Climat: pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? edit

20 novembre 2009

Le Sommet de Copenhague, en décembre, sera une étape cruciale pour l'avenir du combat contre le changement climatique. Mais on peut déjà présager de son résultat : trop petit, et trop cher. Quels objectifs peut-on alors fixer à la négociation ? Certains éléments modestes à court terme peuvent permettre d’être ambitieux à long terme.

Le Protocole de Kyoto fut, symboliquement, une étape importante, mais il n'a pas réussi à engager un effort vraiment significatif en faveur d’une réduction des gaz à effet de serre. Sans une nouvelle manière de penser, le Protocole de Copenhague nous amènera à onze années d’attentisme supplémentaires. Certains pays continueront à jouer les « passagers clandestins » : ils se rendront compte qu’en maintenant un modèle industriel intensif en carbone, ils seront en position forte pour exiger des compensations en 2020, date prévue pour le prochain accord.

Bien sûr, il y aura quand même des progrès. Les marchés des permis d’émission existent ou seront créés en Europe, aux États-Unis, et au Japon. Les économies émergentes commencent elles aussi à se mobiliser. L’existence de dommages secondaires comme l'émission de SO2 (un polluant local émis en plus du CO2 par les usines qui fonctionnent au charbon), l'impact direct de la pollution au CO2 pour certains grands pays comme la Chine, le désir d'apaiser l'opinion publique nationale et d’éviter une trop grande pression internationale, tout cela conduira à un certain contrôle des émissions de carbone. Mais ce n’est pas assez, la réticence des pays à signer des accords contraignants le montre bien.

Quel qu’il soit, le résultat obtenu à Copenhague sera également trop coûteux, puisque l’on continuera à user des outils inefficaces (négociations sectorielles, normes et autres approches de type Command & Control, mécanisme de développement propre) auxquels nous ont habitués les lobbies industriels et le protocole de Kyoto.

Ce ne sera pas une mince affaire que d’obtenir un accord international satisfaisant. Même si on y parvient, il est frappant d’observer le peu de progrès réalisés depuis Kyoto. La négociation n'a pas réussi à aborder franchement la question des compensations. Les propositions du G77 demandant aux pays développés de consentir à un transfert financier allant jusqu’à 1% de leur PIB (et de s’engager unilatéralement à des objectifs plus ambitieux de diminutions des émissions) ont eu le mérite de poser le problème des compensations, mais elle défend mal les intérêts des pays émergents. Les pays riches de leur côté n’ont pas tenu leurs promesses d’aide au développement. Et tout projet d'augmenter les transferts financiers se heurtera à la faible tolérance du public pour les transferts aux pays étrangers, ainsi qu’à la dégradation des finances publiques dans les pays développés.

Presque tous les économistes recommandent que le prix du carbone soit le même pour tous les pays, tous les secteurs et tous les acteurs ; les problèmes de distribution devront être traités, comme ils l’ont toujours été, par l'allocation de permis, et non au moyen de taxes qui rendraient encore plus coûteuse la diminution des émissions de CO2. C’est simple ? Peut-être. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Dans ces conditions, quels objectifs les négociateurs devraient-ils tenter d’atteindre à Copenhague ? Ils devraient viser à s’entendre sur quelques actions immédiates et quelques grands principes, à même de guider un agenda de négociation qui pourrait mener à un nouvel accord vers 2015-2016 :

• une cible globale d'émissions pour 2050 en conformité avec le consensus du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC),

• le déploiement rapide d'un système d’observation par satellite capable de mesurer les émissions pays par pays,

• un système de permis d'émission (cap and trade), à l’échelle mondiale et à long terme, conduisant à un prix unique du carbone et donc conforme à la minimisation du coût de diminution des émissions ; ce système rendrait l'accord viable et fournirait une visibilité à long terme à ceux qui hésitent à déployer des équipements verts ou à s’engager dans des programmes de R&D verte ;

• une gouvernance offrant des incitations à signer l'accord (y compris la suppression éventuelle du mécanisme de développement propre) et de s’y conformer : par exemple, en traitant les dettes écologiques résultant des efforts de ces pays comme de la dette souveraine (sous contrôle du FMI), ou un accord global commerce-environnement (impliquant l'OMC), une retenue partielle des permis attribués aux différents pays, une action sur la réputation, et d’autres possibilités ;

• un principe de subsidiarité, avec la capacité des différents pays à allouer les permis eux-mêmes, en s’appuyant sur le principe que 1/ pour en être, les États doivent être capables de construire un consensus national 2/ seuls les gaz à effets de serre émis par l’ensemble du pays intéressent la communauté internationale et les politiques peuvent être déléguées aux différents pays, qui seront rendus responsables de leurs émissions.

La négociation de 2015 se concentrerait alors sur une seule dimension, l'allocation de permis gratuits aux pays, afin que tout le monde rejoigne le navire ; cela impliquerait par exemple une allocation généreuse aux pays émergents. Certes complexe, la négociation serait toujours plus simple que celle, multidimensionnelle, dans laquelle nous sommes engagés. Et elle abaisserait aussi substantiellement le coût global de la diminution des émissions. Dans la situation actuelle, réaffirmer les objectifs et mettre en place une bonne gouvernance serait un grand pas en avant.

Une version anglaise de cet article est publiée sur le site de notre partenaire VoxEU.