Vaccins et variants: le lièvre et la tortue edit

28 juin 2021

Les variants du virus responsable du COVID-19, notamment le variant dit britannique, expliquent en grande partie la résurgence des infections dans de nombreux pays de l'OCDE depuis la fin de l'année 2020. Les effets saisonniers sont également à l'origine des fluctuations de l'incidence du virus. Plus récemment, la vaccination s'est avérée très efficace pour freiner les infections au COVID-19, se substituant aux politiques de confinement à des coûts bien moindres pour l'économie.

Dans une nouvelle étude, nous tentons de préciser le lien entre les taux de reproduction quotidiens au niveau des pays de l'OCDE et plusieurs facteurs explicatifs potentiels, notamment les politiques d'endiguement, les politiques de santé publique, les conditions saisonnières, la prévalence des variants, les taux de vaccination ainsi que des approximations des changements de comportement spontanés et de l'immunité naturelle, le tout dans un même cadre. Ce cadre établit également un lien entre les politiques de confinement et le suivi hebdomadaire du PIB de l'OCDE afin d'étudier leurs effets sur l'activité économique.

Certains nouveaux variants du virus sont capables d'augmenter le taux de reproduction effectif de 50%. Dans certains pays les effets saisonniers augmentent le nombre de reproductions effectives en automne/hiver, de près de 25% par rapport à l'été. La rapidité de ces chocs défavorables représente un défi majeur pour les décideurs politiques car ils peuvent coïncider et prendre leur plein effet en l'espace de quelques mois. Les deux effets combinés peuvent potentiellement faire augmenter les taux de reproduction de 90%.

Heureusement, la vaccination réduit puissamment la propagation du virus. Les effets estimés peuvent être exprimés en termes d'équivalence d'intervention (voir figure). Vacciner complètement...

- 7 % de la population équivaut soit à la fermeture complète des écoles, à l'interdiction de sortir de chez soi à quelques exceptions près, soit à l'interdiction de tout rassemblement public ;

- 15% de la population équivaut à la fermeture de tous les lieux de travail, sauf ceux qui sont essentiels ;

- 20% de la population équivaut à la fermeture de tous les lieux de travail essentiels ainsi que des transports publics ;

- 50% de la population équivaut à appliquer simultanément toutes les restrictions ci-dessus ainsi qu'à fermer toutes les frontières internationales.

Équivalence entre les effets estimés de certaines politiques de confinement et le pourcentage de la population entièrement vaccinée.

Et, bien sûr, la vaccination n'a pas les effets néfastes sur l'activité économique qu'ont les politiques de verrouillage, au contraire elle stimule l'activité en permettant d'assouplir les politiques de verrouillage. Les résultats de l'étude sont utilisés pour examiner quelques scénarios qui diffèrent par la présence de variantes du COVID et la rapidité de la vaccination.

Dans un scénario de base sans variants ni vaccins, des politiques de confinement rigoureuses sont nécessaires pour maintenir le taux de reproduction en dessous de 1. La situation est néanmoins précaire dans la mesure où de nombreux facteurs, notamment les influences saisonnières, sont susceptibles de faire passer le chiffre au-dessus de 1 et d'entraîner ainsi une recrudescence des infections.

Un autre scénario suppose que le variant britannique devienne prédominante, ce qui entraîne une augmentation de la transmissibilité du virus de 35%. Ce scénario montre qu'avec seulement 13% de la population entièrement vaccinée (ce qui correspond à la médiane de l'OCDE à la mi-mai), le taux de reproduction reste supérieur à 1. Les responsables politiques sont alors confrontés à des choix difficiles quant aux politiques de confinement à renforcer. Par exemple, les écoles pourraient devoir rester fermées à plein temps, ce qui serait juste suffisant pour maintenir le taux de reproduction en dessous de 1.

Un scénario plus optimiste illustre comment un déploiement rapide du vaccin permet non seulement d'éviter la nécessité de renforcer les politiques de confinement malgré la présence de la variante britannique, mais aussi d'assouplir progressivement les politiques en place. Par exemple, avec 40% de la population entièrement vaccinée (ce qui est proche des proportions aux États-Unis et au Royaume-Uni à la fin du mois de mai, et en France aujourd’hui), il n'est pas nécessaire de rester à la maison ou de fermer les lieux de travail et les restrictions sur les rassemblements peuvent commencer à être assouplies, ce qui a l'avantage supplémentaire d'augmenter le PIB de 4% par rapport au scénario de base.

Ensemble, les scénarios suggèrent qu'un déploiement rapide des vaccinations peut compenser la pression exercée par les variants plus infectieux et éviter un cycle de politiques d'atténuation en dents de scie, de type stop and go. Pour les pays qui entrent maintenant dans l'été, il est également important que les décideurs ne soient pas bercés d'un faux sentiment de sécurité par la baisse temporaire des taux effectifs de reproduction due aux facteurs saisonniers, comme ce fut le cas durant l'été 2020. L'absence de vaccination d'une part suffisante de la population pourrait alors entraîner une résurgence du virus en hiver, lorsque les facteurs saisonniers s'inverseront.

Référence

Turner, D., B. Égert, Y. Guillemette and J. Botev (2021), “The Tortoise and the Hare: The Race Between Vaccine Rollout and New COVID Variants”, OECD Economics Department Working Papers, No. 1672, Paris, OECD Publishing.