Socialistes : battus, mais contents ? edit

29 mai 2009

Les intentions de vote en faveur des listes socialistes pour les élections européennes qui auront lieu la semaine prochaine marquent, semaine après semaine, une dynamique inquiétante pour le Parti socialiste. Le dernier sondage TNS-SOFRES lui donne 19% des votants qui, dans l’ensemble, risquent de ne pas dépasser 40% des inscrits. Martine Aubry a l’air de s’en contenter. « Sans tout ce boulot, vient-elle de déclarer, on serait sans doute à 14%. » 14%, le score du PS aux européennes de 1994 lorsque Michel Rocard dirigeait le Parti socialiste. À croire que les socialistes sont soulagés de pouvoir trouver dans leurs archives électorales un score assez bas pour leur donner encore une marge… de recul !

Un rapide examen et une non moins rapide analyse des scores européens du Parti socialiste depuis les premières élections européennes de 1979 laissent l’observateur abasourdi après une telle déclaration, aux accents presque victorieux. D’abord parce qu’elle montre que les objectifs du Parti socialiste sont incroyablement limités, ensuite parce que le choix de la référence de 1994 traduit soit une grave faiblesse d’analyse soit, tout simplement, de la mauvaise foi. Ceci rappelle étrangement les commentaires du PCF qui, depuis près de trente ans, de défaite en défaite, nie son déclin électoral. Pente dangereuse donc pour un parti qui se veut le grand parti d’opposition.

Sans le « boulot » du Parti socialiste, son étiage électoral serait donc fixé par sa direction à 14%. Rappelons que, depuis 1979, les socialistes ne sont jamais descendus en dessous de 20%, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, à la fameuse exception de 1994 sur laquelle nous reviendrons. Leur score a oscillé entre 20,8% en 1984 et 28,9% en 2004. Lorsqu’ils étaient dans l’opposition, ce qui est le cas aujourd’hui, ils ont obtenu 23,5% en 1979 et 28,9% en 2004. Il ne fait donc pas de doute qu’un score inférieur à 20% en 2009 serait un score particulièrement bas, indiquant une situation électorale dangereuse. En effet, en 2004, le Parti socialiste était déjà dans l’opposition, la crise n’avait pas encore éclaté, le chômage n’était pas en pleine augmentation et deux ans auparavant, les socialistes avaient subi la défaite que l’on sait. Ils avaient néanmoins obtenu 28,9% des suffrages. Avec 19% en 2009 ils perdraient donc près d’un tiers de leur électorat par rapport à cette date.

En 2004, l’ensemble des partis de gauche et des écologistes ont obtenu 45%, comme dans le sondage SOFRES de cette semaine. Mais alors, le PS représentait près des deux-tiers de cet ensemble contre seulement 42% aujourd’hui. Quand à la liste UDF, qui rassemblait 12% des suffrages, elle peut se comparer aux 14% que le sondage donne aujourd’hui aux listes du Modem de François Bayrou.

Dans ces conditions, la référence de 1994 est particulièrement malvenue même si elle peut paraître astucieuse. Pour deux raisons. La première est que le PS, en 1994, sortait d’une défaite spectaculaire aux élections législatives de l’année précédente où il avait obtenu 19% des suffrages. Aux élections européennes de 1994, alors que Michel Rocard venait de s’emparer, contre la volonté de François Mitterrand, de la direction du Parti socialiste après la déroute électorale de 1993, le président de la République, contre les intérêts de son propre parti, décida de tout faire pour barre la route de l’Elysée à son ancien Premier ministre. Ainsi, il aida activement Bernard Tapie, alors très populaire, à constituer une liste radicale de Gauche pour concurrencer celle du Parti socialiste. Il fit de même avec Jean-Pierre Chevènement qui présenta également une liste. L’ensemble de ces deux listes (12% + 2,5%) représenta 14,5%, La gauche non communiste rassemblait donc 29% au total. Certes, cette addition peut être discutée mais il est indéniable que l’extrême faiblesse du score du PS en 1994 doit beaucoup à la tactique mitterrandienne de l’époque. Cette référence est donc pour le moins contestable. Il faut d’ailleurs se rappeler que la contre-performance électorale de 1994 coûta à Michel Rocard à la fois la direction du Parti socialiste et la candidature socialiste à l’élection présidentielle.

Si donc le Parti socialiste obtenait moins de 20% aux prochaines élections européennes, il ferait mieux, au lieu de tenter de se rassurer par des références peu convaincantes, de rechercher dans sa propre action les raisons de son extrême faiblesse électorale. Au moins trois d’entre elles sautent aux yeux : d’abord l’inefficacité d’une campagne européenne dans laquelle, jusqu’à une date très récente – et encore ! –, le Parti socialiste n’a pas dit grand chose sur l’Europe – le slogan de l’Europe sociale, ressorti à chaque campagne européenne depuis 1979, paraissant quelque peu usé – ; ensuite le manque de leadership – auquel la grande scène de la réconciliation des deux dames risque de ne pas apporter le remède miracle attendu – ; enfin l’absence de stratégie d’alliance. C’est-à-dire au total l’immobilité d’un parti dont l’appel au vote-sanction cache mal l’absence de propositions.

Le Parti socialiste ne doit donc pas chercher à se rassurer à toutes forces. Une telle attitude se révèlerait vaine. Il doit plutôt faire le bilan de son action et tenter de comprendre pourquoi il en est là. Est-il capable d’une telle introspection, nécessairement douloureuse ?