Trump a raison: les médias sont biaisés edit

7 novembre 2016

Ce n'est pas facile à admettre mais Donald Trump a raison : les médias américains sont biaisés contre lui. Ils ne lui laissent rien passer et sont devenus beaucoup plus indulgents avec Hillary Clinton. Plus de 200 journaux soutiennent officiellement l'ancienne First Lady contre 6 seulement pour Donald Trump. L'écart n'a jamais été aussi grand entre un candidat démocrate et un candidat républicain. Comment pourrait il en être autrement ? Donald Trump s'attaque au fondement même du fonctionnement des médias dans une société démocratique : la recherche des faits et une constante tentative d'approcher la vérité. Lui mène une campagne où les faits et la vérité ne sont que des notions secondaires. En d'autres termes quand Trump dit n'importe quoi, n'est ce pas le rôle traditionnel de la presse de le souligner ? Sauf que beaucoup de médias ne se sont pas contentés de jouer leur rôle traditionnel. Ils ont eu une attitude ambiguë : détestant Trump aujourd'hui après avoir adoré les taux d'audience qu'offrait chacune de ses apparitions. Et de nombreux journalistes américains ont laissé leur aversion pour Trump mettre en danger leur objectivité. La presse en fin de campagne s'est retrouvée en porte à faux avec des lecteurs, auditeurs et téléspectateurs qui par dizaines de millions dénoncent sa malhonnêteté. Pour des médias de masse ce n'est jamais bon. Dans un sondage réalisé fin octobre 56% des Américains estiment que les médias favorisent Hillary Clinton contre 5% qui estiment qu’ils favorisent son adversaire (sondage Associated Press GfK). Parmi ces Américains mécontents de leurs médias il y a donc aussi des électeurs démocrates. Cela mérite un minimum d'examen.

Reprenons l'histoire : au départ les médias se sont amusés de la candidature atypique du milliardaire bien coiffé. Ils se sont vite aperçus que ses apparitions faisaient monter les audiences. Pendant toute la période des primaires Donald Trump se vantait à juste titre de ne pas avoir à dépenser autant que ses concurrents en publicité télévisées tant les portes des journaux télévisés lui étaient largement ouvertes. Au passage ces apparitions gratuites étaient autant de manque à gagner pour des chaînes de télévision qui profitent largement des spots politiques payants. La primaire c'est aussi le souvenir cuisant d'un échec de grande ampleur pour les médias américains. Un échec qui dans d'autres secteurs auraient été irrémédiablement disqualifiant. Personne n'a vu venir la victoire de Donald Trump dans la primaire. De l'automne au printemps son effondrement a été annoncé cent fois par les experts à longueur de colonnes et de tables rondes télévisées. Comment peut ont prétendre raconter jour après jour la société américaine en s'étant trompé à ce point ?

Puis est arrivé l'affrontement final avec Hillary Clinton. Les choses sérieuses. C'est là que le biais des médias est devenu de plus en plus visible. Quel a été le point de bascule ? Vraisemblablement la Convention républicaine de Cleveland fin juillet où le candidat s’est avéré incapable, alors que les Conventions sont faites pour ça, de rassembler autour de lui l’ensemble du parti républicain. C’est là que par habitude sans doute plus que par malveillance les médias ont changé d’attitude. En s’appuyant sur leurs grilles de lecture traditionnelles basées sur des décennies de campagnes présidentielles. C’est là qu’ils ont commencé à annoncer l'effondrement inévitable du candidat qui, dans le désordre, ne publie pas sa feuille d'impôt, n'a pas de programme cohérent, n'a pas le soutien de son parti, n'a pas d'organisation territoriale... Sauf que le candidat ne s'est pas effondré. Il est arrivé au premier débat fin septembre au coude à coude avec Hillary Clinton dans les sondages. Et même à dix jours du scrutin il n'était qu'à cinq points de sa rivale démocrate dans les sondages nationaux. Pourtant rien ne lui a été épargné. Du très sérieux New York Times qui, se prenant pour un tabloïd, a ouvert ses colonnes à une femme accusant Trump d'avoir passé sa main sous sa jupe il y a trente ans. Jusqu'au fameux enregistrement des propos insupportablement grossiers de Donald Trump à l'égard des femmes. Enregistrement qui datait de 2005 et qui dormait depuis dans les tiroirs de la chaîne NBC. Ted Cruz, le dernier rival de Donald Trump dans la primaire, a demandé à juste titre pourquoi cet enregistrement n'était pas sorti pendant les primaires mais seulement dans la phase finale pointant une possible collusion entre les médias et une candidate démocrate qui a largement profité de cette "fuite".

Les médias n’ont pas toujours été tendres avec Hillary Clinton. Pendant la primaire beaucoup n’avaient d’yeux que pour Bernie Sanders qui représentait la nouveauté. Son manque de transparence a été constamment dénoncé par des journalistes qui comptabilisaient publiquement le nombre de jours depuis sa dernière conférence de presse. Et les télévisions ont été sans merci quand Hillary Clinton a eu un léger malaise le jour des cérémonies du 11 septembre. Mais dans les deux derniers mois de campagne la presse a eu de plus en plus de mal à maintenir un équilibre. A l'heure des réseaux sociaux les révélations d'une énième pin-up serrée d'un peu près par Donald Trump attirera toujours plus l'attention que les révélations de Wikileaks sur le fonctionnement interne de l'équipe Clinton. Pourtant en temps "normal" il y aurait eu de quoi faire. La presse s'est finalement assez peu émue de l'installation par Hillary Clinton d'un serveur privé pour ses e-mails à son domicile mélangeant allègrement messages privés et messages officiels plus ou moins top secret. Une présidente Hillary pourrait elle vivre sereinement à la Maison Blanche avec cette mentalité d'assiégée, victime de 1000 complots, si caractéristique du couple Clinton ? Les médias, même les médias francophones, ont peu parlé des 12 millions de dollars que le roi du Maroc a promis à la Fondation Clinton à la condition que Hillary Clinton vienne au Maroc en 2015. Révélation de WikiLeaks.  Elle n'y est finalement pas allée estimant, à juste titre, qu'une candidate à la Maison Blanche acceptant de l'argent d'un chef d'Etat étranger en échange de sa présence même pour une bonne cause cela faisait désordre. La presse a tellement peu fait son travail sur la Fondation Clinton que c’est Chelsea Clinton elle même qui a du demander une enquête interne sur les relations troubles entre les finances de la Fondation et les finances personnelles de ses parents. Enquête qui a fait apparaître que Bill Clinton s’est enrichi à hauteur de plusieurs dizaines de millions de dollars en obtenant des faveurs personnelles des donateurs de la Fondation. Cette enquête, noyée dans des révélations WikiLeaks plus ou moins suspectes a peu retenu l’attention. Comme partout au monde les journalistes américains ont tendance à titre personnel à pencher à gauche. Selon le Center for Public Integrity 96% des contributions financières personnelles des journalistes américains à la campagne (au delà de 200 dollars elles doivent être rendues publiques) sont allées à la candidate démocrate. Donald Trump n'a pas manqué de souligner ce déséquilibre qui a un peu plus enragé ses supporters.

Comment aurait il fallu s’y prendre ? Donner davantage la parole à Donald Trump ? Impossible. On l’a vu partout, tout le temps. Chercher à mettre plus en avant les aspects positifs de sa campagne ? Difficile. Par toutes leurs fibres les journalistes politiques américains sont incommodés par le ton comme par le fond de ses discours. Autant le personnage est médiatique autant il y a quelque chose d’incompatible entre sa campagne et le fonctionnement actuel des médias. Il est intéressant de noter que ses clashes les plus mémorables ont eu lieu avec Megyn Kelly, présentatrice de la très conservatrice chaîne Fox News qui elle même a eu du mal à gérer le phénomène Trump. On dit qu’il rêve après l’élection de lancer une «Trump TV» pour tirer un profit commercial du mouvement qu’il a créé mais ses premières tentatives d'émissions politiques sur Facebook Live dans les derniers jours de la campagne sont à son image brouillonnes et improvisées. Ce qu’il aurait fallu faire c’est probablement donner davantage la parole non pas à Donald Trump mais à ses électeurs. Au delà des interviews de supporters surexcités attrapés à la volée à la sortie d’un meeting. Prendre le temps. Ecouter. Tenter de mieux comprendre le décalage entre les deux Amériques et ce fossé qui se creuse entre elles toujours un peu plus. S’agit il d’une nouvelle révolte de type « tea party » ou le début d’un schisme dans la droite américaine ? Questions cruciales pour l’avenir du parti républicain.

Trump n'est pas le premier candidat populiste et d'autres viendront comme autant de défis pour la presse. L'expérience américaine aura donné aux médias quelque leçons dans leur quête de ce point d’équilibre si difficile à trouver: tenir bon sur les principes sans pour autant donner les bâtons pour se faire battre.