Relance: quid des mesures allemandes? edit

10 juin 2020

Le confinement a provoqué un effondrement économique, on attend du déconfinement une reprise. Mais le rythme et la vigueur de la reprise va dépendre crucialement du soutien qu’apporteront les gouvernements et les banques centrales. Ce constat fait l’unanimité mais, entre les mots et les actes, le chemin peut être long. L’Allemagne vient de bouger, et fort. En France, rien pour l’instant.

Le gouvernement allemand vient d’annoncer une batterie de mesures pour aider l’économie à repartir, pour un montant qui atteint environ 4% du PIB. Dans un long catalogue de mesures, le fruit de négociations au sein de la majorité, il y a l’utile et le folklorique, c’est bien normal. La mesure phare est une baisse temporaire de 3 points de TVA – 2 points sur la TVA réduite.

Quel est le problème?

Durant le confinement, des pans entiers de l’économie ont été, en quelque sorte, mis au congélateur. Les employés et les entreprises se sont brutalement retrouvés privés de leurs revenus. Ils ont été, largement ou en partie, compensés par des aides publiques qui, suivant les pays, représentent entre 5% et 10% du PIB. De fait, ce sont les gouvernements qui ont emprunté en lieu et place des ménages et des entreprises qui auraient eu du mal à le faire. (Les banques centrales et les gouvernements ont aussi très fortement encouragé les banques à accorder des prêts). Une fois le confinement terminé, l’économie sortira-t-elle spontanément du congélateur ?

On ne connaît pas la réponse. Les expériences passées des grandes catastrophes naturelles, autres que les épidémies, indiquent que la reprise est rapide et vigoureuse. Un an plus tard, l’économie a retrouvé la forme. Les épidémies passées pour lesquelles on n’a pas trouvé de vaccin ont conduit à des reprises plus lentes qui peuvent s’étaler sur deux, trois ou quatre années, voire plus dans certains cas particulièrement violents. Cette fois-ci, les interventions puissantes durant le confinement devraient aider, mais on ne peut rien dire de plus précis.

Ce que l’on sait c’est que les ménages, qui ont largement vu leurs revenus maintenus, ont beaucoup épargné. En partie, ils y ont été contraints (magasins fermés, voyages impossibles). Mais en partie, ils ont épargné volontairement par peur : peur pour leur emploi et leurs retraites futures, peur pour l’emploi de leurs proches et, surtout, peur pour leur peau. On se retrouve face au risque d’un cercle vicieux. La peur d’une reprise faible, et donc une montée durable du chômage, encourage à épargner plus ce qui réduit la consommation et bloque la reprise. C’est ce risque vicieux qu’il faut briser, d’autant que l’absence de vaccin fait que la peur du virus perdure.

Que faire?

La réponse est simple : relancer la demande, et vite, dès la fin du confinement. Celle des ménages, celle des entreprises et les dépenses publiques. Les entreprises dépensent lorsqu’elles acquièrent des moyens de production. Au sortir du confinement leurs équipements sont intacts et plus que suffisants pour répondre à une demande moribonde. Si la reprise est vigoureuse, elles devront reprendre leurs dépenses d’équipement, mais c’est un problème pour plus tard, disons courant 2021 dans le cas le plus optimiste, à supposer qu’elles aient alors besoin d’aides. Quant aux dépenses publiques, elles sont notoirement lentes à décider puis à mettre en place alors que c’est maintenant qu’il faut aider la reprise. Dans l’immédiat, la cible principale ne peut être que le consommateur. C’est sur lui qu’il faut concentrer toute la puissance de feu.

Que peut faire un gouvernement pour encourager la consommation ou, ce qui revient presqu’au même, à décourager l’épargne ? L’instrument classique est la fiscalité. On peut taxer l’épargne, mais c’est une bien mauvaise manière à faire aux ménages apeurés. La solution naturelle est de réduire les taxes sur la consommation, autrement dit la TVA. La baisse doit être limitée dans le temps, pour ne pas créer un trou durable dans le budget, mais surtout pour encourager le consommateur à faire aujourd’hui ce qu’il pense faire demain. Une baisse temporaire de la TVA devient une aubaine dont il faut vite profiter. C’est ce que vient de décider le gouvernement allemand. La baisse durera de juillet à décembre 2020. À elle seule, cette mesure peut être insuffisante pour faire repartir l’économie allemande, mais elle y aidera.

Des bidouillages? Oui, et alors?

Le programme allemand contient bien d’autres mesures, dont la plupart sont inefficaces mais servent des intérêts politiques, comme partout.

Dès qu’un gouvernement parle de programme de relance, et que des dizaines de milliards d’euros sont en jeu, les appétits s’aiguisent. Chaque groupe de pression se met en branle et explique pourquoi ses préoccupations sont essentielles. Évidemment, en Allemagne le lobby automobile est incontournable. Le gouvernement a eu le courage de rejeter un vaste programme de primes à la casse. Mais il offre des subventions pour les voitures électriques et va financer les stations de recharge. Par ailleurs, chaque famille recevra 300 € par enfant, y compris les familles aisées qui n’en ont aucun besoin. Il y aura aussi beaucoup d’argent pour les bonnes causes, allant de la lutte contre le changement climatique à l’inévitable soutien au numérique, aux PME ou les artistes. Une bonne partie de ces mesures-bidouillages demanderont du temps à être déboursées et passeront à côté de l’urgence du moment.

Et la France ? C’est dur à admettre. L’Allemagne a balayé la France en termes de lutte contre le Covid avec moins de 9000 morts contre près de 30000 chez nous. Depuis 2010, elle a abaissé sa dette publique de 82 à 60% du PIB pendant que celle de la France passait de 85 à près de 100%, pendant que le taux de chômage diminuait de 7% à 3%. Maintenant, il est hautement probable qu’elle remontera la pente bien avant la France : le ministre des Finances annonce un programme pour juillet, pour le lancer en septembre. Projet optimiste. Déjà, les lobbies avancent leurs pions, il y a fort à parier que le bidouillage sera au cœur de ce programme.  

Nous aimons bien décrire les Allemands comme des psycho-rigides accrochés à des vieilles lunes. Vous pouvez imaginer ce qu’ils pensent des Français.