Barroso-Hosni : d'une élection l'autre edit

Sept. 18, 2009

Grand mouvement diplomatique ces derniers jours. Après le succès de José Manuel Barroso qui a obtenu haut la main l’aval du Parlement européen pour un deuxième mandat à la tête de la Commission européenne, neuf candidats sont en lice pour le poste de directeur général de l’Unesco, mais c’est le ministre égyptien de la Culture, Farouk Hosni, qui tient la corde. Une bonne occasion de revenir sur la façon dont sont attribuées ces hautes charges internationales.

Dans le cas de l’Unesco, la décision est entièrement aux mains des gouvernements des cinquante-huit États membres. Seuls quelques initiés ont ainsi eu vent des ambitions de M. Hosni et le nom de ses rivaux n’est jamais mentionné dans la presse. Ceux qu’émeut la possibilité de voir une personnalité qui s’est illustrée par des déclarations anti-israéliennes et par une politique répressive accéder à la direction de l’organisation n’ont guère que la possibilité de mener une compagne de presse tardive, avec l’espoir d’alerter l’opinion, et ainsi de faire pression sur les gouvernements.

En principe, la situation est très différente dans le cas de l’Union européenne. Depuis trente ans (1979), celle-ci comporte un Parlement élu ; depuis plus de quinze ans (1993), ce dernier a droit de cité,  un rôle à jouer dans la désignation de la Commission – rôle consolidé à chaque réforme des traités, celle de Lisbonne allant même jusqu’à faire miroiter la possibilité d’une élection du Président par le Parlement. En principe, donc, le processus devrait être beaucoup plus ouvert que dans le cas de l’Unesco. On aurait pu assister à une campagne électorale au cours de laquelle chacun des prétendants au leadership européen aurait exposé son programme. Par leur vote, les électeurs auraient ainsi eu la possibilité de peser sur le choix des gouvernements.

En pratique, on le sait, il en est allé tout autrement. Bien qu’officiellement investi par le Parti populaire européen (PPE), M. Barroso s’est abstenu de faire campagne. L’autre grand parti, le Parti socialiste européen (PSE), n’a pas pu s’entendre sur un candidat, en dépit des efforts de ceux qui, comme Martine Aubry, poussaient la candidature de son président, Poul Nyrup Rasmussen. Et à l’issue d’une campagne atone, le PPE a gagné aux points.

Adoubé du bout des lèvres par le Conseil européen de juin, M. Barroso a vu sa désignation confirmée  par le Parlement, qui lui a assuré une majorité confortable. L’issue du vote n’a rien d’étonnant : il est habituel que le candidat proposé par le parti le plus important l’emporte. En revanche, la façon dont ce résultat a été acquis mérite que l’on s’y attarde. Intronisé par les chefs d’État et de gouvernement, M. Barroso savait qu’il devait obtenir les voix d’autres groupes politiques que le sien. Il a donc mené cet été une brève campagne, rencontrant les responsables des différents groupes politiques,  promettant aux socialistes  la révision de la directive sur les travailleurs détachés, aux libéraux la nomination d’un commissaire aux droits de l’homme – jeu parlementaire classique. Autre élément notable, les fissures qui sont intervenues au sein des groupes parlementaires. En dépit de l’hostilité initiale de son président, l’ancien premier ministre belge Guy Verhofstadt, les libéraux ont largement appuyé son élection. Quant aux socialistes, tiraillés entre pro (les Espagnols et les Portugais) et anti-Barroso  (les Français et les Belges), ils ont choisi de s’abstenir pour ne pas étaler au grand jour leurs divisions.

Le processus qui a conduit au renouvellement du mandat de M. Barroso se situe donc à mi-chemin entre le modèle Unesco et celui de la IVe République. Avec un défaut commun à ces deux modèles : le manque de lisibilité.  M. Barroso est le produit d’un croisement entre une logique intergouvernementale et une logique partisane. Des deux, on l’a vu, c’est la première qui domine. Le vote de mercredi en témoigne. La coalition hétéroclite qui l’a soutenu réunissait autour des députés du PPE des membres des partis au pouvoir au niveau national, qui avaient pour mission de soutenir au Parlement le choix de leur premier ministre. En délaissant les tréteaux de la campagne électorale au profit d’un dialogue exclusif avec les chefs d’État et de gouvernement, d’abord, avec les groupes parlementaires, ensuite, M. Barroso,  n’a fait que tirer les conséquences de cette situation, avec l’habileté du politicien chevronné qu’il est. Cela lui a permis d’obtenir un second mandat. Mais cela le condamne aussi à rester à la remorque de ses grands électeurs, faute de pouvoir s’appuyer sur une légitimité alternative. Il est douteux que l’on parvienne de la sorte à réconcilier le citoyen avec les institutions européennes.