Le second tour de la directive Bolkestein a commencé edit

29 avril 2006

La Commission doit adopter ce 26 avril 2006 une communication sur "les services sociaux d'intérêt général dans l'Union européenne". Le lien avec la directive "services" peut a priori ne pas apparaître évident. Pourtant, la question de son champ d'application est tout aussi sensible, voire davantage crucial pour l'avenir des services publics en général.

Rappelons tout d'abord que c'est l'article 2 de la proposition de directive qui règle la question de son champ d'application. Sans surprise, sont visés les services offerts par tout prestataire établi dans un Etat membre de la Communauté. Mais faut-il pour autant viser toutes les activités de service, et notamment les activités qui ne peuvent être considérées tout à fait comme les autres lorsqu'elles sont définies par les Etats membres comme des activités de service public ? Alors que la proposition initiale de la Commission ne semblait pas s'être vraiment posé la question, un consensus s'est fait jour au sein du Parlement européen pour exclure les services d'intérêt général (SIG), c'est-à-dire ceux des services qui ne présentent pas un caractère économique, en ce sens qu'ils ne répondent pas à proprement parler à des conditions de marché tout en devant satisfaire à des exigences d'intérêt général ou assumer des obligations spécifiques de service public, telles que clairement définies par chacun des Etats membres. La proposition modifiée du 4 avril confirme cette approche.

En revanche, la question reste en suspens de savoir si l'exclusion doit englober ou non, d'une part, ce que le traité de Rome désigne comme les services d'intérêt économique général (SIEG), et, d'autre part, ce qui l'est désormais convenu d'appeler les services sociaux d'intérêt général (SSIG), notion dont on ne trouve pas trace dans les traités mais qui correspondent à une sorte de zone grise entre SIG et SIEG.

Pour les SIEG, c'est-à-dire principalement les industries de réseaux, tels que les communications électroniques, la production, le transport, la distribution de l'électricité et du gaz, ou encore les services postaux, leur inclusion a été votée par le Parlement en première lecture le 16 février dernier et la proposition révisée de la Commission va même au-delà en prévoyant l'application à leur égard du mécanisme d'évaluation des exigences requises pour la liberté d'établissement, sous réserve du respect de l'article 86-2 du traité CE (préservation de la mission de service public).

Pour les SSIG, la situation semble moins claire. Certes Parlement et Commission se rejoignent pour leur réserver une disposition spécifique les exclurant du champ de la directive. Mais les positions divergent pour savoir quelle portée donner à cette exclusion. Du côté Parlement, cette portée doit être générale : tous les services sociaux doivent être visés, dans la mesure où ils sont "une manifestation des principes de cohésion sociale et de solidarité reflétés notamment par le fait qu'ils sont conçus pour assister ceux qui sont dans le besoin en raison de revenus familiaux insuffisants, d'un manque total ou partiel d'indépendance ou d'un risque de marginalisation". Et de citer en exemple les services de logement social, les services de garde d'enfants et les services familiaux. Or, c'est précisément sur ce point que la Commission privilégie une conception plus restrictive car elle entend ne prévoir d'exemption que pour ces trois types de services sociaux et non pas pour l'ensemble de cette catégorie, qu'elle ne cherche pas d'ailleurs à définir avec précision.

Dans cette perspective, la communication du 26 avril ne devrait pas davantage se prêter à un exercice général de définition mais mettre en exergue quelques critères communs d'organisation (absence de but lucratif, caractère personnalisé de la prestation, responsabilité renforcée de l'autorité publique, etc) et les spécificités à prendre en considération dans le champ du droit communautaire lorsque le service social en question présente un caractère économique. Pour le reste, la Commission se contentera d'ouvrir une consultation sur la pertinence et le champ de ces critères, avant d'envisager d'aller plus loin, par exemple en proposant une initiative législative dédiée aux SSIG, idée qui est loin toutefois de faire l'objet d'un consensus entre les 25 commissaires.

Mais si telle idée devait faire son chemin, nul doute que l'initiative prise par le groupe PSE du Parlement européen de présenter fin mai ou début juin à la Commission une proposition de directive-cadre sur les SIEG prendra alors un relief tout particulier qui ne manquera pas de relancer également la bataille parlementaire du second tour pour la directive Services.