Xinjiang : un risque terroriste ? edit

13 juillet 2009

Le Xinjiang (Turkestan de l’Est pour les indépendantistes ouïghours) est à nouveau, cet été, au cœur de l’actualité. Le départ précipité de Hu Jintao, en pleine réunion du G8, prouve que les dirigeants chinois ont été pris par surprise et craignent une montée des tensions, plus encore, peut-être, qu’au Tibet. Comment les dirigeants chinois comprennent-ils les causes d’une telle explosion ? Y a-t-il dans cette région un risque de terrorisme islamique ?

Un documentaire chinois réalisé pour 2002, Dongtu kongbu shili zuixing jishi (Les Crimes du pouvoir terroriste du Turkestan de l’Est) semble confirmer les soupçons. Il y a bien sûr une part de vérité dans ce documentaire, mais les actions de certains militants ouïghours y sont largement exagérées : des crimes ou des manifestations virant à l’émeute y deviennent des actes de terrorisme. Le documentaire a également évoqué quatre groupes terroristes ouïghours. Pourtant, deux de ces groupes, le « Parti des Réformateurs Islamiques » et « le Parti d’Allah du Turkestan Oriental » semblent n’exister que dans l’esprit des analystes chinois. De fait, une seule organisation a été reconnue comme étant un réel danger terroriste par la communauté internationale : le Mouvement Islamique du Turkestan Oriental (MITO), ajouté à la liste des groupes terroristes de l’ONU en 2002.

Pourtant, on aurait tort de penser que le terrorisme ouïghour n’existe pas parce qu’il reste encore une tendance politique marginale. Dans les années 1990, il y a eu des attaques terroristes. On pense notamment aux attentats de février 1997 qui ont frappé Urumqi au moment des funérailles nationales offertes à Deng Xiaoping. Dix jours après ces événements, c’était à Beijing même qu’un attentat à la bombe avait lieu. Mais aujourd’hui, il semblerait que le terrorisme islamiste soit plus à craindre pour l’avenir que sa version plus nationaliste au Xinjiang. Ainsi, le MITO est loin d’être le fruit de l’imagination chinoise, pour ce qu’on en sait. Il est né de l’expérience d’indépendantistes islamistes ouïghours radicalisés en Afghanistan pendant ces trente dernières années. Des Ouïghours auraient participé à la lutte des moudjahidines afghans contre l’armée soviétique. En tout cas à cette époque, Beijing fermait les yeux sur les mouvements à la frontière entre Xinjiang et Afghanistan. Par la suite, on sait que des Ouïghours se sont réfugiés dans l’Afghanistan des Taliban, et ont combattu au sein du Mouvement Islamique d’Ouzbékistan, allié au mollah Omar. Ce sont ces soldats du djihad aguerris, qui ont combattu en Asie Centrale et contre les forces de Massoud, qui se sont réunis pour former le MITO sous la direction d’Hassan Mahsun, mort en 2003 au Pakistan. Des djihadistes ouïghours, en nombre limité, se trouvent bien, aujourd’hui, dans les zones tribales pachtounes, toujours sous la protection des Taliban et des militants ouzbeks. Et il semblerait que la Chine ne soit pas confronté à un tigre de papier, même si on est encore loin du danger terroriste de grande ampleur. Ainsi, en juillet 2008, un mois avant les JO de Beijing, un groupe, appelé le Parti Islamique du Turkestan, s’est attribué plusieurs incidents et explosions dans différentes villes chinoises, notamment une explosion dans un bus à Shanghai. On ne sait pas si ce groupe est un autre nom pour le MITO ou s’il s’agit d’un mouvement dissident.

Le terrorisme islamiste ouïghour a donc déjà une ou des structures militantes, et des liens avec le djihadisme régional. La seule chose qui lui manque aujourd’hui, c’est une masse de jeunes recrues plus conséquente. Les Ouïghours tiennent à leur identité musulmane, certes, mais ne l’associent pas, pour l’instant, à un projet politique autre que le nationalisme. Leur rapport à la religion est culturel et anti-chinois : l’islam permet d’affirmer son appartenance à la famille turcophone et islamique, en opposition aux Hans. De plus, le projet de société des Taliban ne trouve pas un large écho dans cette population sécularisée, et la propagande d’Al Qaïda a encore moins d’impact. En effet, comment entrer dans les rangs d’une organisation qui cible uniquement les Etats-Unis, alors qu’il s’agit d’une nation qui accueille les réfugiés politiques ouïghours ? Pour les plus nationalistes, Beijing est l’unique ennemi, pas les pays occidentaux. Et pour les plus modérés, autonomistes ou démocrates, l’Occident peut être un partenaire pour amener la Chine à réviser sa politique au Xinjiang.

Mais si la répression reste l’arme de prédilection de gestion du Xinjiang, on pourrait voir une dangereuse évolution, qu’on a déjà constatée, historiquement, au Moyen-Orient. Si les modérés sont brisés en prison, si de simples citoyens coupables de religiosité ou d’avoir participé à une manifestation sont radicalisés par un ciblage étatique constant, les partisans du terrorisme, nationalistes ou islamistes, trouveront les recrues qui jusque-là leur font défaut. De fait, aujourd’hui, tout dépendra de la façon dont Beijing va gérer la question ouïghoure. Et pour qui suit cette région depuis plusieurs années, l’optimisme est difficilement de mise.