Nicolas Sarkozy peut-il être réélu ? edit

14 décembre 2011

Depuis quelques semaines, Nicolas Sarkozy semble avoir rétabli une partie de sa position politique. Sa popularité s’est accrue. Il a rassemblé son camp après une période de cacophonie. C’est paradoxalement lui qui est à l’offensive et non l’opposition. Son omniprésence sur la scène européenne dans une crise majeure a renforcé sa crédibilité présidentielle. Son parti paraît moins pessimiste sur les chances du président d’être réélu et a lancé vigoureusement sa campagne électorale contre la gauche et son candidat. Il y a seulement deux mois, les chances de réélection de Nicolas Sarkozy semblaient très faibles. Aujourd’hui, sa défaite paraît moins assurée. Pour autant, les paramètres principaux de la prochaine élection présidentielle ne jouent pas en sa faveur. Le scenario de sa réélection n’est pas le plus probable.

Le premier handicap de Nicolas Sarkozy est évidemment l’exercice du pouvoir en temps de crise économique. Quelle que soit leur couleur politique, les gouvernements en place depuis le début de la crise de la zone euro en 2010 ont perdu le pouvoir aux élections ou, comme en Italie, par la cassure de leur majorité parlementaire. Les politiques de rigueur, l’accroissement du chômage, l’angoisse des populations sur l’avenir des retraites et de la protection sociale, l’augmentation des inégalités sociales jouent contre les gouvernements en place. Or, concernant la France, ce paysage ne changera pas avant les élections. Quelles que soient les responsabilités propres du pouvoir dans la situation actuelle de la France, Nicolas Sarkozy sera le gouvernant sous l’action duquel la situation économique et sociale s’est gravement dégradée. Il n’aura pas protégé les Français des effets d’une crise dont la fin ne se profilera pas avant l’élection présidentielle. Les électeurs le rendront responsable de cette situation, au moins pour une large part.

Le second handicap est la conséquence de la déception des électeurs à l’égard d’un candidat présidentiel qui avait soulevé en 2007 de réels espoirs dans l’électorat, notamment en matière de progression du pouvoir d’achat, à partir de la valorisation du travail. Le président sortant sera donc pénalisé de n’avoir pas tenu ses promesses. D’autant que dans la crise actuelle, les rémunérations extrêmement élevées d’un petit groupe de financiers et de chefs d’entreprise apparaissent scandaleuses aux yeux des Français. Le quinquennat de Nicolas Sarkozy apparaîtra comme celui qui a bénéficié à la spéculation et non au travail.

Le troisième handicap est plus directement lié à la personne même du président. Jusqu’à la période récente, celui-ci n’a pas incarné la présidence de la République de la manière que souhaitaient les Français. L’image nouvelle de capitaine dans la tempête chassera-t-elle la précédente ? La « République irréprochable » n’a pas été instaurée. Et par tempérament, le président n’a pas su rassembler suffisamment le pays dans la crise. En outre, et même si la situation ne lui laissait pas d’autre choix, l’avantage tiré par Nicolas Sarkozy de son attitude engagée et active dans la crise actuelle de la zone euro est contrebalancée par le sentiment largement partagé qu’il a subi et accepté en réalité dans cette crise le leadership de l’Allemagne.

La traduction électorale de ces handicaps est lourde pour le président sortant. Elle fait apparaître un isolement dangereux de son parti dans le système partisan. L’UMP souffre par rapport au PS d’une situation d’asymétrie. À gauche, le Parti socialiste est dominant mais il est ou sera lié par des accords électoraux avec les autres formations de gauche et écologistes à l’exception d’une extrême-gauche d’origine trotskyste en voie de marginalisation accélérée. Au second tour de l’élection présidentielle, le candidat socialiste peut compter sur un report massif des voix de gauche. À droite, au contraire, l’UMP et le FN sont dans une relation d’affrontement total, le FN ayant pour objectif d’empêcher la réélection du président sortant et, soit de casser l’UMP, soit de l’obliger à une alliance à ses conditions. Au second tour, Nicolas Sarkozy ne pourra donc pas compter sur un report massif des électeurs de Marine Le Pen, d’autant que ceux-ci, appartenant largement aux couches populaires n’ont pas de proximité politique ou sociale évidente avec lui. En 2007, Nicolas Sarkozy avait pu faire fonctionner à son profit la bipolarisation gauche/droite en captant dès le premier tour une part importante des électeurs proches du FN puis en obtenant un bon report de l’électorat frontiste au second tour. Aujourd’hui, ce mécanisme ne fonctionne plus. Il ne s’agira plus, pour une part notable des électeurs du FN, de voter au second tour contre la gauche mais de voter contre le président sortant. Or, sans un bon report au second tour des électeurs du FN, Nicolas Sarkozy, qui dépassera difficilement un quart des électeurs au premier tour, n’a aucune chance d’être réélu.

Certes, il peut espérer récupérer au second tour une part de l’électorat qui se portera sur les divers candidats centristes, notamment François Bayrou. Mais cet électorat centriste ne paraît ni suffisamment nombreux ni suffisamment homogène pour contrebalancer les pertes subies par Nicolas Sarkozy sur sa droite. L’arithmétique électorale montre que celui-ci ne peut finalement, sauf effondrement du candidat socialiste dans sa campagne, espérer dépasser de beaucoup 45% au second tour.

Enfin, il faut se rappeler qu’il s’agit d’une élection à quatre tours. Si le FN réalise des scores lui permettant de se maintenir au second tour des élections législatives dans un nombre significatif de circonscriptions, il peut aisément faire gagner la gauche. Ainsi, finalement, le problème central de la droite de gouvernement aujourd’hui est qu’elle ne contrôle pas suffisamment son espace électoral face à un parti socialiste qui, dans le confort de l’opposition, peut compter à la fois sur sa domination sur son propre camp et sur l’envie de changement des Français. Un changement qui ne peut s’opérer dans notre système politique que par une alternance dont il serait le bénéficiaire.