Envoyons vite un chèque à tous les ménages ! edit

19 octobre 2008

Il est encore trop tôt pour pousser un ouf de soulagement, mais il se pourrait bien que la crise financière tire à sa fin. Il faut à présent penser à ses effets sur l’économie réelle – croissance, emploi – qui va devenir notre première préoccupation. Une relance budgétaire s’impose, et vite. La solution ? Envoyer vite un chèque à tous les ménages.-->

Depuis quinze mois qu’elle dure, la crise financière nous a apporté bien des surprises et une seule chose est sûre : elle nous en apportera d’autres. Mais les mesures coordonnées prises un peu partout dans le monde, toutes inspirées du plan britannique, sont enfin à la hauteur des dislocations qui se sont développées. Elles devront sans doute être développées et affinées en fonction des premiers résultats, mais nous sommes peut-être sur la bonne voie.

La situation des banques ne va pas s’améliorer du jour au lendemain. Si tout va bien, elles ne seront plus constamment au bord du précipice, mais il va leur falloir du temps, beaucoup de temps, pour se remettre des chocs subis et retrouver leur cœur de métier, les prêts aux ménages et aux entreprises. Le crédit sera plus rare et plus cher que normalement, et ceci va peser sur la conjoncture. Le ralentissement en cours depuis deux trimestres n’est que très peu la conséquence de la crise financière. Pour l’instant, nous absorbons principalement l’impact de la hausse des prix du pétrole et des matières premières de 2007. Autrement dit, l’impact de la crise financière est devant nous. Le reflux des prix du pétrole et des matières premières en cours va aider, mais ne suffira pas à contrebalancer les effets de la crise.

La crise financière a été classique mais sa virulence et son caractère mondialisé ont nécessité des innovations en matière de traitement. La baisse d’activité qui s’annonce est, elle, très classique et les remèdes sont bien connus. Avec un bémol, cependant. Nous disposons de deux instruments, la politique monétaire et la politique budgétaire. La BCE a commencé à baisser ses taux d’intérêt, et elle va continuer car l’inflation va reculer rapidement (baisse des prix du pétrole et des matières premières, basse conjoncture) et l’on va bientôt s’inquiéter du risque de déflation (une inflation négative). Mais la politique monétaire sera peu efficace, car elle passe par la distribution du crédit, qui est, et restera en panne. Cela signifie que, cette fois, c’est à la politique budgétaire que revient la responsabilité d’atténuer le choc.

C’est une configuration nouvelle en Europe, en tout cas depuis que le pacte de stabilité a réduit les marges de manœuvre de la politique budgétaire. Le principal résultat du sommet des quatre à Paris a été un peu négligé par la presse, mais il est crucial. En annonçant que la situation est exceptionnelle – une évidence pour le commun des mortels – le sommet a ouvert la possibilité juridique de suspendre le pacte. Il faut espérer que le gardien du temple, la Commission, acceptera de jouer le jeu et que les ayatollahs du pacte – les Hollandais et les Allemands – ne chercheront pas à refermer cette porte.

Les citoyens ont vu défiler les centaines de milliards consacrées au sauvetage des banques. Ces sommes ne sont pas des dépenses, ce sont des garanties qui pourraient bien ne jamais être utilisées et même être profitables pour les contribuables. Mais l’impression que l’Etat a de l’argent pour les banques est solidement ancrée et il va falloir montrer à présent que l’Etat se soucie aussi de ses citoyens. Non, le gouvernement n’est pas en faillite, il ne l’a jamais été. Il a une lourde dette, mais ce ne peut pas être la priorité face à la montée annoncée du chômage. Dénoncer la « gabegie » du gouvernement peut fournir l’occasion d’un bel effet de manche, mais c’est un non-sens économique et du mépris pour tous ceux qui vont souffrir de l’impact de la crise financière.

Il reste à envisager les mesures de relance. Elles doivent être rapides et très explicitement temporaires. Elles doivent aussi être perçues comme équitables. Le risque est grand de voir fleurir des dépenses qui flattent les groupes de pression qui rodent déjà dans les allées du pouvoir. L’industrie du bâtiment et des travaux publics a une longueur d’avance. Les PME ne sont pas loin. Il y aura aussi les hôpitaux et la recherche, des causes nobles, bien sûr, mais qui nécessitent un financement stable et non des coups d’accélérateur aussitôt suivis de coups de frein. En fait, dans un pays où la moitié du PIB est absorbé par les dépenses publiques, l’urgence est de dépenser moins, certainement pas plus, fût-ce de manière temporaire. D’autant que les habitudes sont vite prises.

La relance doit donc opérer du côté de la pression fiscale. Comme toute baisse d’impôt temporaire tend à se pérenniser, il faut procéder autrement que par une réduction de tel ou tel taux d’imposition. La solution nous vient tout droit des Etats-Unis. Oui, c’est difficile de citer Georges Bush en exemple, mais il ne sert à rien de le diaboliser. L’an dernier, pour amortir le choc pétrolier, il a envoyé des chèques de 600 dollars à tous les ménages. C’est une mesure habile. Elle est manifestement temporaire, personne ne s’attend à recevoir un chèque de l’Etat tous les ans. Elle est spectaculaire, ce qui garantit que cet argent sera effectivement dépensé. Elle est juste : donner le même montant indépendamment du revenu produit une aide proportionnellement plus sensible au bas de l’échelle. On pourrait même ne pas envoyer de chèque du tout au-delà d’un certain niveau de revenu, mais ça compliquerait un peu la procédure. Car il faut agir vite pour enrayer le mouvement à la baisse du niveau d’activité. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?