Le G20 entre en scène edit

26 septembre 2009

Une conséquence frappante de la crise mondiale a été le remplacement du G7 par le G20 comme principale enceinte de coordination des politiques économiques au niveau international. Cette substitution est un peu paradoxale puisque l’ordre du jour des réunions du G20 s’est, jusqu’ici, concentré sur la régulation financière, thème qui intéresse bien plus les pays du G7 que les 13 autres pays du G20. Les communiqués du G20 ont ainsi été bien plus détaillés sur la régulation financière que sur le commerce international, les déséquilibres de balances de paiement ou la réforme des institutions de Bretton Woods, sujets sur lesquels le point de vue des grands pays émergents est déterminant compte tenu de leur vulnérabilité aux soubresauts du commerce mondial, de leur contribution aux déséquilibres et de leur sous-représentation dans les institutions de gouvernance, particulièrement au Fonds monétaire international (FMI).

Evidemment, les leaders du G20 ont bien été obligés de parer au plus pressé et de montrer aux citoyens-contribuables qu’en échange de leur généreux soutien aux banques, ils allaient sérieusement re-réguler le système financier. Cependant, il faut aussi reconnaître qu’il y avait davantage de consensus sur les grandes lignes de l’agenda financier que sur d’autres sujets mondiaux. Le G20 semble avoir rapidement convergé sur trois principes : (1) combler les lacunes de la régulation et de la supervision bancaire, (ii) corriger la pro-cyclicité des exigences en capital et (3) fournir une assurance aux banques « trop grandes pour faire faillite », mais compenser cet avantage en leur faisant payer au moins en partie le coût potentiel de cette assurance pour le contribuable, sous la forme, par exemple, de plus fortes exigences en matière de fonds propres. Certes, les moyens de mettre en œuvre ces grands principes continuent d’animer les débats, mais au moins il y a un accord sur les principes.

Sur les autres dossiers – commerce, déséquilibres, gouvernance mondiale – les dirigeants du G20 se sont contentés, jusqu’à Pittsburgh de déclarations très générales. Le communiqué de Pittsburgh fait exception, avec un objectif chiffré pour la réforme des quotes-parts au FMI et la mise en place d’un mécanisme de surveillance par les pairs des déséquilibres de balances des paiements. Cependant le G20 n’est certainement pas au bout de sa peine sur ces deux sujets tant sont grands les désaccords.

Le manque de consensus est particulièrement important dans le cas des déséquilibres de balances de paiements. Les économistes eux-mêmes ne sont d’accord ni sur l’origine de ces déséquilibres, ni sur leur rôle dans la crise actuelle. Certains pensent que l’excès d’épargne en Asie de l’Est a contribué à maintenir des taux d’intérêt à long terme trop bas pendant trop longtemps, ce qui a encouragé, aux Etats-Unis, l’endettement, la hausse des prix immobiliers et la prise de risque. D’autres font remarquer qu’en réalité, le déficit courant américain s’est réduit (en pourcentage du PIB mondial) entre 2005 et 2008. Pour eux, les sources de la crise se trouvent essentiellement dans le dysfonctionnement des systèmes financiers aux Etats-Unis et en Europe. Toutefois, la nécessité d’assurer une reprise mondiale soutenable est un argument suffisant pour mettre tout le monde d’accord sur la nécessité d’un dégonflement des déséquilibres. Car l’évidence est là : si les pays déficitaires - Etats-Unis, Royaume-Uni ou Europe centrale et orientale – réduisent leurs déficits en épargnant davantage, il faut bien qu’ailleurs dans le monde – en Asie notamment – les excédents se réduisent grâce à une baisse de l’épargne (ou une hausse de l’investissement). Si tous les pays du monde misent sur leurs exportations pour faire redémarrer leur croissance, l’économie mondiale court assurément à l’anémie.

Cet apparent accord sur la nécessité de résorber les déséquilibres ne s’accompagne pas, malheureusement, d’un consensus sur la méthode. En particulier, il est difficile d’imaginer un double rééquilibrage de la croissance mondiale – du secteur public vers le secteur privé et des économies en déficits vers celles en excédent – sans de substantiels ajustements de taux de change réels. Les Etats-Unis aimeraient voir la monnaie chinoise – le renminbi – s’apprécier, mais les autorités chinoises objectent que l’appréciation du renminbi entre 2005 et 2007 s’est accompagnée d’une augmentation, non d’une réduction, des excédents chinois. Surtout, elles craignent qu’une appréciation du renminbi n’appauvrisse le pays en dévalorisant subitement les réserves accumulées en dollars. Quant à une appréciation progressive, elle pourrait provoquer un afflux de capitaux spéculatifs en Chine, chacun anticipant le mouvement d’appréciation de la monnaie. Finalement, le rééquilibrage de la croissance reposera en Chine sur une combinaison de réformes monétaires (convertibilité de la monnaie, flexibilité plus grande du taux de change, libéralisation des flux de capitaux) et de réformes structurelles (réforme de la gouvernance des banques qui prêtent difficilement aux entrepreneurs privés, accélération de la mise en place de filets de sécurité sociale, suppression des subventions à l’exportation…). Le G20 peut difficilement se substituer aux autorités chinoises pour redéfinir complètement la stratégie de croissance. Reste à voir le plan que présentera la Chine pour dégonfler ses excédents à l’occasion du nouvel exercice de surveillance – un premier exercice pour montrer comment elle entend exercer sa nouvelle responsabilité dans les affaires du monde.

Quant à la réforme du FMI, on aurait tort de n’y voir qu’un terrain d’affrontement des ambitions nationales. Car si un certain nombre de pays d’Asie de l’Est ont cherché, au cours de la décennie passée, à accumuler des réserves de change grâce à des excédents extérieurs, c’est en partie parce qu’ils avaient perdu confiance dans le FMI pour voler à leur secours en cas de crise. D’où l’idée de s’auto-assurer pour ne plus jamais avoir à faire appel au Fonds dont ils ont gardé un mauvais souvenir. Le FMI a assoupli les conditions de son intervention à l’occasion des crises de balances des paiements récentes dans les pays d’Europe centrale et orientale, ce qui le rapproche à nouveau de son rôle historique d’assureur universel des balances de paiements. Mais cela n’a pas rétabli la confiance des pays d’Asie dans le Fonds, certains ayant noté la différence de traitement entre Européens et Asiatiques. Ainsi, sans rééquilibrage de la gouvernance du Fonds, les pays d’Asie de l’Est auront peu d’incitation à abandonner leurs stratégies d’auto-assurance, et les recommandations du Fonds auront peu de poids dans la région.

S’il parvient à faire bouger les lignes sur ces deux sujets – déséquilibres mondiaux et réforme des institutions –, le G20 aura réalisé en moins de deux ans beaucoup plus que le G7 n’a accompli durant les dix dernières années.