Pour les économistes, les municipales sont nationales edit

24 mars 2008

Ce qui ressort des élections municipales de 2008 est désormais bien établi dans la littérature économique : les résultats des élections locales sont clairement influencés par les évolutions des données économiques nationales.

Certes, un certain nombre de travaux ont également montré l'importance des variables locales, et notamment fiscales, sur le comportement électoral local, mais celles-ci perdent souvent de leur significativité lorsque les variables macroéconomiques sont intégrées dans l'analyse. Quant aux sondages, ils demandent en général aux interrogés s'ils pensent ou s'ils souhaitentse déterminer en fonction de considérations locales, mais cela n'implique pas l'absence de déterminants nationaux, au contraire.

Pour autant, il est difficile d'élaborer des prévisions, car la relation qui ressort des estimations statistiques est variable dans le temps  et dans l'espace. Ainsi, lorsque l'on observe le comportement des électeurs français, il apparaît que le taux de chômage influence les électeurs, plus que ses variations. Un tel résultat n'est pas forcément surprenant. En effet, dans un pays où le taux de chômage reste élevé pendant une longue période, on peut penser que les citoyens sont plus sensibles à son niveau qu'à ses variations marginales. Pour autant, cette variable n'apparaît généralement pas comme significative dans les travaux traitant des élections américaines ce qui, là encore s'explique largement par le comportement de cette variable.

Cela doit-il conduire à rejeter l'analyse économique des comportements électoraux ? Ou, et c'est l'hypothèse maintenant généralement retenue, ne faut-il pas plutôt considérer que, si les électeurs sanctionnent les gouvernants sur la base de ce qu'ils accomplissent, la capacité des gouvernants à obtenir de "bons" résultats est elle-même variable? On peut en effet comprendre que la capacité d'un gouvernant à mettre en place une "bonne" politique est fonction de l'exposition de l'économie aux chocs extérieurs (dépendant du degré d'ouverture de l'économie ou de sa dépendance par rapport aux prix des matières premières, par exemple) ou du bon fonctionnement des institutions.

Pour ce qui est du cas français, une étude récente (1) confirme la portée nationale des élections municipales. En raison du changement du mode de scrutin de 1982, l'étude porte sur les élections ayant eu lieu après cette date, soit quatre élections au total (1983, 1989, 1995, 2001). Le nombre de communes retenues s'élève à 591, accueillant près de 50% de la population française. L'étude montre que le taux de chômage et le taux d'inflation influencent fortement les résultats des élections municipales. En outre, il apparaît que, si l'électorat local prend en considération les variables économiques dans son vote, il le fait cependant de manière " naïve " (au sens de la théorie économique) puisque seul le niveau des variables considérées (l'inflation et le chômage) apparaît significatif (et pas leur évolution) et seulement pour l'année précédant l'élection dont il est question. L'électorat français sanctionne donc ses gouvernants sur la base de ce qu'ils ont fait, mais il a la mémoire courte.

Quelles leçons en tirer pour les élections de 2008 ? Qu'en est-il des variables qui influencent le vote de l'électeur, chômage et inflation? Le chômage reste élevé, à 8%, et ceci pèse encore lourdement sur les résultats des sortants, mais sa diminution depuis le dernier scrutin municipal est de 1,5 point environ (soit 16% de moins). Pour ce qui est de l'inflation, la variation est moins spectaculaire, de moins de 0,2% (soit une diminution, là encore, mais de 8%). Les niveaux de ces variables restent défavorables aux maires sortants, mais leur réduction réduit leur impact par rapport au dernier scrutin municipal. Ainsi, en appliquant les coefficients de l'étude citée, il ressort que les niveaux plus faibles atteints par l'inflation et le chômage en 2007 réduisent la perte de voix d'un scrutin sur l'autre de 2% environ. Ce qui aurait pu s'avérer crucial en cas de scrutin serré, comme cela se profilait dans certaines communes.

En 2001 l'UMP était sorti vainqueur de la consultation. Si le comportement des Français n'avait pas varié, la "vague bleue" de 2001 aurait dû ne pas se retirer trop loin du rivage en 2008. Il s'est donc passé autre chose lors de ces élections municipales, et l'ampleur du reflux rend douteuse l'hypothèse de la prédominance d'enjeux locaux. C'est donc bien au niveau national qu'il importe d'interpréter ces résultats.

1. Etienne Farvaque et Nicolas Jean, "Analyse économique des élections municipales: le cas de la France (1983-2001)", Revue d'économie régionale et urbaine, 2007, n°5.