L'OMC au défi de la transparence edit

18 mars 2009

La libéralisation multilatérale est parfois décrite comme un cycliste qui doit continuer à rouler s’il ne veut pas chuter. Indéniablement, le vélo s'est arrêté : le Cycle de Doha traîne depuis 2001 sans grands résultats et dans le contexte de la crise actuelle les gouvernements sont tentés de revenir sur les politiques de libéralisation. Que faire ? Du côté de l’OMC, un effort de transparence et d’information serait aujourd’hui le bienvenu, qui ne permettra pas forcément de relancer la machine mais peut aider à éviter des accidents futurs.

Malgré les engagements grandiloquents des dirigeants mondiaux pour soutenir les politiques d’ouverture commerciale, les signes d’une montée du protectionnisme se multiplient : augmentations des droits de douane, enquêtes antidumping plus nombreuses, programmes de subvention d'urgence faisant fi des règles de l'OMC et de celles qui régissent les investissements publics, restrictions aux investissements directs étrangers… La pression politique en faveur de ces mesures protectionnistes s’intensifie avec la crise économique et les pertes d’emplois, et cela s’empirera avec la dynamique internationale de défiance et d’égoïsme qui sévit actuellement.

Dans cette situation, le dispositif d’évaluation communément appelé « Trade Policy Review Mechanism » (TPRM) prend une importance particulière. Il a pour but la reconnaissance et l'évaluation collective régulière, pour l’ensemble des État-membres, des politiques et pratiques commerciales et de leur impact sur le fonctionnement du système de commerce multilatéral. Ce mandat semble prometteur. Mais le TPRM, qui a émergé du compromis politique de la fin des années 80 et a été incorporé dans l'accord de l’Uruguay Round, n'a jamais répondu aux espérances créées par ce mandat. Entretemps, plusieurs développements importants sont intervenus pour rendre sa refonte encore plus cruciale.

En premier lieu, les revues de politique commerciale (Trade Policy Reviews, TPRs) ont progressivement perdu de leur valeur alors que d’autres sources d'information, plus accessibles, gagnent en qualité. Il s’agit notamment des informations fournies par l'OMC elle-même (par les notifications, les comités de fonctionnement, le Secrétariat), par les autres organisations internationales (FMI, Banque mondiale, OCDE, APEC), et par les acteurs non gouvernementaux (NGOs comme le Forum économique mondial, universités, agences privées d'intelligence économique). Ces nouvelles sources d’information sont souvent plus standardisées et donc plus faciles à lire et à comparer. Elles sont aussi plus analytiques et explicites. Au final, on les consulte davantage que les TPRs.

En second lieu, l’approche d’une libéralisation unilatérale est devenue populaire. Des pays aussi divers que les géants asiatiques, Chine et Inde, les pays latino-américians à moyens revenus comme le Mexique et le Chili, ou encore des pays développés comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande se sont ouverts de leur propre initiative. Les convictions libre-échangistes trouvent désormais un double débouché, unilatéral et multilatéral.

Troisièmement, le futur agenda du commerce mondial va bien au-delà des simples frontières nationales. La promotion du commerce dans les services, l’élimination des barrières techniques aux échanges, la facilitation des investissements directs étrangers et l’introduction à l’OMC d’une politique de concurrence – tous ces domaines sont moins appropriés au marchandage mercantiliste que les traditionnelles baisses de tarifs douaniers et tous relèvent plus fortement d’un sincère soutien domestique à l’ouverture des marchés.

Quatrièmement, la prise de décision politique est devenue plus participative. Ce domaine a longtemps été le pré carré de petits cercles d'experts. Mais les fédérations sectorielles, les syndicats et d'autres acteurs non gouvernementaux s’y intéressent désormais et exercent une influence sur les politiques commerciales. Ces nouveaux acteurs ne se réfèrent que rarement aux TPRs qui sont peu aisées à lire et surtout résolument non critiques.

Le TPRM devrait donc être réaménagé et viser clairement la prise de décisions politiques. Les TPRs devraient attirer l'attention des parties prenantes au niveau national ainsi que celle des médias. Elles devraient rendre les politiques commerciales comparables d’un pays à l’autre et mieux souligner leurs effets bénéfiques. De cette façon, elles pourraient traiter de l’ouverture commerciale de maniére plus pédagogique et servir de référence dans des débats nationaux souvent mal informés.

Une réforme devrait être de rendre public le processus d'écriture des TPRs et de mieux y intégrer les parties prenantes. Une autre étape serait la transformation des TPRs, qui sont aujourd’hui un exercice diplomatique à Genève, en un événement politique au sein des pays membres ; cela pourrait se faire en présentant et en discutant la TPR dans le pays concerné. Pour mettre en œuvre ces objectifs ambitieux, le budget de la Division des TPR au sein de l’OMC devrait être augmenté substantiellement. Ces réformes pourraient être mises en œuvre dans le cadre du mandat actuel de l'accord OMC – et en réalité elles permettraient à l’organisation d’être bien plus fidèle à son mandat que ne le lui permettent les pratiques actuelles.

La réforme du TPRM n’arrêtera pas le retour du protectionnisme et ne fera pas non plus avancer les négociations du Cycle de Doha dans l’immédiat. Elle pourrait cependant préparer le terrain à plus long terme, et ainsi permettre à l’OMC de garder son élan sur une pente qu’on peut espérer moins raide à l’avenir.