L’Italie, un pays au bord de la crise de nerfs edit

17 octobre 2018

L’affrontement sans précédent entre le gouvernement italien et l’Union européenne, qui va presque certainement rejeter la loi du budget de la péninsule, est un signe évident de l’importance croissante des élections pour le Parlement européen.

Cette affirmation peut paraître étrange à première vue, mais il est autrement difficile de comprendre l’attitude des deux coryphées de la majorité politique italienne, Salvini et Di Maio, si l’on ne tient pas compte de l’échéance de mai 2019.

La croissance pendant les dernières années des mouvements dits souverainistes dans la quasi-totalité des pays membres de l’Union est un fait incontestable. Elle nourrit l’illusion – à mon avis – d’un changement de cap radical dans les institutions communautaires, à commencer par le Parlement et la Commission, qui pourraient pencher vers plus de laxisme quant aux politiques budgétaires des pays de l’Union. 

Je parle d’illusion, car indépendamment des résultats des élections, impossibles à prévoir, on peut être sûr que les pays membres de la zone euro, de l’Autriche, aujourd’hui proche du souverainisme, aux Pays-Bas et à l’Allemagne, ne vont pas lâcher du lest en faveur de la politique économique et financière d’une Italie à la mauvaise réputation.

Quoi qu’il en soit, c’est à cette hypothèse, d’un changement de cap à Strasbourg et Bruxelles, que s’accroche le gouvernement de Rome devant une Commission considérée faible, car près de l’échéance de son mandat. Il s’agit de toute évidence d’un pari risqué et dangereux, mais le succès électoral et puis d’opinion publique pour l’instant encore largement favorable (mais avec des signes de déclin !) aux deux partis de la coalition de de gouvernement, la Ligue et le M5E, peuvent avoir galvanisé les gagnants et leur avoir monté la tête. 

Les élections européennes représentent de toute évidence une échéance décisive pour le destin de l’Union, mais même si la campagne électorale a déjà commencé, elles ne sont pas pour demain. D’ici au mois de mai, la loi italienne du budget devra affronter le jugement des agences de notation qui risquent de déclasser la valeur des bons du trésor au niveau de papiers pour la corbeille. Et ceci indépendamment de la réponse de la Commission, contrairement à ce que prétend le gouvernement. Le spread avec les bons du trésor allemands a atteint le chiffre de 300 points de base et fin octobre, avec la publication des agences de notation, il pourrait monter plus haut, avec des conséquences très graves pour l’économie italienne. Dans cette situation, l’attitude du gouvernement hésite pour l’instant entre l’outrecuidance et le refus de prendre en compte la réalité.

On pourrait se demander ce qui pousse Salvini, dont l’électorat est de type largement bavarois, plus intéressé à son bien-être et à son appartenance à l’économie européenne qu’aux politiques économiques aventuristes, à appuyer les demandes qui viennent du Mouvement 5 Etoiles, assez coûteuses et nécessaires pour l’ancrage du Mouvement dans le Sud du pays. Il s’agit à nouveau d’un pari. L’alliance contre nature du point de vue des intérêt matériels entre les deux partis (la convergence se produit sur l’arrogance partagée d’une conception électoraliste de la démocratie, d’après laquelle la majorité élue gouvernerait sans limites et sans contrepouvoirs) est fondée sur l’intérêt de Salvini d’être au pouvoir avec un partenaire, qui malgré son score électoral plus important, lui est aujourd’hui subordonné (même dans les intentions de vote) et qui deviendrait très gênant s’il devait être renvoyé dans l’opposition. Ce qui pourrait se produire à la suite de nouvelles élections qui pourraient sans doute donner une majorité à la droite, au prix pourtant d’une alliance de Salvini avec ce qui est resté du parti de Berlusconi, lui, en revanche beaucoup moins favorable à des politiques souverainistes. Je rappelle que le M5E, qui ne semble pas du tout en mesure de gouverner un pays tel que l’Italie, s’est montré excellent dans la pratique de l’opposition.

En l’état des choses il est difficile de prévoir le développement de la situation politique. Une rupture de l’alliance Ligue-M5E et de nouvelles élections semblent pour l’instant impossibles. Un autre scénario paraît plus probable, sauf un ajustement de la loi du budget de la dernière minute : faire payer aux Italien le prix de leur choix électoral du 4 mars. La dette publique italienne est extraordinaire, mais l’épargne privé des citoyens l’est aussi. Un gros impôt sur la fortune (l’épargne) des citoyens pourrait représenter une voie de sortie provisoire. Évidemment personne n’en parle. Mais les capitaux commencent à partir à l’étranger. Cela serait un mauvais coup pour les Italiens, mais aussi pour le gouvernement qui aura trompé les électeurs. Ceux-ci ne le lui pardonneront pas.