Un nouveau Bretton Woods, vraiment ? edit

1 novembre 2008

La rencontre des chefs d'Etat qui va se tenir à Washington suggère que le besoin d’une coopération internationale dans la régulation des institutions et des marchés financiers est enfin reconnu. Je crains cependant que le sommet de Washington ne fasse naître des espérances déraisonnables et n’adopte une mauvaise stratégie.

Depuis le début de la crise, les grandes banques centrales se coordonnent étroitement. On les a vues récemment baisser ensemble leurs taux d'intérêt. La Réserve Fédérale américaine prête des dollars à la Banque centrale européenne et à d’autres banques centrales pour aider les banques qui ne trouvent plus de dollars sur les marchés. La coordination entre agences gouvernementales n’est pas nouvelle non plus, notamment pour ce qui concerne les activités de supervision bancaire. Les accords de Bâle 2, la nouvelle norme internationale pour la supervision des banques, ont ainsi été développés par le Forum de la stabilité financière, qui réunit des banques centrales et d’autres institutions de régulation, ainsi que la Banque des règlements internationaux.

Les institutions financières opèrent à l’échelle internationale et les acteurs des marchés financiers répondent collectivement à la transmission instantanée des informations sur les développements financiers dans les autres pays. Il est donc nécessaire pour les régulateurs financiers d'adopter des normes communes, comme Bâle 2, et de les mettre en œuvre au niveau national, non seulement pour protéger l'intégrité du système financier international mais aussi empêcher les gouvernements nationaux de donner à leurs propres institutions financières un avantage compétitif en adoptant des normes moins rigoureuses.

Mais l'organisation de la supervision financière varie beaucoup d’un pays à l’autre, et elle implique souvent dans chaque pays de nombreuses agences. C’est tout spécialement vrai aux Etats-Unis, où trois institutions sont directement impliquées dans la supervision bancaire. Le système de la Réserve fédérale intervient à travers ses 12 banques, le bureau de contrôle de la monnaie (Office of the Controller of the Currency) et la Federal Deposit Insurance Corporation. La régulation du secteur financier est partagée entre la SEC (Securities and Exchange Commission) et la Commodity Futures Trading Commission. Enfin le secteur des assurances est contrôlé par chacun des 50 états. Et on pourrait continuer la liste... En Grande-Bretagne, la responsabilité est partagée entre la Banque d'Angleterre et l'Autorité des Services financiers (Financial Services Authority) ; les failles de cette formule sont d’ailleurs apparues de façon spectaculaire lors de l’effondrement de la banque Northern Rock l’an dernier.

Je m’inquiète de l’idée, lancée je crois par Gordon Brown, de convoquer une nouvelle conférence de Bretton Woods pour réviser la supervision prudentielle du système financier international. L'analogie est loin d'être pertinente. La conférence de Bretton Woods, qui a créé en 1944 le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, n’impliquait qu’une poignée de pays. Deux des grandes puissances économiques d’aujourd'hui, l’Allemagne et le Japon, n'y participaient pas puisque nous étions toujours à la guerre avec eux. Aujourd'hui, le FMI compte 185 États-membres.

L'analogie est inquiétante pour une autre raison. Elle semble impliquer que le Fonds monétaire international devrait jouer à l’avenir un rôle majeur dans la conception et la conduite de la supervision financière internationale. Certes, le FMI a un département consacré aux marchés monétaires et financiers. Dirigé par Jaime Caruana, ancien gouverneur de la Banque d'Espagne et président du Comité de Bâle sur la supervision bancaire, ce département publie deux fois par an un rapport sur la stabilité financière mondiale qui fait autorité. Mais il ne serait pas très raisonnable de confier au FMI la responsabilité de surveiller le système financier international et la mise en œuvre des nouvelles règles internationales qui pourraient être décidées pour réglementer ce système. Il suffit pour s’en convaincre de regarder la façon dont le fonds est dirigé.

Le principal organe de prise de décision du Fonds, le Conseil exécutif, ne compte que 24 membres, dont huit représentent des pays individuels (comme les Etats-Unis ou la France) alors que les autres représentent des groupes de pays. Bien que quelques-uns des administrateurs soient issus des banques centrales nationales, ils sont en général placés sous l’autorité du ministre des Finance de leur pays. C’est le cas par exemple de l'Administrateur des Etats-Unis, qui rencontre fréquemment des responsables du ministère des finances américain pour décider de la politique à suivre sur les questions en attente au FMI. Le Fonds s’est montré capable de fournir une assistance financière à des pays durement frappé par la crise financière mondiale, après plusieurs années où ses clients se faisaient rares. Mais il n'est ni correctement structuré, ni bien équipé pour surveiller la mise en œuvre des réformes de supervision prudentielle qui pourraient émerger du processus qui sera vraisemblablement lancé par le sommet de Washington.

Il est possible qu’on ait besoin d’une nouvelle institution, avec davantage de membres et un mandat plus formel que la Banque des règlements internationaux ou le Forum de stabilité financière, mais moins large que le FMI, et un personnel plus expérimenté dans le domaine de la supervision bancaire.