Biodiversité : ce que peut faire l’Europe edit

2 juillet 2009

Les indicateurs publiés récemment par l'Union internationale pour la conservation de la nature et la Commission européenne montrent qu’un cinquième des espèces de reptiles sont menacées. C’est la triste confirmation d’une réalité maintenant bien connue : la perte de biodiversité en Europe ne fait que s’accélérer. Pourtant ce n’est pas faute de discours ambitieux ou d’engagements solennels ; ce n’est pas non plus que la tâche est humainement impossible puisqu’aucune mécanique fatale n’est à l’œuvre et que les décisions à prendre sont connues… Pourquoi ne progressons-nous pas ?

Rappelons d’abord que la préservation de la biodiversité est l’un des deux grands engagements européens – avec la lutte contre le changement climatique – en matière d’environnement. L’Europe s’est engagée à stopper la perte de biodiversité d’ici 2010.

Quelques chiffres permettent de comprendre qu’il ne s’agit pas d’une question secondaire et que les moyens à mettre en œuvre ne peuvent reposer sur des demi-mesures : 42% des mammifères européens sont menacés ; 43% de l’avifaune est dans un mauvais état de conservation en Europe ; la plupart des stocks de poissons ayant une valeur commerciale ne sont pas en situation de se reconstituer ; 12% des 576 espèces européennes de papillons sont en situation de déclin sérieux.

La biodiversité est gravement menacée en Europe et la disparition des espèces ne fait que s’accélérer car les pressions urbaines et agricoles, causes principales de la perte de biodiversité, ne font que croître : entre 1990 et 2000, plus de 800 000 hectares de la superficie européenne ont été urbanisés. L’objectif d’enrayer cette dégradation en 2010 – sans parler de restaurer la biodiversité – est par lui-même déjà ambitieux …

La Commission européenne a clairement indiqué dans son évaluation de 2008 qu’il était plus que probable que cet objectif ne soit pas atteint. Dans ce contexte, le Conseil des ministres de l’environnement de juin 2009 a manifesté son inquiétude et apporte un soutien politique à une action de l’Union Européenne plus vigoureuse en la matière.

Le problème est identifié, les causes sont connues, pourquoi ne progressons-nous pas ? Tout simplement parce que la question de la protection de la biodiversité repose sur la nécessité de faire des arbitrages entre l’intérêt socio-économique et l’intérêt écologique. Il peut sembler un peu ridicule de devoir empêcher la mise en place d’une zone industrielle créatrice d’emplois et de richesses économiques simplement parce que des chauves-souris protégées sont présentes ou parce qu’une orchidée rare s’épanouit sur le terrain visé. Alors que le monde se débat dans la crise financière, il peut apparaître inconséquent pour l’Europe de s’occuper d’espèces pas toujours très médiatiques en donnant l’impression de négliger les problèmes sociaux. Et pourtant la somme de toutes ces décisions, qui, individuellement ne contribuent que marginalement à la dégradation de la situation, conduit à une destruction implacable des écosystèmes et des espèces.

Si l’Europe se montre impuissante face à la destruction de la nature sur son territoire, comment alors prêcher aux autres pays la tempérance en matière de développement économique ? L’échec en la matière, en dehors du désastre écologique qu’il représenterait, nous enlèverait toute crédibilité internationale sur le sujet. Nous ne pouvons dénoncer les conditions d’exploitation de la forêt équatoriale que si nous sommes nous-mêmes capables de prendre des décisions parfois difficiles pour concilier développement économique et préservation de la nature.

Dans ces conditions, de quels outils disposons-nous ? Quand l’intérêt général commande de prendre des décisions que les acteurs individuels ne peuvent prendre facilement, le droit est le meilleur outil pour obtenir le résultat souhaité. C’est en effet la seule façon de s’assurer que tous devront faire un effort et éviter les comportements de passagers clandestins.

Or en l’espèce, si les textes de loi ne manquent pas, on peut s’interroger sur le fait qu’il s’agisse toujours de droit. Autrement dit la profusion de schémas de cohérence, de plans de sauvegarde, de zonages est proportionnelle au faible pouvoir coercitif de ces outils. Seules deux approches sont véritablement susceptibles de freiner la frénésie des promoteurs, d’une part l’approche « réserve naturelle » qui se trouve nécessairement limitée à quelques espaces sanctuarisés, et d’autre part l’approche de la directive Habitats qui met en œuvre véritablement la notion de développement durable, conciliant développement économique et protection de la nature. Par ailleurs, la directive Habitats impose la protection des espèces dites prioritaires, c'est-à-dire les plus menacées. Il est donc moins nécessaire d’ajouter une nouvelle strate à des textes nombreux que de faire plein usage du droit européen.

Aujourd’hui les zones terrestres protégées au titre du réseau Natura 2000 créé par la directive Habitats représentent près de 70 millions d’hectares en Europe. Certains pays ont choisi de protéger une part très importante de leur territoire comme la Slovénie (29%), la Bulgarie (29%) ou l’Espagne (27%). La France a aujourd’hui rattrapé son retard et a désigné 12% de son territoire, soit près de 7 millions d’hectares. Il est donc possible aujourd’hui d’utiliser l’outil Natura 2000 pour lutter efficacement contre la perte de biodiversité en incluant dans le réseau de nouvelles valeurs écologiques à protéger. Ces engagements auront un prix économique, à court terme au moins, dès lors qu’il s’agit de modérer notre emprise sur la nature. C’est le test ultime permettant de savoir si nous sommes capables de passer des paroles aux actes.