Candidats : qui est le plus libéral ? edit

12 avril 2007

Alors que les élections approchent, les candidats peaufinent leur programme et les marchés financiers tentent d’évaluer leur degré de libéralisme économique. Au premier abord, on pourrait assimiler ce débat au clivage politique droite/gauche. Cependant les candidats à l’élection présidentielle française ne se définissent pas en « libéral » contre « non libéral » et les programmes sont un mélange de mesures plus ou moins économiquement libérales. Pour tenter d’offrir une grille de lecture reposant sur la notion de libéralisme économique, il faut donc retourner à des critères économiques du libéralisme et tenter d’évaluer à cette aune les détails (pas toujours très précis) des programmes.

Bien sûr, l’exercice est imprécis et réducteur – comme tout exercice basé sur un indicateur. Mais il n’en présente pas moins des traits éclairants.

En simplifiant, on peut distinguer les mesures de politiques économiques ayant un impact sur le cycle de celles affectant la tendance de la croissance de long terme, et enfin l’impact sur les finances publiques des dépenses structurelles. Pour chacune de ces catégories, on peut définir ce que préconiserait (au sens large) le libéralisme économique. Puis on affecte en utilisant une échelle de -4 à +4, un « rang » à chacune des mesures (apparemment) clés des programmes au sein de sa catégorie. -4 qualifie des mesures qui s’éloigneraient radicalement de la référence libérale par rapport à la situation existante, alors que +4 vise des mesures qui font le chemin en entier vers la référence libérale. Zéro est une situation de non changement par rapport à la situation existante.

Les mesures d’inspiration économiquement libérales tendent à accroître les fluctuations cycliques, puisqu’elles introduisent une plus grande flexibilité dans l’économie, tant en termes d’emploi que de création/destruction d’entreprises et d’innovation plus généralement. Le rationnel est qu’en période de creux de cycle, la flexibilité du cadre économique permet aux entreprises de se réorganiser, entraînant d’abord une « destruction » d’entreprises et d’emploi, mais très vite ensuite un prompt rebond de l’activité, et donc une reprise de la croissance et une baisse du chômage.

De la même façon, la dérégulation des marchés financiers et bancaires entraîne une plus grande fluctuation des capacités d’emprunt avec le cycle économique, et donc une plus grande sensibilité de la consommation et de l’investissement au cycle. Sont donc qualifiées d’ « économiquement libérales » les mesures visant à introduire plus de variabilité et moins de contraintes sur le temps de travail, et plus de flexibilité à l’embauche et au licenciement.

Les mesures de dérégulation des marchés de crédits qui permettent aux ménages de s’endetter plus facilement, en utilisant comme garantie leurs actifs immobiliers notamment, peuvent également être qualifiées de libérales.

Enfin, la volonté de réduire rapidement les déficits publics pour se donner des marges de manœuvre (dans le cadre du Pacte de stabilité) seraient aussi considérée comme économiquement libérale, puisque permettant plus de gestion discrétionnaire des finances publiques pour répondre aux fluctuations du cycle.

Accroître le taux de croissance potentiel est naturellement ce qui est le plus discuté et visé par nos candidats, avec les diverses mesures de soutien à l’innovation. La richesse d’une économie sur le long terme dépend de son stock de capital humain (et donc de l’éducation) et physique (donc de l’investissement physique), ainsi que du progrès technique, c’est-à-dire l’innovation tant au travers de nouveaux produits que de nouvelles techniques de production et opération. Dans ce cadre, les politiques visant à élever le niveau d’éducation, favoriser l’investissement des entreprises, accroître la recherche et l’innovation par des mécanismes incitatifs pour le secteur privé peuvent être considérées comme économiquement libérales ; ces politiques ne seront pas économiquement libérales si elles cherchent à accroître la prise en charge par l’Etat de l’éducation, de la recherche ou des investissements.

De la même façon, les baisses d’impôts ou les crédits d’impôts destinés à augmenter les revenus du travail sont plutôt libérales économiquement, alors que les emplois aidés par l’Etat ne le sont pas. Les candidats affichant une préférence pour un taux d’inflation relativement peu élevé seront aussi appréciés par les marchés comme des candidats valorisant un environnement de prix stable, ce qui est bon pour les investissements. Les candidats ne cherchant pas à réformer le mandat de la BCE sont donc économiquement plus libéraux. C’est aussi le cas des candidats en faveur de plus d’ouverture aux échanges.

Enfin, un niveau de dépenses et de prélèvements obligatoires élevés est bien sur synonyme d’interventionnisme public, ce qui va à l’encontre du libéralisme économique. Les mesures visant à alléger le poids de l’Etat dans l’économie et réduire le ratio de dette sur PIB peuvent donc être qualifiées d’économiquement libérales. L’idée sous-jacente est que des déficits publics et une dette publique génèrent des taux d’emprunts obligataires plus bas, et permettent des investissements (en infrastructures, éducation, santé) à coûts moindres tout en offrant un véhicule d’épargne plus fiable aux citoyens. Les mesures ayant pour but de modérer, à court et moyen terme, le poids sur la dette des dépenses de santé et retraites, et éventuellement le nombre de fonctionnaires (ce qui est partiellement redondant) peuvent donc être qualifiées d’ « économiquement libérales ».

En utilisant les critères (bien sur simplificateurs) présentées ci-dessus, une revue (trop) rapide des programmes et des mesures annoncées les plus récentes des trois principaux candidats est résumée dans les tableaux ci-dessous. La conclusion est sans surprise que Nicolas Sarkozy serait plus libéral que François Bayrou, lui-même plus que Ségolène Royal. Conclusion attendue aussi : le degré de libéralisme économique proposé par les réformes de nos candidats demeure très faible en regard des critères qualifiant un « libéral économique » présentés ici, et ceci est d’autant plus frappant que les scores aux différentes questions s’éloignent généralement peu de « zéro ».