Les habits neufs de l’université française edit

5 mars 2021

L’image était belle en août : la France brillait au classement de Shanghai, avec notamment l’université de Paris-Saclay à la 14e place mondiale. Grâce aux regroupements d’universités et de grandes écoles, grâce à l’autonomie des universités peut-être aussi, la France était enfin reconnue à sa juste valeur. Mais la belle image et les cocoricos n’ont pas duré deux mois, et le Nobel de Mme Charpentier a vite déclenché les critiques, paradoxalement. Car si elle est française et a été formée en France, c’est à l’étranger qu’elle a fait sa carrière, aux Etats-Unis et en Allemagne, avec des conditions de travail qu’elle n’aurait jamais trouvé en France. C’est la Shanghaisation de l’université française : la recherche française est devenue plus visible, mais les conditions de travail des chercheurs restent médiocres. Certes le paysage universitaire français était trop parcellaire en 2003 quand le premier classement de Shanghai est sorti, et certains regroupements étaient les bienvenus. Mais les fusions d’universités sont vite devenues la martingale pour progresser au classement, plus que tout effort de fond. Au point de donner le sentiment que l’on truquait le thermomètre, plutôt que de changer vraiment la température.

Sur le terrain, combien d’universités frôlent la cessation de paiements ? Combien de vacataires payés avec presqu’un an de retard ? Pour les universitaires, disposer d’un ordinateur portable professionnel est l’exception plutôt que la règle, les salles équipées de projecteurs sont rares, et les outils numériques laissent le plus souvent à désirer. Ce qui a donné lieu à un joyeux bazar avec le Covid. Les universités sont en théorie libres de sélectionner les étudiants en licence, mais avec quels moyens ? Dans d’autres pays il y a toute une administration pour s’en occuper. Pour ces tâches administratives ou pour d’autres, parfois extrêmement chronophages – des jours entiers –, les universitaires en France n’ont guère qu’une poignée d’heures de décharge. D’autant que ce travail de sélection des dossiers est ensuite largement ignoré par le rectorat, qui impose des critères de sectorisation géographique, et force les universités à accueillir toujours plus d’élèves, dont le niveau est toujours plus faible. Tant que le bac permettra l’accès à l’université, sans garantir un niveau minimal, la sélection restera une farce. Et si l’Etat continue de contrôler les universités par le carcan des règlements, la carotte des subventions et le bâton du juge administratif, l’autonomie et la souveraineté des universités resteront abstraites.

Quant aux moyens pour faire de la recherche, ils sont de plus en plus dépendants des appels à projets, français ou européens. Le retard français dans le développement de vaccins a d’ailleurs été l’occasion pour le Conseil d’Analyse Economique de rappeler que les dépenses de recherche publique en santé ont chuté de 28 % en France entre 2011 et 2018, alors qu’elles augmentaient de 11 % et 16 % en Allemagne et au Royaume-Uni respectivement. On retrouverait probablement une évolution similaire dans d’autres disciplines. Pour réserver un vol ou un hôtel pour une conférence académique – ou payer un logiciel ou les frais de soumission à une revue –, le processus est souvent kafkaïen, avec un ordre de mission et le passage par l’agent comptable de l’université : c’est le même régime de suspicion généralisée que dans le reste de l’administration française. Dans de nombreux autres pays, c’est le secrétariat de l’unité ou du département qui gère l’administration des dépenses et la carte bancaire.

Il n’est certes pas choquant qu’une partie de la recherche soit financée par des appels à projets publics, ou du financement privé, ou même des droits de scolarité. C’est le cas dans tous les pays. Mais il ne faut pas perdre de vue le « business model » fondamental d’un système universitaire, qui est vieux de près de 1000 ans : c’est l’activité d’enseignement des universitaires qui leur donne les moyens de faire leurs recherches à côté. En économie on parlerait de subvention croisée. Les universitaires doivent avoir des ressources propres minimales pour la recherche, en plus des appels à projets et du privé. En partie pour financer la recherche fondamentale, mais aussi parce que les universitaires ne peuvent pas tous exceller dans les appels à projets. Tous les avocats et tous les médecins ne sont pas des ténors ou des pontes, il y a des petits cabinets à côté des gros, et ils doivent avoir les moyens de travailler. Tous les chercheurs ne seront pas des prix Nobel, et le métier de la recherche n’attirera jamais personne si seuls les Nobels disposent du temps et des moyens matériels pour faire un peu de recherche. Ce qui passe par un budget de recherche et de frais généraux, même modeste, pour chaque universitaire.

La crise de l’université n’est certes pas unique à la France. La massification scolaire puis universitaire a longtemps créé un appel d’air très favorable. Les jeunes docteurs trouvaient des postes de maîtres de conférences, et ces derniers des postes de professeurs. Même avec un système de tenure clock comme aux Etats-Unis[1], les titularisations n’étaient pas trop difficiles, quitte à rejoindre une université un peu moins prestigieuse dans le pire des cas. Mais comme pour les retraites par répartition ou une pyramide de Ponzi, le tassement démographique met tout le système en péril. De plus, avec la massification, la puissance publique n’est plus aussi généreuse que par le passé : le budget de l’enseignement et de la recherche progresse, mais le budget par étudiant ou chercheur stagne voire diminue. Ce n’est pas un hasard si le financement public est encore plutôt généreux en Suisse ou en Allemagne : ces pays qui orientent beaucoup vers les filières techniques et manuelles ont moins d’étudiants. Les universités américaines ont longtemps cherché des relais de croissance dans les droits de scolarité, en multipliant les formations « vache à lait » (business, droit, ingénierie) tournées vers les étudiants étrangers, et en vendant aux étudiants une expérience de campus toujours plus exceptionnelle. Le Covid a frappé ces universités de plein fouet, car les étudiants rechignent à payer des dizaines de milliers de dollars par an pour une formation à distance, et les étrangers – notamment les chinois – n’ont plus de visas.

Mais la France se caractérise aussi par quelques problèmes spécifiques. D’abord l’hyper bureaucratie tatillonne, évoquée plus haut. Elle découle largement de la rigidité du statut public des universités, et de celui de fonctionnaire des universitaires. Sans forcément privatiser, le statut de fondations offrirait plus de souplesse au jour le jour. Au sein des universités, les départements disciplinaires sont aussi bien trop marginalisés par rapport à la présidence et au conseil d’administration. A l’étranger les départements sont bien plus autonomes, tant en termes de budgets que de recrutements. Le statut de fonctionnaires d’Etat est également inadapté pour les universitaires et cause quelques absurdités. Les congés sabbatiques des universitaires prennent la forme d’un détachement ou d’une disponibilité, avec un droit au retour – à moins de quitter sans retour l’université française. Comme l’université doit pouvoir les ré-accueillir, elle doit geler le poste pendant des années, et de faire appel à des vacataires. Dire que les universitaires ne devraient pas être des fonctionnaires ne veut pas dire qu’ils n’auraient aucun droit : leur indépendance est garantie par la Constitution. Ils ont une liberté d’expression bien plus large qu’un fonctionnaire normal, mais l’intérêt du département doit aussi être pris en compte.

L’autre problème français, c’est que les politiques et les hauts fonctionnaires sont en majorité passés par les grandes écoles, et ils ne connaissent rien à l’université ni à la recherche. On connaît la boutade du général de Gaulle : « des chercheurs on en trouve mais des trouveurs on en cherche ». L’idée que la recherche universitaire est incompétente et irréformable est assez partagée, à droite et à gauche. D’où l’accent mis sur les grandes écoles et les organismes de recherche type CNRS[2], qui permettraient eux de fournir un enseignement et une recherche de qualité. Et plus récemment, la mode s’est aussi porté sur les appels à projets – seuls capables de sélectionner les bons chercheurs – et la recherche privée via le Crédit Impôt Recherche (CIR). Une dose d’appels à projets est vertueuse, mais l’évaluation formelle incessante, par des comités nationaux élus ou nommés, est infantilisante et a toujours un coût. Le temps passé à postuler ou à sélectionner des appels à projets interminables n’est plus passé dans la recherche, et la recherche trop fondamentale se prête mal à ces évaluations. Comme les Shadocks qui pompent dans le vide, les universitaires évaluent et sont évalués dans le vide.

Avec le CIR, on a beaucoup misé sur la recherche privée. Contrairement à la recherche publique forcément inefficace, la recherche privée saurait elle quoi chercher, et comment le faire. La part de la recherche publique a donc baissé à mesure que l’on augmentait les subventions à la recherche privée. Pourtant ce modèle est dépassé. Ce n’est pas dans les grands labos – grands bénéficiaires du CIR – que les vaccins à ARN messager ont été développés, mais dans les universités et les startups. Les grands mastodontes n’investissent plus guère dans l’innovation eux-mêmes : ils rachètent ou montent des partenariats avec les startups fondées par les chercheurs. Le modèle français d’une fiscalité élevée avec des crédits d’impôts élevés n’est pas adapté à un univers entrepreneurial où les startups passent de longues années sans faire de bénéfices, avant d’être vendus à des grands groupes ou des fonds.

En fait, pour de nombreux politiques, l’université ne serait pas un vecteur d’innovation et de recherche, mais d’abord une grosse administration servant de garderie aux étudiants – et particulièrement depuis une vingtaine d’année avec la massification des études supérieures. La priorité serait d’acheter la paix sociale : le ministère cogère l’université avec les syndicats étudiants et enseignants. En plus d’obliger les universités à accueillir des bacheliers au niveau toujours plus faible, le ministère se retrouve souvent à appuyer les demandes étudiantes de nivellement vers le bas : le moins de sélection et de redoublements, ainsi que des notations et des compensations toujours plus compréhensives.

Quelles réformes?

Comment réformer l’université française ? Le modèle américain n’est pas la panacée, et il serait illusoire de vouloir le transposer en France. Mais trois aspects nécessitent de profonds changements : les moyens, le statut des universitaires, et celui des universités elles-mêmes. Les moyens d’abord : il est évident qu’un effort budgétaire est nécessaire pour rendre le métier plus attractif, tout au long de la carrière. On peut tout à fait envisager d’augmenter les frais de scolarité ou de réduire les APL des étudiants, mais il faudra aussi que la collectivité accepte de dépenser plus par étudiant, sans se cacher derrière des hausses budgétaires de pur affichage sur 6 ou 10 ans, qui compensent à peine l’inflation, comme l’actuelle loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) le fait quelque peu. Il serait également souhaitable que les hausses d’effectifs étudiants soient pleinement compensées pour les universités. Trop souvent, on retrouve le même phénomène qu’avec les hôpitaux : les établissements avec le plus de demande voient leur part du gâteau global augmenter, mais le gâteau lui-même ne grossit pas, et c’est un jeu à somme nulle entre établissements. Si l’on continue à forcer le système universitaire à accueillir toujours plus d’étudiants, il faut alors lui en donner les moyens.

Un niveau suffisant de financement de la recherche (hors salaires des universitaires), indépendant des appels à projets, est aussi indispensable. Si une université a à peine le budget pour payer ses coûts fixes et de personnels, où est l’autonomie ? Cette autonomie doit s’étendre à la fois aux départements (avec la personnalité juridique) et aux universitaires eux-mêmes – avec une part de budgets libres. Si un député ou un représentant de commerce est libre de gérer son enveloppe de frais professionnels comme bon lui semble, avec un contrôle a posteriori, pourquoi un universitaire en théorie indépendant et autonome ne pourrait-il pas lui aussi disposer d’une souplesse minimale pour certaines dépenses ? Une enveloppe de frais libres de 5 ou 10 % de la rémunération, ce ne serait pas la gabegie générale. Cela serait certes une rupture avec la logique administrative française, mais les universités ne doivent pas être des administrations comme les autres. Et rien n’empêcherait d’auditer périodiquement les départements des universités, ou de les faire contrôler par les Chambres Régionales des Comptes, comme le sont les collectivités territoriales. On passerait d’une logique de contrôle à la responsabilité.

La revalorisation des carrières des enseignants chercheurs doit être une priorité, mais il faut aussi réfléchir à ses modalités, et au statut de ces universitaires. Il est probablement illusoire de vouloir passer les universitaires sur des contrats de droit privé, négociables de gré à gré. Le plus sage serait d’augmenter très fortement la part des primes dans leur rémunération, en gardant une certaine homogénéité statutaire dans la rémunération de base, mais une flexibilité maximale pour les primes. Ces primes seraient à la fois géographiques (le niveau de l’université et du département) et individuelles (pour des montants potentiellement élevés et internationalement plus compétitifs). Ces primes individuelles pourraient être négociées ou indexées sur la performance et les budgets obtenus via des appels à projet. Mais elles auraient vocation à être une part variable et en aucun cas garantie. Sous conditions, les meilleurs universitaires, lauréats d'appels à projets, pourraient utiliser ces primes pour « racheter » leurs heures d’enseignement. Les chercheurs du CNRS seraient alors rattachés aux universités, et ne seraient dispensés d’enseignement qu’en étant suffisamment performants. Pour que les jeunes universitaires aient les moyens de démarrer leur carrière dans de bonnes conditions, ils recevraient de fortes primes et décharges en début de carrière, ce qui leur fait défaut actuellement. Ils auraient évidemment à faire leurs preuves progressivement pour garder ces primes et décharges.

En séparant presque complètement le traitement et les primes, on pourrait d’ailleurs créer pour les enseignants chercheurs un statut un peu hybride entre la fonction publique et le privé, avec certaines protections mais plus de souplesse pour les universitaires et l’administration. Il est par exemple normal qu’un universitaire puisse retrouver son poste après un congé sabbatique d’un an ou deux. Mais dans la fonction publique cela prend la forme d’un détachement ou d’une disponibilité, avec un droit à retrouver son poste ensuite. En cas de démission de la fonction publique, il faudrait de nouveau passer un concours pour revenir enseigner dans son université précédente, ou toute autre université. Il serait donc raisonnable qu’un enseignant qui part en congé sabbatique voie son poste et ses primes garanties pendant un an, mais que seul son traitement de base lui soit garanti en cas d’absence plus longue. Ainsi l’université pourrait passer à autre chose et embaucher un vrai remplaçant, mais l’universitaire garderait son statut, et la possibilité d’être enseignant-chercheur. En rentrant il aurait intérêt à trouver un vrai poste dans son ancienne université ou une autre, mais le traitement serait une sécurité au moins temporaire. Ce traitement pourrait être pris en charge par l’Etat partiellement, dans une logique assurantielle – comme les centres de gestion pour les fonctionnaires territoriaux qu’il faut « recaser »[3].

Le système de tenure clock avec titularisation ou licenciement après plusieurs années n’est pas non plus transposable à la France, et humainement difficile en période de recrutements peu dynamiques. Mais on peut envisager un filtre important dans les 10 ans suivant le recrutement : ceux qui échoueraient garderaient leur emploi, mais auraient un salaire, des primes et des moyens de recherche peu dynamique. Sans complètement renoncer à la recherche, ils auraient vocation à consacrer à l’enseignement la majorité de leur temps. L’université a aussi besoin de bons enseignants en plus des stars. Ce serait en somme similaire à l’Ecole de Guerre, qui filtre les officiers talentueux, destinés à devenir officiers supérieurs, de ceux moins doués qui progresseront très peu. Il faudra simplement s’assurer que les primes variables soient réellement attribuées au mérite, sur des critères transparents, sans être accaparées par les vieux mandarins les plus improductifs. Un tel système serait un bon équilibre entre une sécurité de l’emploi minimale, et une logique de sélection et d’incitation.

Enfin, la France est un des pays où le législatif et le judiciaire régentent le plus les universités, ce qui est profondément antinomique avec l’autonomie réelle. En plus d’autonomie, c’est de souveraineté dont les universités ont besoin, dans un cadre national souple, et avec un contrôle juridique a minima. La justice administrative a longtemps reconnu le principe de souveraineté universitaire, rendant ses décisions difficiles à attaquer, mais comme ailleurs dans l’administration, les lois et la jurisprudence ont peu à peu multiplié les possibilités de recours, pour les étudiants comme pour les enseignants, à mesure que les études supérieures devenaient un « droit opposable », et que se diffusait un esprit syndicaliste et petit-fonctionnaire chez les universitaires. Revenir en arrière en limitant les recours sera impopulaire et sera taxé « d’impunité », mais néanmoins absolument nécessaire : les juges doivent se mêler aussi peu que possible des universités. Quant à l’Etat, il doit accepter d’aller au bout de la logique de l’autonomie, non seulement sur les moyens mais sur les objectifs. Il faut un cadre national souple, et quelques objectifs simples, au lieu de multiplier les lois, décrets et autres circulaires. Le problème n’est certes pas unique à l’université : malgré la décentralisation et la déconcentration, l’Etat cherche encore trop à régenter indirectement tout ce qui se passe localement, par son pouvoir réglementaire[4].

C’est aussi la tutelle oppressante des « pairs » qu’il faudrait réformer. La qualification des maîtres de conférences et des professeurs d’université est une procédure chronophage et infantilisante, qu’aucun autre pays n’applique. Ce qui compte, c’est la façon dont fonctionnent les comités de sélection de chaque université. La sélection locale doit être effectuée principalement par les équipes locales, qui connaissent les besoins du laboratoire et auront à travailler avec la personne recrutée. Avoir une moitié de membres extérieurs est infantilisant, inefficace et ne garantit même pas contre le copinage. En fait, l’important n’est pas que des extérieurs aient une voix prépondérante dans les décisions. Mais qu’ils soient là comme garants, pour auditer et signaler les éventuelles dérives en mettant leur veto. Dans les soutenances de thèse ou les recrutements, il y aurait un rapporteur ou observateur extérieur, dont on vérifierait l’absence de lien (ancien encadrant ou encadré, coauteur) avec l’équipe locale[5].

Pour finir, toutes les universités ne se valent pas : certaines ont vocation à faire de la recherche de niveau mondial quand d’autres assurent la formation de proximité dans un territoire. Les premières doivent pouvoir mieux payer leurs enseignants-chercheurs et sélectionner leurs étudiants, quand les secondes ont un rôle local à jouer, comme les community colleges américains, sans trop de recherche. A terme, peut-être faudrait-il avoir deux statuts d’enseignant-chercheur, pour les grandes universités et les petits établissements. Il y a après tout déjà deux vitesses entre les maitres de conférences et les PRAG/PRCE (agrégés et certifiés du secondaire qui enseignent à l’université sans faire de recherche) – voire même trois vitesses ou plus en ajoutant le CNRS et les enseignants chercheurs en grandes écoles. Mais en jouant sur les primes comme évoqué supra, on peut probablement garder un statut unique.

Certaines universités vont se saisir de cette nouvelle autonomie quand d’autres seront plus réticentes. De nouveaux moyens ne doivent pas être complètement conditionnés à une nouvelle autonomie. Commençons par un rattrapage général dont l’université française a besoin, pour rétablir la confiance. On pourra ensuite donner des moyens supplémentaires aux universités qui désirent être autonomes. On pourrait par exemple laisser chaque université (voire chaque département au sein des universités) choisir de passer à une autonomie élargie dans sa façon de recruter et de fonctionner, avec moins de tutelle de l’Etat et du CNU, et en adoptant un système de primes réellement variables et déplafonnées. Par idéologie ou par complexité de gestion, certains n’en voudront pas et préféreront rester sur le système actuel. Il serait de toute façon difficilement envisageable que toutes les universités soient pleinement autonomes et sélectionnent leurs étudiants. Les universités non autonomes assureraient donc la formation de proximité sur le territoire, surtout au niveau licence (et licence professionnelle). Dans cette optique, elles pourraient passer progressivement sous la tutelle des régions – comme les lycées – qui financeraient les bâtiments et les équipements. En fonction de l’offre existante dans les grandes écoles et universités autonomes du territoire, les régions adapteraient l’offre de formation de ces universités dont elles auraient la tutelle. Après tout, puisqu‘il est à la mode d’insister sur la continuité de formation de bac – 3 à bac + 3, la région serait le bon échelon pour la mettre en œuvre.

 

[1] Les jeunes maitres de conférences sont recrutés pour des contrats de 6-7 ans en général, et ne sont titularisés que s’ils ont fait leurs preuves par une recherche suffisante. Faute de quoi ils doivent aller chercher ailleurs.

[2] Le CNRS n’a pas d’équivalent dans le monde : les chercheurs stars sont souvent déchargés de la majorité de leur enseignement, mais ni complètement ni définitivement, car ces tâches doivent rester complémentaires.

[3] En effet, lorsqu’une collectivité territoriale supprime le poste d’un fonctionnaire territorial, c’est le centre de gestion de la FPT qui est chargé de rémunérer ce dernier et de lui trouver un poste dans une autre collectivité.

[4]On pourrait d’ailleurs utilement nommer un certain nombre d’universitaires au Conseil économique, social et environnemental, à côté ou à la place des représentants des jeunes et des étudiants qui y siègent. Les problématiques spécifiques de l’université y seraient ainsi un peu mieux partagées avec les décideurs publics. Après tout, au Royaume-Uni, les universités avaient leur propre député de 1603 jusqu’à la réforme électorale de 1950. Comme ces universités étaient souvent affectées par des décisions du Parlement, elles devaient y disposer d’une représentation.

[5] A l’étranger ce sont souvent les universités elles-mêmes qui se chargent de ces vérifications, mais elles les confient à un bureau spécialisé, plutôt qu’au département qui recrute l’enseignant ou encadre la thèse.