Le budget 2007 : un honorable compromis edit

6 octobre 2006

Le cru budgétaire 2007 devrait être plutôt bon pour l'économie française, si l'on prend en compte les exceptionnelles circonstances électorales du printemps prochain. On aurait pu s'attendre à ce que le gouvernement augmente la dépense, quitte à laisser à son successeur le soin d'apurer les comptes. Les détails du projet de loi de finances montrent pourtant que ce ne sera pas le cas. Par conséquent, il me semble que c’est un honorable compromis entre les contingences électorales et la nécessité impérieuse de rationaliser la dépense publique, de simplifier le système fiscal et de réduire le poids de la dette. D'ailleurs, la dette publique brute devrait diminuer, en pourcentage du PIB, pour la première fois depuis 2001. Le prochain gouvernement aura encore du pain sur la planche en matière budgétaire : il devra réduire les effectifs dans la fonction publique et réformer plus radicalement l’assurance maladie et les régimes de retraite, deux sujets économiquement et politiquement explosifs ;mais en matière de fiscalité directe, ce gouvernement aura fait du bon travail dans l'ensemble.

Les dépenses de l’Etat, y compris les intérêts sur la dette et les pensions, devraient diminuer de 1% en volume, en clair ne pas augmenter de plus de 0,8%, soit un point de moins que l’inflation anticipée. Nous sommes bien loin de la baisse de 32 milliards d’euros des dépenses annoncées par M. Padoa-Schioppa en Italie (en fait « seulement » 15 milliards en net), mais, selon les normes françaises, c’est certainement une norme rigoureuse. Les effectifs publics devraient diminuer de 15 000, soit à peu près la moitié des départs en retraite. Relativement aux effectifs, un peu plus de 2,3 millions, c’est bien peu, mais c’est néanmoins deux fois plus que l’an dernier et la plus importante réduction d’effectifs depuis plus de quinze ans. La rationalité économique de ces réductions ne fait pas de doute : le progrès technique, avant tout la télématisation (pour reprendre un mot un peu tombé en désuétude) croissante des services publics, permet d’importants gains de productivité qui ne peuvent se révéler que si les effectifs sont ajustés en conséquence. Ne pas le faire conduirait à alourdir les prélèvements sur le capital et le travail et donc à réduire la croissance et l’emploi. Il reste à souhaiter que les collectivités locales, dont les dépenses sont sur une pente supérieure à 3% cette année, suivront la même politique.

En matière de fiscalité, la réduction du taux marginal maximum de l’IR de 50% à 40%, en partie financée par la suppression des abattements, était déjà connue, ainsi que la suppression de la taxation des plus-values pour les entreprises. Ces deux mesures relèvent d’une politique de stimulation de l’offre, aussi bien du côté travail que du côté capital. Pour ce qui est de la première mesure, en réduisant le prélèvement marginal sur le travail, on incite les plus productifs à travailler plus, avec effet multiplicateur, puisque la productivité est variable. Pour ce qui est de la seconde de ces mesures, on incite les entreprises à céder leurs participations pour réallouer leur capital là où le retour est le plus élevé. Enfin, le plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5% de la valeur ajoutée, bien que ne traitant que très partiellement les aspects antiéconomiques de la TP, est intéressante, étant donnés les écarts de taux entre régions. Comme quoi la concurrence fiscale, souvent dénoncée comme déloyale, produit des effets bénéfiques : aurions-nous eu les mêmes baisses d’impôts, s’il n’y avait eu cette pression ?

Pour la croissance, comme l’an dernier, le budget est construit sur une hypothèse de 2,25% (une fourchette de 2,0% à 2,5%), un dixième de plus que la croissance tendancielle. Avec le recul, l’hypothèse que Bercy avait retenue l’an dernier paraît remarquablement clairvoyante – la croissance cette année devrait être d’environ 2,3%, selon le consensus du moment – alors qu’elle avait été critiquée pour son optimisme, y compris par le rédacteur de cette note. Il y a cependant quelques raisons de penser qu’elle est trop optimiste : les tours de vis budgétaire chez nos deux principaux clients, l’Allemagne et l’Italie, la réduction du stimulus monétaire et ses conséquences déjà perceptibles sur l’immobilier, l’appréciation de l’euro et la décélération de l’économie américaine représentent beaucoup de facteurs négatifs. Mais même si la croissance ralentissait à 1,9%, le déficit budgétaire serait ramené à 2,7% du PIB. Le budget prévoit une réduction plus forte, à 2,5%, ce qui reste possible, à condition que le ralentissement des dépenses maladie se poursuive.

La France devrait respecter le code de bonne conduite budgétaire de Maastricht pour la troisième année consécutive et, cette fois, sans l’aide de facteurs exceptionnels comme la soulte EDF-GDF. Mieux, le ratio de la dette publique devrait baisser significativement l’an prochain, à 64,9% du PIB selon nos projections (63,6% selon le budget). Comme, cette année, la réduction de la dette brute sera en partie le résultat d’une gestion plus resserrée de la trésorerie à court terme de l’Etat, sans effet sur la dette nette, une baisse en 2007 est bienvenue, car elle pourrait être un premier pas vers l’inversion de l’effet boule de neige qui a failli terrasser l’économie japonaise. Il faudra cependant plusieurs années de baisse pour que la dynamique soit véritablement inversée avant que, inexorablement, la transition démographique ne relance le recours à l’endettement. Nous n’en avons pas fini avec la rigueur budgétaire !