La France: 19% des retraites européennes, 6% des retraites mondiales edit
Le sujet français des retraites, avec ses spécificités, semble de mieux en mieux cerné. Les rapports s’accumulent et soulignent des singularités, dont les constats sont versés au débat public hexagonal, passablement chahuté ces temps-ci. Le dernier de ces documents de comparaison internationale est la livraison, fin novembre 2025, du panorama annuel de l’OCDE sur les pensions[1]. Il permet de situer le modèle français des retraites, de façon un rien originale, dans le contexte européen et dans le concert mondial.
Les retraites publiques, reposant sur des prélèvements obligatoires, représentent en France et, en moyenne dans les pays de l’Union européenne, la moitié des dépenses de protection sociale, le quart des dépenses publiques. D’où leur importance dans le débat public.
Mais que représente la France par rapport à l’Union européenne et par rapport au monde dans sa totalité ?
Certes la comparaison internationale est toujours délicate. Cependant des ordres de grandeur se dégagent aujourd’hui aisément, en consultant les bases de données constituées par Eurostat, pour l’Union européenne, et par l’Organisation internationale du travail, pour le monde entier.
La France en Europe et dans le monde
En matière de comparaisons internationales, la disponibilité facilitée des données autorise maintenant des exercices simples et des conclusions frappantes. La France c’est aujourd’hui (en 2025) environ 5% du total des dépenses sociales mondiales (contre environ 10% au début des années 2010)[2]. Les agences internationales (en plus de l’OIT et d’Eurostat, il faut ajouter la Banque mondiale et le FMI) compilent, agrègent, analysent, critiquent. Les appareils statistiques recueillent des informations toujours plus fournies. Situer la France ne nécessite ni agrégation de statistique, ni exercices de comptabilité publique sophistiqués.
Armé donc de fichiers très simples à utiliser et de la plus classique règle de trois, il apparaît que les dépenses de retraite atteignent environ 400 milliards d’euros en France, 2000 milliards dans l’Union européenne, 8000 milliards à l’échelle mondiale. Cocktails de polémiques sur la soutenabilité des régimes, la capitalisation et la répartition, l’équité entre les générations, les inégalités entre continents, ces systèmes s’élèvent à environ 14% du PIB en France, 12,5% du PIB, en moyenne, pour les États-membres de l’Union européenne et, au niveau mondial, 7,5% du PIB planétaire.
Aujourd’hui la France rassemble 15% de la population européenne. Elle accueille 17,5% des retraités européens et s’acquitte de 19% des dépenses européennes de retraite.
Ces données Eurostat portent sur les pensions de droit direct et les pensions de réversion. La France abrite davantage de retraités, par rapport à sa population totale, et débourse plus généreusement en retraites, par rapport à sa population de pensionnés et d’habitants. Ceci ne saurait surprendre puisque l’on rappelle souvent la densité du système français. On peut toutefois minorer cet effet comparatif, qui singulariserait une France décriable comme dispendieuse, en indiquant qu’il y a une dizaine d’années, en 2013, la France consentait 21% du total européen des dépenses de retraite. Ce recul, de 21% à 19%, procède des aménagements apportés, un peu partout, aux droits à la retraite mais aussi du vieillissement plus puissant qui affecte les autres pays. Tous ces chiffrages européens n’appellent ni condamnation ni célébration. Ils mettent simplement utilement en perspective.
Passons à l’échelle planétaire. Les Français comptent pour moins de 1% de la population mondiale. En prenant les chiffres exprimés en parts de PIB, avec une décimale, dans les bases de l’OIT on aboutit à des dépenses françaises de retraite correspondant à près de 6% des dépenses mondiales de retraite. Si l’on raisonnait en parité de pouvoir d’achat, comme aiment le faire nombre d’experts, les résultats seraient un tout petit peu différent, sans changer le portrait d’ensemble. Mais, comme le rétorquent d’autres experts, on ne fait pas ses courses en standards de pouvoir d’achat. Au-delà des disputes méthodologiques de détail, les ordres de grandeur valent.
Il ne faut surtout pas en conclure trop abruptement que les retraités français sont des nantis. Ils ont simplement la chance historique de vivre dans une nation où les régimes de retraite couvrent toute la population et sont arrivés à maturité après plusieurs décennies d’extension. Signalons à ce titre que, selon l’OIT, à l’échelle globale, 80% des individus ayant atteint l’âge national du départ à la retraite touchent une forme de pension. Ceci veut dire – soustraction basique - que 20% d’entre eux ne reçoivent strictement rien. Mais le monde progresse toujours, ce qui impose que la France recule. Proportionnellement s’entend.
Comparer la réformabilité
Invention historique européenne, la retraite, en tant qu’âge de la vie et en tant qu’institution, date de moins d’un siècle et demi. Sur cette période se sont partout déployées des politiques de plus en plus consistantes, mobilisant des moyens toujours plus importants, enclenchant des débats nourris. Pour autant la diversité prévaut en Europe, les dépenses de retraite dépendant à la fois de la part de la population en âge d'être retraitée et du niveau de richesse du pays. Par ailleurs, les dispositifs peuvent être publics ou privés, sachant que la plupart des pays combinent les deux options.
Les efforts relatifs, si l’on prend en considération ce que représentent les dépenses de pensions de retraite par rapport au PIB, vont du simple (en Irlande) au quintuple (en Italie).
L’Italie affiche le niveau de prestations en parts du PIB le plus élevé (16,3% en 2022). Suivent la Grèce et l’Autriche (à égalité à 14,7%) puis la France (14,2%) qui présentent une dépense sensiblement supérieure à la moyenne. Parmi les pays qui dépensent moins de 10% de leur PIB pour ces prestations figurent l'Irlande (3,3%), la plupart des « nouveaux États membres » (entrés après le 1er mai 2004) mais aussi le Luxembourg (8,7%).
Relevons que pour notre exercice de mise en perspective européenne, l'Italie représente 13% de la population européenne, 12,5% des retraités, 16% des pensions de retraite. En comparaison, avec cette métrique, la France a, proportionnellement, plus de retraités, et un peu moins de dépenses de retraite.
Décortiqués sous tous les angles, selon tous leurs critères et paramètres, les systèmes varient selon les âges de départ à la retraite, la générosité des taux de remplacement, l’ampleur de la solidarité entre les catégories sociales, les niveaux de vie des pensionnés par rapport aux actifs.
Les choses sont devenues passablement compliquées à mesure de la sophistication des programmes. Ainsi, si une grande partie de l’attention se focalise sur l’âge de départ, il s’avère plutôt difficile, même avec un critère qui peut paraître aussi évident, de comparer les pays. Dans la plupart d’entre eux, il existe ainsi plusieurs âges légaux de départ en retraite : le plus souvent un âge minimal, dépendant habituellement du statut professionnel ; un âge de versement de la première pension ; un âge de départ anticipé sur la base de la pénibilité des métiers ou de la longueur des carrières.
D’autres variables, intéressantes pour se comparer, alimentent les bases de données Eurostat et celles de l’OCDE. L’une d’entre elles, qui entretient naturellement des liens avec l’âge de départ, est l’espérance de vie à la retraite. Cette espérance de durée de la retraite est, en 2022, d’environ 25 ans en France, quand elle est de 21 ans en Suède, de 22 en Allemagne et au Pays-Bas, de 24 en Italie et en Belgique.
Parmi les indicateurs très commentés, le niveau de vie relatif des retraités, en comparaison de celui de la population totale permet lui aussi d’apprécier les systèmes les uns par rapport aux autres. Grâce à leurs pensions mais aussi à leurs autres ressources, tirées du capital immobilier notamment, le niveau de vie des retraités italiens et français correspond à 100% du niveau de vie moyen de la population. En Espagne, ce rapport est de 95%, de 90% en Allemagne, de 85% en Suède, de 80% en Belgique, de 70% en Lituanie et en Lettonie.
Avec le vieillissement démographique, qui affecte tous les pays européens, selon des rythmes et des intensités divers, les questions de retraite et d’équité intergénérationnelle vont prendre à l’avenir toujours davantage d’importance. Même s’ils se tassent, les gains d’espérance de vie, associés à une faible fécondité, conduisent à des révisions des retraites poussant à augmenter encore les âges de départ et à revoir les paramètres de systèmes.
Les systèmes de retraite européens doivent certes encore évoluer s’ils veulent assurer à leurs seniors de demain des conditions de vie aussi favorables qu’à ceux d’aujourd’hui. Les évolutions étant lentes, les réformes progressives, et les changements anticipables, ils devraient être relativement bien supportés.
Peut-être d’ailleurs le grand sujet des différences au sein de l’Union européenne procède-t-il du niveau d’acceptation de ces évolutions. Afin de comparer valablement les systèmes, des données originales pourraient être mobilisées, comme le nombre de jours de grève, avec leurs conséquences économiques, déclenchées par les oppositions aux réformes. Un des sujets difficiles à mettre en équation, pour bien apprécier les systèmes de retraites, ne relève pas de la démographie et des finances publiques, mais de leur réformabilité. Dans certains pays ce sont des débats éruptifs, des défilés dans les rues, des conclaves de discussions infinies, des révisions douloureuses. Dans d’autres, le sujet est moins épidermique, plus posé. Pourtant partout les déterminants sont les mêmes…
Dépenses de retraites rapportées au PIB dans l’Union européenne (en 2022)

Source : Eurostat
Vous avez apprécié cet article ?
Soutenez Telos en faisant un don
(et bénéficiez d'une réduction d'impôts de 66%)
[1]. OCDE, Panorama des pensions, 2025.
[2]. Sur ces données, ces calculs et les débats suscités, voir Julien Damon, « France : 5% des dépenses sociales mondiales », Telos, 26 octobre 2021.
