yale, l’équivalent américain de nos grandes écoles élitistes. Vance s’était livré en 2015 à des attaques virulentes contre Trump. En 2022, il change complétement de discours, adhère à toutes les positions de l’ancien président et se fait patronner par lui. Le résultat est clair, il remporte la primaire avec 32% des voix contre 22% pour son principal concurrent.

Depuis, d’autres primaires dans le Nebraska et le Wisconsin montrent que les candidats qui s’alignent sur Trump et dénoncent avec conviction le « scrutin truqué » de 2020 ont les plus grandes chances de l’emporter face à des adversaires plus réservés à l’égard de l’ancien président.

Cela signifie-t-il que celui-ci sera le candidat du parti en 2024 et que la dérive droitière des Républicains va se poursuivre, ce qui rendrait impossible toute forme de collaboration avec les Démocrates ?

Pour répondre à ces questions, il convient de distinguer entre le destin personnel de Trump et les bases idéologiques du GOP.

Certes, Trump conserve un électorat fidèle chez les Républicains mais sa position semble se dégrader lentement. Si 60% des électeurs de ce parti continuent à croire que le scrutin de 2020 a été truqué au profit de Biden, ils ne sont plus que 45% à estimer que l’ancien président peut influencer leur vote. Ce pourcentage est beaucoup plus faible chez les sondés « non registered » (qui ne sont pas officiellement affiliés à un parti) qui représentent 40% du corps électoral et ont par conséquent une influence décisive.

La dérive droitière des Républicains se poursuit

Il n’est donc pas assuré que Trump pourra être présent au scrutin de 2024 et plusieurs candidats potentiels commencent à se manifester. Mais ce qui est frappant, c’est qu’aucun de ces postulants n’ose s’éloigner des positions ultra conservatrices de l’ancien président. L’homme le plus en vue aujourd’hui dans le camp républicain est le gouverneur de Floride, Ron de Santis. Jeune et diplômé de Yale et de Harvard, son profil est, en apparence, très diffèrent de celui de Trump. En revanche, ses positions très idéologiques reflètent fidèlement les convictions dominantes des électeurs du GOP : hostilité à l’avortement, aux droits des minorités sexuelles, à l’immigration, à la vaccination obligatoire contre la Covid. Son opération de « purification » des bibliothèques des écoles publiques de Floride par élimination de livres jugés dangereux pour la jeunesse a été critiquée mais n’a pas troublé son électorat qui s’apprête à le reconduire, en attendant de le soutenir dans les futures primaires présidentielles.

Dans une remarquable analyse publiée dans le New Yorker du 5 mai, Susan Glasser souligne qu’il n’y a aucun espoir aujourd’hui de voir le Parti républicain prendre ses distances par rapport aux dérives encouragées par Trump. Au surplus, grâce à un système électoral qui favorise un parti pourtant minoritaire en voix sur le plan national, il peut espérer conserver ou conquérir les postes clé au Sénat, dans les Etats et au sein du collège électoral qui élit le président. Ainsi, une minorité de moins en moins démocratique s’impose dans un pays en crise.