Déficits: pour savoir ce que les candidats feraient, regardons ce que leurs prédécesseurs ont fait edit

14 février 2007

La France est récemment sortie de la procédure de déficit excessif initiée par la Commission européenne en 2003, ce qui a entraîné un concert d’auto-félicitations sur la bonne conduite des finances publiques françaises. Mais la France reste un des cancres européens en la matière. Elle a aujourd’hui le déficit public le plus élevé des pays de la zone euro (2,6% du PIB), après l’Italie, la Grèce et le Portugal. Pour 2007, les analystes projettent généralement que seuls la Grèce et le Portugal feront « pire » que la France en termes de déficit budgétaire.

Depuis cet été, les différents partis candidats aux élections présidentielles ont publié leurs programmes ou des éléments de programme. Différents instituts ont tenté d’en chiffrer le coût. Il est difficile de se livrer à ce type d’exercice : les évaluations ex post et ex ante diffèrent souvent et le coût dépend de la mise en œuvre de la mesure. En outre, ces programmes mentionnent rarement comment les mesures seront financées, et les différents candidats ont été peu diserts sur ce sujet jusqu’à présent. Nicolas Sarkozy s’est engagé à réduire le déficit budgétaire à 1,5% du PIB dans les 5 ans qui suivraient son élection et à ramener la dette publique en dessous des 60% ; sans s’engager sur une cible chiffrée, Ségolène Royal a annoncé qu’elle voulait réduire les déficits et la dette.

Comme les programmes fournissent peu d’information sur les perspectives budgétaires, on peut tenter d’extraire de l’information des comportements passés.

Prenons d’abord les indicateurs les plus synthétiques des finances publiques et leur évolution sous les différents gouvernements. Depuis 1981 :

- la croissance a été plus forte sous les législatures de gauche que de droite

- les déficits budgétaires ont augmenté sous deux législatures de gauche sur trois ; ils ont diminué sous les législatures de droite

- les dépenses publiques ont augmenté sous deux législatures de gauche sur trois, alors que les recettes publiques augmentaient aussi, mais moins vite ; les dépenses publiques ont diminué sous deux législatures de droite sur trois et les recettes publiques ont augmenté

- la dette publique, nette ou brute, a augmenté sous toutes les législatures

Pour comprendre un peux mieux l’évolution des finances publiques, regardons maintenant comment les dépenses et recettes ont augmenté sous les six législatures, en comparaison avec les autres pays de l’OCDE. Depuis 1981, non seulement les dépenses ont augmenté en termes de PIB en France de 49,6% en 1988 à 53,8% en 2006, mais elles ont diminué dans les autres pays, si bien que la France se retrouve un des pays les plus dépensiers de l’OCDE. Parallèlement, les recettes budgétaires (et donc l’impôt) ont augmenté plus rapidement en France que dans d’autres pays, même si la différence est moins spectaculaire.

Evolution des dépenses publiques à travers les législatures

 

 

1988

 

 

 

1993

 

 

 

1997

 

 

 

2002

 

 

 

2006

Danemark

55.7

FI

64.8

DN

57.1

DN

54.9

FR

53.8

Pays Bas

54.7

DN

60.6

FI

56.2

FR

52.6

DN

51.8

Belgique

53.7

IT

56.4

FR

53.7

AT

50.7

IT

49.6

Autriche

53.2

AT

56.0

AT

53.0

BG

49.9

AT

49.1

Italie

50.4

BG

54.7

BG

51.0

GR

49.2

BG

49.0

France

49.6

FR

54.4

IT

50.2

FI

48.8

FI

48.9

Finlande

46.4

NL

54.1

GR

49.3

DE

48.0

PO

47.5

Grèce

43.1

GR

51.0

DE

48.3

IT

47.4

NL

46.7

RU

41.4

SP

48.6

NL

46.8

NL

46.2

DE

45.9

Espagne

40.1

DE

48.3

PO

42.9

PO

44.3

GR

45.6

Portugal

37.1

 

UK

46.1

 

UK

41.6

 

UK

42.0

 

UK

45.3

Etats-Unis

36.2

PO

45.8

SP

41.0

SP

38.7

SP

38.0

Allemagne

 

US

38.0

US

35.4

US

36.3

US

36.5

Source: OECD, Barclays Capital.

Evolution des recettes publiques à travers les législatures

 

 

1988

 

 

 

1993

 

 

 

1997

 

 

 

2002

 

 

 

2006

Danemark

57.4

DN

56.8

DN

56.6

DN

55.1

DN

55.2

Finlande

51.6

FI

56.5

FI

55.0

FI

52.9

FI

51.4

Pays-Bas

50.7

AT

51.6

AT

51.1

AT

50.0

FR

51.1

Autriche

49.8

NL

51.4

FR

50.7

BG

49.8

BG

49.0

France

47.1

FR

48.5

BG

49.0

FR

49.4

AT

47.8

Belgique

46.6

BG

47.4

IT

47.6

DE

44.4

NL

46.3

Roy.-Uni

41.8

IT

46.3

DE

45.7

IT

44.4

IT

44.9

Italie

39.3

DE

45.3

NL

45.5

NL

44.2

DE

43.5

Espagne

36.9

SP

41.7

GR

42.8

GR

43.9

GR

42.9

Portugal

33.4

 

UK

38.2

PO

39.5

PO

41.4

PO

42.8

Etats-Unis

32.6

PO

38.1

 

UK

39.5

 

UK

40.2

 

UK

42.3

Grèce

31.8

GR

37.9

SP

38.2

SP

38.4

SP

39.4

Allemagne

 

US

33.0

US

34.6

US

32.5

US

34.2

Source: OECD, Barclays Capital.

 

Au total, il semble donc que la France a atteint les limites de l’augmentation des recettes et dépenses. L’expérience des législatures précédentes ne fournit donc sûrement pas un bon guide de ce qui risque de se passer dans cette législature, mais suggère que la réforme des finances publiques n’a pour le moment pas été une priorité des gouvernements en place depuis 1981. A contrario, cette rétrospective suggère que tout gouvernement qui voudrait gagner des marges de manœuvre budgétaires devra réfléchir à tailler dans les dépenses, puisque augmenter l’impôt ne semble plus être une option possible aujourd’hui.