Controverse : à propos de la taxe de monsieur Hulot edit

24 novembre 2006

Dans les colonnes de Telos, Urs Luterbacher propose une lecture critique du projet de taxation du CO2 du Pacte Ecologique de Nicolas Hulot. Selon lui, la proposition ne prend pas en compte l’agriculture qui représente un secteur important pour les émissions de gaz à effet de serre autres que le CO2. Elle serait surtout inefficace car, contrairement aux permis d’émission, elle n’inciterait pas à la mise en œuvre des solutions permettant les plus fortes réductions d’émission.

Sur le premier point, il est vrai que le CO2 ne représente aujourd’hui que les deux-tiers des émissions totales et que les politiques climatiques doivent aussi prendre en compte les émissions des autres gaz (méthane, protoxyde d’azote, gaz fluorés), en tenant compte de leur « pouvoir de réchauffement global » supérieur à celui du CO2. Si cette question n’est pas abordée dans le pacte, c’est d’abord afin de conserver la clarté de la proposition, qui ne peut exposer un système d’incitation complexe, restant à construire dans ses détails.

Mais c’est surtout parce que la question agricole est abordée dans une autre des propositions du Pacte écologique. Il y est en effet proposé une réforme profonde des aides à l’agriculture, visant à réorienter systématiquement les subventions vers les achats de la restauration collective à une agriculture de qualité, dans des circuits courts. Cette réforme de la politique agricole porte en elle-même une profonde transformation des pratiques culturales, de leur usage des différents intrants, comme de leur consommation de transport. Un chantier considérable, au sein duquel il faudra réexaminer la question des politiques de réduction des émissions du secteur.

Quant à l’inefficacité supposée de la taxe, on devrait si c’était le cas s’étonner de la création récente aux Etats-Unis d’un « Pigou Club » proposant l’instauration progressive d’une taxe de 1$ par gallon (3,65l) ; il compte dans ses rangs une vingtaine d’économistes de renom, dont des personnalités aussi soucieuses de l’efficacité économique que l’ancien directeur général du FMI, Kenneth Rogoff ou le prix Nobel Gary Becker. Mais la controverse « taxe versus permis » est en fait un vieux débat. Les économistes l’ont exploré depuis un quart de siècle, identifiant même les conditions théoriques dans lesquelles il est préférable de réguler la pollution par les prix – la taxe – ou par les quantités – les permis.

Il est temps aujourd’hui de clore ce débat et d’agir, car il apparaît que les bonnes politiques environnementales doivent savoir combiner – selon les données sectorielles – les taxes, les permis et les normes. Le Pacte écologique propose de fait, lorsqu’on le lit dans son entier, de combiner le marché européen des permis pour les industries lourdes et le secteur électrique (la moitié des émissions de l’Union) avec la taxe CO2 pour les secteurs d’émission diffus, dans lesquels la mise en œuvre des permis serait probablement inefficace parce que lourde en coûts de gestion.

Cette option est confortée par les analyses du rapport Stern, qui identifient à la fois le système européen des permis comme la première pièce d’un marché mondial du CO2, et l’usage combiné des taxes et des standards comme le moyen de réguler les émissions des autres secteurs. Les vertus des systèmes de permis ne doivent pas être ignorées. Dans le pacte écologique, les permis, tout comme la taxe sont simplement utilisés à leur juste place, là où ils présentent les plus grands avantages relatifs pour la performance de la politique environnementale.

Quant à l’accusation portée de démagogie, elle fait sourire. Le Pacte écologique vise à faire en sorte que des candidats à la présidentielle s’engagent sur un doublement à terme du prix de l’essence : qui pourra soutenir sérieusement que la formulation de cette proposition et le fait d’éventuellement l’accepter peuvent relever d’une approche démagogique de la politique ?