Le roi dollar voudrait bien abdiquer… mais pas trop quand même edit

Il était une fois un roi que le président d’une contrée lointaine avait accusé de jouir de privilèges exorbitants. Ce roi n’avait rien contre les privilèges, on s’en doute. Pourtant, écoutant ses subtils conseillers, il avait fini par se convaincre que les avantages de ces privilèges étaient surfaits et la charge afférente trop lourde. « Abdiquez donc, Sire, ainsi ces charges ne pèseront plus sur vos épaules, et si d’autres veulent en charger les leurs, que grand bien leur en fasse ! » Tenté de céder aux sirènes, le roi demanda cependant à ses conseillers : « Mais qui d’autre voudra bien reprendre mes lourdes responsabilités ? » Les conseillers échangèrent à voix basse de savantes formules et, se tournant vers le souverain, prirent une mine grave : « Nous n’en voyons aucun pour le moment, Sire. Votre puissance reste inégalable. ». Peu enclin à relever les contradictions chez des courtisans si flatteurs – lui-même adorait d’ailleurs cultiver la contradiction – le roi temporisa, si bien que la rumeur courut parmi le bon peuple que le roi voulait abdiquer mais qu’il ne parvenait pas à se décider. Ce qui ne contribua évidemment pas à la quiétude dans le Royaume.
Dans cette fable, le roi est le dollar des États-Unis, ou plutôt son statut de monnaie de réserve. Le président de la contrée lointaine est Charles de Gaulle, qui reprit à son compte la formule forgée par son ministre des Finances Valery Giscard d’Estaing lors d’une rencontre avec ses pairs à Tokyo en 1964. Giscard avait fait remarquer que, le système monétaire international reposant sur le dollar dont la valeur était alors garantie sur l’or, les Etats-Unis étaient le seul pays à l’abri d’une crise de balance des paiements, puisqu’ils imprimaient la monnaie avec laquelle ils payaient leurs importations ! Depuis, le sens du « privilège exorbitant » s’est déplacé vers les conditions de financement du déficit américain, mais le terme est resté.
M. le Président, voilà pourquoi votre fille est muette: c’est le dollar!
Les conseillers de la fable figurent pour Stephen Miran, président du Conseil des conseillers économiques de Donald Trump. Dans une note du fonds d’investissement Hudson Bay Capital rédigée peu après l’élection présidentielle de 2024, Miran avait expliqué que « le financement de la provision d’actifs de réserve et d’un parapluie de défense devient de plus en plus lourd pour les États-Unis, dont le secteur manufacturier supporte l’essentiel des coûts ». Son argumentation emprunte au cadre d’analyse développé en 1960 par l’économiste américano-belge Robert Triffin dans « L’or et la crise du dollar ». Triffin[1] avait montré que dans le monde des accords de Bretton-Woods de 1944, où le système financier international reposait sur un dollar convertible avec l’or – et non pas, comme l’avait proposé Keynes, sur une monnaie de réserve internationale – les engagements en dollars créés par le cumul des déficits commerciaux des États-Unis et qui s’accumulaient dans les réserves des banques centrales excéderaient inévitablement les réserves en or des États-Unis, ce qui conduisit effectivement Richard Nixon à abandonner la conversion avec l’or en 1971.
Pour le conseiller de Trump, le statut de monnaie de réserve du dollar est toujours aussi toxique, un mot déjà employé par Triffin : la forte demande internationale de dollars (en réalité d’actifs en dollars, les plus liquides étant les obligations émises par le Trésor américain) entraînée par l’internationalisation des échanges de biens et de capitaux excède la quantité de dollars qu’une économie américaine équilibrée produirait « normalement ». L’excès de demande ne peut être satisfait que par un surcroît de dette en dollars qu’on peut voir indifféremment dans le déficit budgétaire, ou celui de la balance des paiements, le premier nourrissant le second. Selon Miran, l’origine des déficits commerciaux américains – une obsession de Donald Trump depuis qu’il commença à flirter avec la politique à la fin des années 1980 – tient au statut du dollar comme monnaie de réserve. Il en infère que l’augmentation perpétuelle de la demande d’actifs en dollars par les non-résidents est responsable d’une surévaluation structurelle du dollar, létale pour son secteur exposé, manufacturier en particulier.
Notre dollar, votre problème
Nombre d’économistes ont souligné que la cause des déficits extérieurs américains est plutôt à chercher dans l’insuffisance de l’épargne nationale en regard des besoins d’investissement, puisque tous comptes faits, l’écart entre exportations et importations est égal à celui qui sépare l’investissement et l’épargne nationale. Dans son dernier livre, Notre dollar, votre problème[2] », Kenneth Rogoff incrimine l’irresponsabilité des politiques budgétaires, aussi bien démocrates que républicaines, qui menacent la stabilité du système financier en « laissant filer » les déficits. Parallèlement, les déficits ont gonflé le déséquilibre de la balance commerciale, car le déficit budgétaire réduit l’épargne nationale dans la mesure où il ne finance pas l’investissement public. Vu sous un autre angle, l’excès de dépenses publiques vis-à-vis des recettes se heurte à une capacité de production peu flexible à court terme, et augmente donc les importations.
La critique de Rogoff, rejoint en cela par bien d’autres, comme Larry Summers ou Olivier Blanchard, est importante, car la politique budgétaire résulte pour l’essentiel d’une décision politique, le budget présenté par l’exécutif étant voté par le Congrès. Son caractère discrétionnaire met en évidence une faille dans l’analyse de Miran, selon laquelle les déficits budgétaires et commerciaux seraient en quelque sorte surdéterminés par le statut du dollar. Lorsque Bill Clinton réduisait les déficits budgétaires, il ne menaçait pas ce statut. Le projet de budget 2025-26 que Trump défend comme « unique, grand et beau » rendra la faille encore plus béante, puisqu’il devrait augmenter le déficit fédéral, d’un peu moins de 6% du PIB en 2025 (année fiscale se terminant en septembre) à 7% du PIB en 2026 selon le Congressional Budget Office. À moins d’une improbable augmentation de l’épargne des ménages, ce sera bien le « grand et beau » budget de l’administration Trump qui creusera le déficit des échanges de biens et services, et pas le statut du dollar.
La monnaie de réserve vue comme un mécanisme d’assurance
Même si l’argumentation de Miran sur l’origine des déficits extérieurs est bancale lorsqu’on l’envisage de façon mécanique, elle met le doigt sur une réalité : le statut de monnaie de réserve du dollar assure bien aux États-Unis une position privilégiée, et celle-ci va de pair avec une lourde responsabilité. La première tient aux conditions de financement des déficits extérieurs, la seconde à la provision de liquidité au reste du monde, en cas de crise financière. Ces deux aspects ont été étudiés en profondeur par les économistes Pierre-Olivier Gourinchas, Hélène Rey et Nicolas Govillot. Dans leur article « Exorbitant privilege and exorbitant duty », ils montrent que les investissements américains dans le reste du monde ont rapporté 2% à 3% de plus par an que les investissements du reste du monde aux États-Unis sur la période 1952-2016, précisément parce que les partenaires des États-Unis, publics (banques centrales, fonds souverains) comme privés (fonds d’investissement, fonds de pension) privilégient l’achat d’obligations du Trésor américain pour leur qualité d’actifs sûrs et instantanément négociables dans un marché très profond, même si leur rendement est faible. Pratiquement, l’excès de rendement mis en évidence par Gourinchas et Rey est propice à entretenir un déficit de la balance des paiements, puisqu’il en facilite le financement.
On retrouve ainsi l’analyse de Miran, mais, cette fois, sur une base plus solide et quantifiée. La conséquence logique de cette analyse est que si la vertu d’actif sûr et liquide des obligations du Trésor américain se ternissait, l’excès de rendement se réduirait, ce qui alourdirait le coût financier des déficits extérieurs. Parallèlement, la demande d’actifs en dollars se réduirait et la monnaie américaine se déprécierait, ce qui est précisément le but recherché par Trump et Miran et qui est d’ailleurs en train de se produire : depuis son pic de la mi-janvier, le dollar a perdu 7% de sa valeur contre un large panier de devises.
Quel est alors « l’exorbitant devoir » associé au privilège du financement et que le roi dollar de la fable trouve excessivement lourd ? Gourinchas, Rey et Covillot montrent que, par temps calme, c’est-à-dire lorsque les marchés financiers mondiaux fonctionnent normalement, les États-Unis bénéficient de l’excès de rendement de leurs investissements à l’étranger, mais qu’en cas de crise financière, leur balance des capitaux se détériore lourdement. Durant la grande crise financière de 2008, la position extérieure nette des États-Unis s’est dégradée de 2700 milliards de dollars, une perte colossale (19% du PIB), dont moins d’un tiers s’expliquait par le creusement du déficit de la balance des paiements. Les investisseurs étrangers ayant privilégié les obligations du Trésor américain, les fameux Treasuries, ont bénéficié de leur appréciation lors de la crise – c’était l’ultime refuge – ainsi que du dollar. Inversement, les investissements américains à l’étranger, concentrés en actions et autres actifs risqués, ont fortement chuté.
L’interprétation des auteurs est intéressante : tout se passe comme si le statut de monnaie de réserve – c’est-à-dire une offre massive d’actifs surs et liquides- constituait une assurance contre le risque de crise financière. En temps ordinaire les investisseurs étrangers en Treasuries paient une prime d’assurance qui est l’image en miroir de l’excès de rendement dont bénéficient les États-Unis. Lors d’une crise, le mécanisme d’assurance joue en garantissant la valeur des Treasuries. En revanche, l’assureur (les États-Unis) enregistre une perte sur ses actifs nets vis-à-vis de l’étranger.
Le concept d’émetteur de la monnaie de réserve comme assureur du reste du monde peut paraître bien abstrait et théorique. Aucun contrat d’assurance ne vient le garantir, et, comme on va le voir, le rôle d’assureur de facto dans le sens de Gourinchas et Rey peut être remis en cause de façon discrétionnaire par le pouvoir politique à Washington. Il correspond pourtant bien à une réalité, y compris contractuelle : l’émetteur de la monnaie de réserve, la Réserve Fédérale américaine (Fed), a en effet des accords de swaps (échanges de titres de dette) avec les principales banques centrales du reste du monde, dont le but est de garantir à ces banques centrales l’accès à la liquidité du marché des actifs en dollar (titres de dette de l’État fédéral et de ses agences) en cas de crise de liquidité. Lors de la crise de 2008, la Fed a immédiatement ouvert des lignes de swaps pour les banques centrales du Canada, du Japon, du Royaume-Uni, de la Suisse et de la zone euro. Ainsi et en plus de leurs propres ressources, ces banques centrales ont pu offrir aux intermédiaires financiers de leurs zones économiques un accès continu à la liquidité, évitant ainsi un effondrement du système financier. Les accords de swaps ont été formalisé en octobre 2013 et, point intéressant, ont été reconduits lors de la dernière réunion du comité de politique monétaire de la Fed, sans que la Maison Blanche n’émette d’objection.
Vers un « accord Mar-a-Lago »? Pas si vite…
Si l’on suit la logique du conseiller économique de Donald Trump, Stephen Miran, c’est le statut même de monnaie de réserve du dollar qu’il faut remettre en cause, ou, en tout cas, négocier avec les partenaires, puisqu’il serait responsable d’une surévaluation permanente du dollar.
Plusieurs idées ont été avancées dans cette direction, comme de faire payer une taxe aux investisseurs étrangers sur leur détention de Treasuries, ou d’échanger les titres déjà émis en obligations à 100 ans à coupon zéro… Aussitôt lancées, ces idées provoquèrent une nouvelle baisse de la valeur des Treasuries, et donc une nouvelle hausse des taux d’intérêt à long terme, sur lesquels sont indexés les emprunts immobiliers des ménages américains. Elles furent donc promptement mises au rencart mais peuvent resurgir à tout moment, si l’exécutif estimait qu’il faut à tout prix forcer une dévaluation du dollar, pour obtenir quelques « wins » dans la relocalisation de l’industrie manufacturière. Dans ce contexte, on peut également craindre que les accords de swap de la Fed ne soient remis en cause ou renégociés, comme étant des « cadeaux » faits à ces partenaires financiers et commerciaux dont Trump répète depuis quarante ans qu’ils abusent de la « générosité » des États-Unis – les termes employés étant d’ailleurs nettement moins polis, suivant la tradition de John Connally, ministre des Finances de Nixon, qui disait en 1971 : « all foreigners are out to screw us… »
Jusqu’à présent, les thèses de Miran, et sa proposition d’un nouvel accord sur les changes, qu’il suggère de nommer « accord de Mar-a-Lago » n’ont pas vraiment été suivies. Les grands patrons de la finance comme Jamie Dimon (JP Morgan) ou Larry Fink (BlackRock), que Trump ne peut qu’écouter, l’ont dissuadé d’avancer dans cette direction, soulignant les énormes risques pour l’économie américaine d’une perte de confiance dans la valeur des Treasuries. Et comme toute perte de confiance se traduit par une hausse des taux d’intérêt à long terme dont les ménages américains ressentent aussitôt l’impact, les arguments des financiers s’en trouvent politiquement renforcés.
Faut-il en conclure que le roi dollar, bien qu’affaibli, ne renonce ni à ses privilèges ni à ses charges ? À court terme, c’est le plus probable : le choc des tarifs douaniers sur l’économie américaine produit un ralentissement économique que ne vient pas compenser une baisse des taux d’intérêt, puisque l’inflation empêche la Fed de baisser ses taux directeurs, et que les marchés réintroduisent une prime de risque sur les taux d’intérêt à long terme. Un choc de confiance supplémentaire serait donc tout à fait contreproductif, alors que les élections de mi-mandat approchent. À moyen et long terme, il en va différemment.
À moyen-long terme, la crédibilité de l’assurance dollar est en question
La tendance protectionniste et isolationniste qu’incarne Trump n’est pas née avec lui, et l’idée que le statut de monnaie de réserve a plus d’inconvénients et moins d’avantages au fur et à mesure que la taille relative de l’économie américaine se réduit dans l’économie mondiale ne date pas non plus de Miran. Pour Kenneth Rogoff, l’ère de la « Pax Dollar » et la relative stabilité financière qu’elle sous-tend est menacée non par l’apparition d’alternatives au dollar, mais de l’intérieur.
La montée en puissance de l’économie chinoise, la pérennité de la zone euro, qui a su surmonter la crise existentielle de 2011, offrent-elles des alternatives au dollar ? Certes, la part de l’euro dans les émissions obligataires mondiales a augmenté, ainsi que celle du renminbi dans les transactions commerciales. Parallèlement, la part du dollar dans les réserves en devises des banques centrales s’est effritée au cours des vingt dernières années tandis que celle de l’euro s’est accrue, mais, à la fin de 2024, les réserves en dollars constituaient encore 58% des réserves officielles mondiales, celles en euros 19,8%, celles en yen 5,8% et celles en renmimbi… 2,2%.
Le roi dollar est donc toujours bien en place. Il y a de bonnes raisons pour cela : pour qu’une devise puisse prétendre au statut de monnaie de réserve mondiale, il faut que sa zone économique dispose d’une large quantité d’actifs sûrs, liquides et négociables sur les marchés internationaux, ce que ne peuvent offrir que les marchés de dette des États. Le renminbi est d’office éliminé, puisqu’il n’est pas convertible. Il existe bien un marché offshore de titres de dette chinois, mais il est minuscule et son avenir reste aux mains de Pékin. Si la taille de la dette publique japonaise est impressionnante (8900 milliards de dollars fin 2024), elle est largement détenue par la Banque du Japon et le fonds de pension public (GPIF), réduisant d’autant les encours disponibles internationalement.
Reste l’euro, de loin le meilleur aspirant au rôle de monnaie de réserve. Mais quels sont les actifs sûrs et liquides dont dispose la zone euro ? Ce sont principalement les obligations de l’État fédéral allemand, qui constituent d’ailleurs l’essentiel des réserves en euro des autres banques centrales ou des investissements « sûrs » des grands fonds de pension. Les obligations émises par les autres membres de l’euro, la France ou l’Italie par exemple, ne sont pas considérées comme suffisamment sûres pour faire partie des actifs de réserve, en raison du lourd endettement de leurs secteurs publics (113% du PIB pour la France, 137% pour l’Italie). Or l’encours des obligations fédérales allemandes (environ 2800 milliards de dollars) est onze fois plus petit que celui des Treasuries (plus de 30 000 milliards de dollars). Même si l’on y ajoute les Eurobonds émis pour le financement de la reprise post-Covid, ceux émis par la Banque européenne d’investissement et ceux qui ont financé le mécanisme de stabilité européen, qui bénéficient tous d’un statut plus ou moins comparable à celui des obligations allemandes, on reste un ordre de grandeur en dessous de l’encours des obligations fédérales américaines.
Dans son rôle de monnaie de réserve, le roi dollar n’a donc pour le moment pas de concurrent crédible, comme l’expliquaient les conseillers de la fable. Cela crée une situation éminemment dangereuse pour l’économie mondiale : l’ancre du système financier mondial a tendance à déraper et ses opérateurs pourraient même être tentés de la relever en cas de tempête, alors qu’aucune autre ancre crédible n’est disponible. En cas de crise financière mondiale, le mécanisme d’assurance décrit par Gourinchas et Rey pourrait bien se révéler illusoire. Les conséquences en seraient gravissimes, car une crise de liquidité mondiale pourrait provoquer une dépression économique aux conséquences sociales et politiques incalculables.
Seul l’euro peut devenir l’autre monnaie de réserve mondiale
Il est dans l’intérêt des pays de la zone euro d’anticiper les risques associés aux atermoiements américains sur le rôle du dollar comme monnaie de réserve. Mais pour que le poids de l’euro comme monnaie de réserve soit suffisamment crédible pour ramener un peu de stabilité dans le système financier mondial en cas de crise, il faudrait que l’encours de ses actifs surs et liquides soit bien plus important que ce qu’il est aujourd’hui.
Reprenant une idée lancée par Jacques Delpla et Jakob von Weizsäcker en 2010 (The Blue Bond Proposal) et soutenue par Laurence Boone dans une tribune Telos, Olivier Blanchard et Angel Ubide proposent que les États de la zone euro convertissent une part de leurs dettes publiques négociables en Eurobonds garantis par des recettes fiscales et bénéficiant d’un statut prioritaire (dette senior en jargon financier) par rapport aux obligations nationales. La principale critique adressée à la proposition Delpla-von Weizsäcker, à savoir le risque que les obligations des pays aux finances publiques fragiles comme l’Italie ou la France ne soient lourdement pénalisées par l’apparition d’Eurobonds est examinée par Blanchard et Ubide, dans leur document de travail « Now Is the Time for Eurobonds ». En limitant la conversion à 25% du PIB, ils pensent parvenir à un compromis : obtenir une taille suffisante pour le stock d’actifs susceptibles de figurer dans les réserves mondiales, sans pour autant déstabiliser les membres les plus fragiles de la zone euro.
Il est probable que la proposition suscite la méfiance aussi bien en Allemagne, où les Eurobonds n’ont jamais été populaires, qu’en France ou en Italie, où l’on pourrait craindre qu’une « juniorisation » des titres de dette publique n’augmente excessivement le coût de financement de la dette. Mais alors qu’en 2010 personne ne songeait sérieusement que le statut de monnaie de réserve, garantie de liquidité pour l’économie mondiale en cas de crise, ne puisse être remis en cause, le spectre d’un accord de Mar-a-Lago à la sauce Trump pourrait bien forcer les pays de la zone euro à dépasser leurs différents, et à innover financièrement.
En ce qui concerne la France, la meilleure façon d’aider à la promotion des Eurobonds et de soutenir le rôle de l’euro comme monnaie de réserve serait de commencer à réduire le poids de sa dette publique.
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[1] Voir Robert Triffin, “The International Role dand Fate of the Dollar”, Foreign Affairs, 1978.
[2] Kenneth Rogoff, Our dollar, Your Problem : An Insider’s View of Seven Turbulent Decades of Global Finance, and the Road Ahead, Yale University Press, 2025.