Comment profiter dès maintenant de la nouvelle parité euro/dollar? edit

Dec. 22, 2015

Pour les entreprises de taille intermédiaire et les PMI, la baisse de l’euro a des effets plus significatifs que le Pacte de responsabilité. Le quasi-silence des politiques français sur cette nouvelle donne monétaire peut étonner. Il n’est peut-être pas inutile d’expliquer comment raisonnent, en la matière, les dirigeants de petites structures industrielles.

L’avantage de vivre la globalisation aux premières loges permet d’avoir une perception globale des évolutions économiques, et de saisir l’effet réel des variations de parité monétaire sur la compétitivité, dans une entreprise à taille humaine où les responsables doivent rentrer dans le détail opérationnel. Car les fluctuations monétaires impactent significativement la compétitivité relative de notre offre.

De nombreuses PMI et ETI françaises produisent très majoritairement en France et dans la zone euro. Entre 2004 et 2014, au moment même où la croissance s’est surtout située dans les pays émergents, la survalorisation monétaire durable de l’euro par rapport au dollar et à de nombreuses autres devises, notamment celles influencées par le dollar, a réellement empêché nombre de ces PMI et ETI de profiter de la dynamique mondiale. C’était flagrant avant la crise financière de 2009, et cela s’est avéré aussi après la crise lorsque les émergents, puis les USA ont repris le chemin de la croissance.

Des entreprises positionnées sur le haut de gamme et des niches à haute valeur ajoutée ont tiré leur épingle du jeu, sans toutefois bénéficier des marges et des conquêtes de prises de marchés qui auraient été rendues possibles par un niveau relatif de l’euro plus proche des réalités économiques. Quant aux entreprises qui avaient des concurrents de qualité produisant dans la zone dollar, elles ont été mises à rude épreuve durant cette décennie.

Après dix ans d’anormalité, le retour à une parité euro/dollar plus cohérente avec les économies réelles redonne une compétitivité relative aux producteurs de la zone euro. La parité euro-dollar ayant évolué entre 1,2 et 1,6 avec une moyenne d’environ 1,4 sur la période 2004-2014, la parité qui semble s’installer depuis un an autour de 1,1 représente une amélioration de compétitivité relative d’environ 20% sur le prix de vente. Un chiffre à comparer, pour ces mêmes entreprises technologiques et industrielles, au gain d’environ 2% du prix de vente apporté par le CICE, découlant du fait qu’il impacte de 6% les salaires inférieurs à 2,5 fois le smic.

Celles qui vendent déjà aux Etats-Unis ou dans la zone dollar vont donc retrouver des marges plus confortables et pourront plus facilement accroître leurs parts de marché face à leurs concurrents, notamment américains, produisant aux Etats-Unis ou dans la zone dollar.

Par ailleurs, la nouvelle donne monétaire diminue la compétitivité des entreprises qui produisent en zone dollar lorsqu’elles vendent en zone euro. Les producteurs européens, y compris les non-exportateurs hors zone euro, ont ainsi de facto plus de facilité pour protéger leurs marges et augmenter leurs parts de marché en zone euro.

Une fenêtre s’ouvre : c’est le bon moment pour les PMI et ETI produisant majoritairement en zone euro de se lancer à l’exportation hors zone euro, là où la croissance démographique sera durablement plus forte. La parité actuelle pourrait être relativement stable à moyen terme, permettant ainsi à ces entreprises audacieuses d’avoir le temps de récolter le fruit de leur investissement commercial, en termes de marges, de développement, et de création d’emplois.

Le choix des destinations d’exportations méritera un affinage de l’examen des parités monétaires avec les pays visés, une étude approfondie des marchés et concurrences locales, et aussi une attention particulière aux innovations nécessaires pour s’adapter au mieux aux besoins de ces marchés.

J’observe, en tant que président d’un fonds de dotation pour l’innovation industrielle, la volonté de nos entreprises industrielles et technologiques de perfectionner leurs processus d’innovation. Les organisations professionnelles les encouragent par ailleurs à perfectionner aussi leurs processus d’exportation.

Cette situation micro-économique favorable pourrait se retrouver prochainement dans les indicateurs macro-économiques, et ce d’autant plus que les PMI et ETI entraîneront leurs fournisseurs dans ce mouvement. Si la nouvelle donne monétaire se stabilise après ces dix années monétairement défavorables, elle devrait donc dynamiser l’économie de la zone euro, notamment via la reconstitution de marges propices à l’innovation et à l’investissement, puis en termes de création d’emplois à plus long terme.

Le niveau relativement bas des importations de matières fossiles, pour quelques années sans doute, contribue lui aussi à cette situation favorable. Bien évidemment, cette dynamique sera atténuée par un contexte de croissance mondiale désormais durablement plus modeste depuis 2012. Mais elle existe, et on peut regretter qu’elle ne suscite pas plus d’intérêt dans le débat public. On s’étonnera en particulier du quasi-silence des politiques français sur cette nouvelle donne monétaire, y compris de la part de ceux qui réclamaient une dévaluation compétitive, qui vient d’avoir lieu en 2015 dans des proportions inenvisageables il n’y a pas si longtemps.

La raison en est peut-être que ce changement favorable de contexte monétaire impactera plutôt les PMI et petites ETI que les grandes entreprises, qui ont déjà organisé un réseau mondial de production qui les rends quasi-indifférentes aux variations des parités monétaires.

Mais PMI et petites ETI représentent un tissu industriel capital et leur développement devrait être considéré comme un enjeu majeur. L’opportunité qui s’ouvre aujourd’hui avec la nouvelle donne monétaire demande à être saisie. La question est posée aux industriels, bien sûr, mais aussi aux décideurs politiques qui doivent les y encourager.

Cela exige de réfléchir en termes stratégiques, et de ne pas se tromper de débat. La baisse de l’euro a fait une partie du travail et réglé une bonne partie de notre problème de compétitivité coût. Beaucoup de choses restent à faire, qui ne relèvent plus de la macro-économie mais de la politique industrielle.

Nous pouvons imaginer et espérer que l’élan et les contraintes à venir de la COP21 imposeront de renchérir les matières fossiles, et donc de rendre plus pertinentes économiquement les innovations technologiques allant dans le sens de la sobriété des procédés industriels et celle des produits finaux destinés aux consommateurs.

Dans ce nouveau contexte monétaire, l’innovation technologique durable et le déploiement commercial international sont donc d’actualité stratégique. À l’opposé des pseudo-programmes économiques politiques de repli sur soi, influencés par des affectivités négatives. Mais loin, aussi, de politiques économiques trop orientées « macro », qui manqueraient leur objet.