Du ni gauche ni droite au gauche, centre et droite edit

17 mai 2017

Après une campagne présidentielle menée par Emmanuel Macron sous le signe du ni gauche ni droite, le gouvernement qui va affronter les élections législatives a été formé selon une formule différente, celle du gauche/centre/droite. Le changement est logique politiquement et administrativement. Il ne s’agit pas de simples débauchages individuels mais d’une tentative audacieuse de recomposition politique.

Viennent du Parti socialiste le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et celui de la Cohésion des territoires, Richard Ferrand ; viennent des Républicains outre le Premier ministre, Edouard Philippe, le ministre de l’Economie et celui des Comptes publics, Bruno Lemaire et Gérald Darmanin. Viennent enfin du centre le Garde des sceaux, François Bayrou, la ministre des Armées, Sylvie Goulard et la ministre des Affaires européennes, Marielle de Sarnez. Tous sont des personnalités politiques importantes. Enfin, Nicolas Hulot, à la Transition écologique, représente la mouvance écologique et le ministre de l’Agriculture, Jacques Mézard, les radicaux de gauche. Notons que l’UDI n’a aucun représentant, le Modem représentant le centre à lui tout seul. À côté de ces ministres politiques, certaines personnalités reconnues pour leurs compétences dans leur domaine occupent les ministères de l’Éducation nationale, du Travail, de la Santé, du Transport et de la Culture, la plupart ayant des attaches partisanes. Bref, dans l’ensemble, et nous ne nous en plaindrons pas, il s’agit d’un ministère formé principalement en fonction du poids et de l’expérience politique. Un ministère pour gagner les élections.

Loin, donc, de représenter le passage du politique professionnel à la société civile, ce ministère, même si certains le critiqueront, traduit le projet politique du nouveau président de concentration républicaine que le mode de scrutin interdit pour l’instant de traduire au moyen de coalitions partisanes, l’union des centres avec cependant un penchant à droite plus fort que le penchant à gauche, les ministères économiques étant donnés à des personnalités clairement de droite alors que les personnalités issues de la gauche avaient déjà quitté leurs partis pour rejoindre En Marche ou s’apprêtaient à le faire.

Un ministère qui penche donc plutôt à droite, ce qui est logique dans la mesure où, la gauche s’étant aujourd’hui détruite d’elle-même, il s’agit pour Emmanuel Macron de diviser maintenant la droite.

 

Il ne s’agit donc pas de débauchage mais d’une véritable opération de recomposition complète du système partisan qui, après le suicide du Parti socialiste, doit réussir à couper en deux l’électorat des Républicains. L’enjeu politique est donc considérable et si ce gouvernement gagne les élections, la France politique de demain ne ressemblera plus du tout à celle d’hier. Ce gouvernement tripartite gauche/centre/droite a pour objectif d’isoler les différents tronçons de la gauche et le Front national ainsi que la droite des Républicains qui demeure sous l’influence de Nicolas Sarkozy et d’une partie des anciens fillonistes. Si cette équipe gagne les élections, la nouvelle majorité pourra accueillir ceux des Républicains et des centristes de l’UDI qui ont appelé à saisir la main tendue par le nouveau président.

On pourrait alors considérer que le nouveau clivage progressistes/conservateurs remplacera alors le clivage gauche/droite comme clivage politique principal dans le fonctionnement du système politique français : européanisme contre nationalisme, humanisme contre xénophobie, libéralisme économique contre étatisme, modérantisme contre extrémisme, tolérance contre rigorisme, ouverture à la mondialisation contre protectionnisme.

Si ce gouvernement gagne les prochaines élections législatives, le bouleversement de notre système politique pourra être comparé à celui de 1958. Nul besoin donc d’en souligner davantage l’importance.