Pourquoi l'Italie n'abandonnera pas l’euro edit

28 avril 2006

L'Italie est-elle condamnée à sortir de l'euro ? Deux scénarios semblent possibles : soit un gouvernement italien décide unilatéralement d'abandonner l'euro, soit les marchés forcent l'Italie à sortir de la monnaie unique. La probabilité de voir se réaliser l’un de ces scénarios est très, très faible, aussi bien à moyen qu'à long terme.

Tout d’abord, l'option d'un simple abandon de l'euro n'existe pas. L'Italie n’a signé aucune clause à ce sujet, mais même si une dérogation pouvait être négociée, nos principaux partenaires commerciaux – l’Allemagne, la France et l’Espagne – ne nous permettraient jamais de rester dans l'Union Européenne tout en poursuivant une politique de dévaluation compétitive. Et aucun gouvernement italien, même le plus populiste, ne pourrait considérer sérieusement l'idée de renoncer à l'Union Européenne, vu les conséquences dévastatrices que cela aurait sur l'économie italienne.

Est-il possible en revanche que les marchés forcent un gouvernement italien à abandonner l'euro ? Cela peut arriver si les marchés se convainquent que les conditions des finances publiques italiennes ne sont pas soutenables, et que le pays court le risque de ne plus pouvoir payer sa dette. En effet, la combinaison d’une dette en augmentation, d’une économie déprimée et d’un taux de change fixe peut suggérer à des observateurs étrangers un inquiétant parallèle avec l'Argentine. Mais la situation des deux pays est très différente. Il est vrai que la dette italienne augmente – pour la première fois depuis 1994 – ce qui a sans doute suscité quelque inquiétude chez nos partenaires européen ou financiers. Cela dit, les correctifs nécessaires pour réduire la dette ne sont pas hors de portée. Même si le taux moyen de la croissance nominale est de 3% (ce qui signifie une croissance réelle au dessous de la croissance potentielle) et que le coût moyen de la dette dépasse 5% du PIB, un excédent de 2% serait suffisant pour stabiliser le rapport dette/PIB. En corrigeant de la situation cyclique et en excluant les mesures exceptionnelles, le budget 2005 dégage un excédent de 1%. Pour faire baisser la dette, un tout petit ajustement supplémentaire serait suffisant. Si le gouvernement de la IVe législature n'avait pas gaspillé les excédents hérités de la précédente (3,2%), l'Italie n’aurait pas à affronter ce problème.

Tout aussi rassurant est le fait que pour redonner du tonus à la compétitivité et à la croissance, on ne doit pas nécessairement passer par une dévaluation. L'euro n’a fait que révéler une tendance longue de perte de compétitivité de notre pays. Les exportations italiennes n’ont cessé de perdre des parts de marché, dans les années où l’euro baissait comme dans celles où il montait. Le programme de la coalition qui a gagné les élections montre une bonne compréhension du fait que la compétitivité de l'Italie est affaiblie par des problèmes structurels profonds et anciens, qui ne peuvent se résoudre qu’à travers une politique de libéralisation des marchés et des réformes structurelles. Ce programme prévoit même des mesures fiscales pour relancer immédiatement la compétitivité des exportations, sans attendre les effets des réformes structurelles sur la productivité. Certes, la majorité très étroite dont disposera le gouvernement Prodi pourrait lui rendre la tâche difficile. Mais il faut se rappeler que des mesures fiscales et d’importantes réformes structurelles ont été votées chez nous pendant des périodes de forte turbulence politique, en 1992-93 d'abord et en 1995-97 ensuite. Plus important encore, la coalition gagnante a déjà payé cher, en termes électoraux, son engagement explicite à augmenter les impôts si la condition des finances publiques l’exigeait.

Et à long terme ? Les pessimistes remarqueront que l'Italie a des problèmes de vieillissement beaucoup plus aigus que la plupart des autres pays, sauf peut-être le Japon. Ils ont raison, mais ils ne devraient pas oublier que les réformes prévisionnelles réalisées en Italie sont beaucoup plus clairvoyantes que celles de la plupart des pays de l'Union Européenne. Comme l’a bien noté l'Ecofin, jusqu’à 2050 l'augmentation de la dépense publique due au vieillissement est estimée pour l'Italie autour de 0,5 point de PIB, contre plus de 4 pour les autres pays de l'Euroland. Les retraites ne sont en Italie qu’un problème de moyen terme, dû au rythme un peu lent que nous mettons à nous rapprocher du système soutenable introduit par la réforme de 1996. Sur une longue période, les comptes publics italiens n’ont donc pas de problèmes majeurs.

Tout cela n’empêche pas que l’Italie doive encore affronter d’énormes défis. Il y a quelques signaux encourageants du côté de la restructuration industrielle, où est en cours un processus de "destruction créatrice".

Toutefois, les marchés pourraient revoir à la baisse leurs évaluations sur l'Italie et rendre ainsi plus difficile le travail du gouvernement. On ne sait que trop combien les perceptions des marchés peuvent changer rapidement et faire passer une économie d'un parcours soutenable à un autre qui ne l’est pas : si tous les titulaires d'un compte courant s'attendent à la faillite d'une banque, alors cette faillite est inévitable. C’est précisément pour cette raison que la situation des finances publiques italiennes ne doit être évaluée qu’après une analyse attentive et approfondie. Dans le passé, beaucoup de commentateurs, avaient prédit que l'Italie ne réussirait à entrer dans l'euro : il y a beaucoup de raisons pour croire qu'ils aient tort à nouveau.