Primaires socialistes : le mauvais combat de l’UMP edit

23 juin 2011

L’UMP s’est finalement décidée à déclencher une offensive généralisée contre les primaires socialistes. Ce faisant, les partisans du président de la République reconnaissent que ces primaires les inquiètent au plus haut point. Il est vrai qu’ils ont des raisons d’être inquiets mais leur attitude, qui risque d’apparaître comme une tentative de faire obstacle à la démocratisation du processus de désignation des candidats à l’élection présidentielle, pourrait leur revenir en boomerang.

L’UMP espère-t-elle faire annuler les primaires socialistes ? Il est peu probable qu’elle y parvienne. L'article 8 du code électoral précise explicitement que « tout électeur, tout candidat et tout parti ou groupement politique peut prendre communication et copie de la liste électorale ». Le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, a reconnu lui-même que la mise à disposition des listes électorales est légale. Le PS a donc le droit de s'en servir pour un scrutin interne. La CNIL a donné son accord en mai après les garanties données par le PS. Celui-ci a assuré à la CNIL que les listes papier « utilisées par les bureaux de vote (...) seront détruites à l'issue de l'investiture » du candidat socialiste, et ce « sous contrôle d'huissier de justice ». David Assouline, secrétaire national à la communication du PS, confirmé l’accord de son parti sur ce point. Il a également proposé « que l'UMP envoie des délégués » dans les bureaux de vote mis en place par les socialistes. Ces éléments n'ont pas empêché le député UMP Gérard Courtial de saisir à nouveau la CNIL. Le patron de la commission, Axel Türk, lui a opposé une fin de non recevoir, expliquant que « la CNIL ne voit pas, pour l'instant, de problème juridique ».

L’UMP sait qu’elle ne pourra probablement pas empêcher la tenue des primaires socialistes mais son véritable objectif ne semble pas être celui-là. Il est plutôt d’empêcher que ces primaires soient une réussite sur le plan démocratique, c'est-à-dire qu’elles mobilisent massivement les électeurs socialistes. Là est le véritable enjeu : pouvoir dire que les primaires socialistes sont un échec de la mobilisation. En effet, les dirigeants de l’UMP ont compris qu’une forte participation des sympathisants socialistes produirait deux effets négatifs pour leur parti. Elle donnerait au PS un avantage important du point de vue de la réponse des appareils de partis à une demande croissante de participation des électeurs. Or, l’élection présidentielle étant l’élection qui intéresse et mobilise le plus les Français, une réussite de la primaire signifierait que les socialistes ont su prendre en compte mieux que la droite les souhaits des Français. En outre, une forte mobilisation donnerait au candidat socialiste désigné au terme de cette procédure une légitimité qui le placerait en bonne position pour le premier tour de l’élection présidentielle, favorisant le vote utile à gauche à son bénéfice et rendant moins probable une élimination comme ce fut le cas en 2002.

Pour tenter d’empêcher une mobilisation massive à la primaire socialiste, l’UMP a décidé d’utiliser l’argument qui lui semble le plus efficace : Jean-François Copé l’a utilisé sans fioritures. La primaire va permettre au PS d’opérer « un gigantesque fichage » des Français. « La possession de la liste électorale comme la possession de la liste d'émargement, après la consultation, (...) va permettre, selon lui, d'obtenir une sorte de liste des opinions politiques des Français ».

Il s’agit donc de souligner le danger de « flicage » politique afin de les dissuader de participer à la primaire socialiste.

On comprend que l’UMP et Nicolas Sarkozy s’inquiètent. Mais ils choisissent la mauvaise voie pour contrer les effets positifs pour les socialistes d’une primaire réussie. Pour trois raisons. La première est que, ce faisant, ils apparaissent aux Français comme hostiles aux procédures démocratiques, semblant refuser aux électeurs, qui pourtant le souhaitent, de participer à la désignation démocratique de leur candidat à l’élection phare de la Ve République. La seconde est que les héritiers du gaullisme jouent à contre emploi, préférant défendre le pouvoir des appareils partisans plutôt que favoriser la création de ce lien particulier et direct entre un candidat et les Français qui a fait l’originalité et la force de cette tradition politique dans la République française. Enfin et surtout, alors que l’UMP et le PS sont les seuls partis, aujourd’hui, à pouvoir faire élire l’un des leurs à la présidence de la République et sont tous les deux sous la menace potentielle d’une élimination par le Front national au premier tour, le parti de Nicolas Sarkozy devrait s’interroger de manière constructive sur la manière de contrer cette menace de manière à la fois efficace et démocratique. Plutôt que de tenter d’obtenir une annulation par la CNIL sous prétexte que la primaire du PS, comme le dit le député Edouard Courtial, ne peut « en aucun cas être assimilée aux scrutins qui régissent le fonctionnement normal de notre démocratie : non prévue par nos textes, elle n'opposera que des candidats issus du même parti. Par conséquent, l'Etat n'a pas à apporter un quelconque concourt à son organisation », les dirigeants de l’UMP feraient mieux de s’interroger sur un recours éventuel à des procédures démocratiques nouvelles.

Le paradoxe est que tout en condamnant le principe même des primaires, Nicolas Sarkozy et son parti sont eux-mêmes confrontés à un péril que la procédure des primaires serait la plus adéquate pour le conjurer. En effet, l’utilité des primaires, pour les grands partis, est d’éviter la multiplication des candidatures à l’élection présidentielle dans leur propre camp, qui peut avoir notamment pour conséquence une élimination au premier tour au profit du Front national, comme ce fut le cas en 2002 pour le Parti socialiste. Or, pour éviter une telle multiplication ou au moins la réduire, le pouvoir utilise des moyens sans doute moins efficaces et moins démocratiques que la procédure de la primaire. Toute candidature autre que celle du président sortant provenant des rangs de la majorité est présentée comme dissidente et illégitime. Une forte pression est exercée sur les députés sortants qui pourraient soutenir une telle candidature pour les dissuader de le faire. Le choix qui est alors laissé aux concurrents éventuels est de disparaître ou de déposer leur candidature avec le risque réel d’une élimination de tous les candidats de la majorité sortante au premier tour. Triste choix ! Ne vaut-il pas mieux alors pour la droite adopter, elle aussi, la procédure de la primaire ouverte, plus démocratique et mieux adaptée à son caractère pluraliste ?

Le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Christian Jacob, a qualifié de ridicule la primaire socialiste. Comment qualifierait-il les pressions que son parti effectue sur les tendances de la majorité actuelle, non issues du RPR, pour imposer la seule candidature du président sortant en 2012 ? La grande démocratie américaine utilise depuis deux siècles cette procédure ridicule. Elle ne s’en est pas mal portée jusqu’ici ! Et les deux grands fossoyeurs de la démocratie au siècle dernier, le fascisme et le communisme, n’y ont pas trouvé un terrain particulièrement favorable à leur développement !