Les Français veulent une démocratie apaisée edit

12 octobre 2022

L’édition 2022 de l’enquête Ipsos/Sopra Steria, Fractures françaises, pour Le Monde, la Fondation Jean Jaurès et le Cevipof contient des données du plus grand intérêt sur les attitudes des Français à l’égard de la démocratie et de son fonctionnement, ainsi que sur leurs attitudes à l’égard de l’Union européenne et de la guerre en Ukraine.

Le visage de la démocratie

Les Français estiment très majoritairement que le régime démocratique est irremplaçable. Cette opinion s’est accrue entre 2018 (64%) et 2022 (70%). Elle est majoritaire chez les sympathisants de toutes les formations politiques, étant la plus nombreuse chez les proches de La République en marche (89%) et la moins nombreuse chez ceux du Rassemblement national (50%).

Invités à choisir entre le régime représentatif et le régime de démocratie directe/démocratie participative (référendums, conventions citoyennes, assemblées tirées au sort…) les Français sont partagés. 44% choisissent la première option, 37% la seconde tandis que 19% préfèrent d’autres systèmes. Ces choix sont fortement liés à la proximité partisane (Tableau 1).

Tableau 1 - Régime politique préféré selon la proximité partisane

Tandis que les proches de LREM, de LR, du PS et dans une moindre mesure d’EELV préfèrent le régime représentatif, ceux de LFI, du PCF et du RN préfèrent la démocratie directe/participative.

Si de nombreux observateurs politiques ont regretté que les élections législatives de 2022 ne donnent au président réélu qu’une majorité relative, les Français ne réagissent pas de la même manière. 70% d’entre eux préfèrent que le gouvernement ne dispose que d’une majorité relative contre 30% qui préfèrent une majorité absolue. Cette réponse est majoritaire dans tous les groupes de sympathisants, étant la plus faible (52%) chez les proches de LREM.

Les personnes interrogées sont très largement favorables à la recherche de compromis entre majorité et oppositions à l’Assemblée. 71% d’entre eux estiment « qu’une bonne opposition doit savoir voter avec le gouvernement si les lois qu’il propose se rapprochent au moins en partie de ce qu’elle veut ». Cette préférence est majoritaire dans tous les groupes de sympathisants, étant la moins nombreuse chez ceux de LFI (52%) et du RN (64%).

Le rejet de la violence

D’une manière générale, les Français estiment qu’il n’est pas normal d’utiliser la violence pour défendre ses intérêts (74%). Cette réponse est très majoritaire dans tous les groupes de proximité partisane même si elle est en peu moins élevée chez les proches du RN (63%) et de Reconquête (56%).

Ils jugent cependant très différemment les violences de certains manifestants lors de grèves ou de manifestations et celles de certains policiers lors de manifestations ou d’interpellations. (Tableau 2)

Tableau 2 - Violences justifiées et non justifiées

Les opinions sur ces deux types de violences diffèrent nettement selon la proximité partisane. (Tableau 3).

Tableau 3 - Violences inacceptables (%)

C’est sans doute la raison pour laquelle ils sont une majorité à trouver trop radical le comportement de LFI (53%), proportion qui ne dépasse pas un tiers s’agissant des autres partis d’opposition. Plus généralement, LFI et le RN sont majoritairement considérés comme des partis qui attisent la violence, respectivement 59% et 57% tandis que cette proportion ne dépasse pas le tiers pour les autres partis.

Crédibilité gouvernementale

Seuls LR et LREM jouissent majoritairement d’une crédibilité gouvernementale. Entre 2020 et 2022 on constate que la crédibilité d’EELV a fortement diminué tandis que celle de LREM a nettement augmenté ainsi que, dans une moindre mesure, celle du RN (Tableau 4). Par ailleurs, la bonne opinion de la présidence de la République a progressé, passant de 30% en 2019 à 37% en 2021 et 41% en 2022.

Tableau 4 - Évolution du jugement sur la capacité des différents partis à gouverner

Souverainisme, Union européenne et guerre en Ukraine

La guerre en Ukraine a contribué à accroître les opinions favorables à l’Union européenne. En une année, la réponse « l’appartenance à l’UE est une bonne chose pour la France » est passée de 50% à 57%, 28 % estimant que c’est « une mauvaise chose » (-6 points) et 15% que ce n’est ni une bonne ni une mauvaise chose (-1) (Tableau 5).

Tableau 5 - Réponses : l’appartenance à l’UE est une bonne chose selon la proximité partisane (2022)

Les réponses à cette question permettent d’observer le clivage très profond sur la perception de l’UE entre les sympathisants du RN et de Reconquête et les autres, les sympathisants de LFI et du PCF se situant dans une position intermédiaire.

De même, la confiance dans l’UE a progressé nettement depuis 2014 : 50% contre 43% en 2021 et 31% en 2014. En 2022, 8% ont très confiance, 42% plutôt confiance, 29% plutôt pas confiance et 21% pas confiance du tout.

Les progrès des attitudes favorables à l’UE ne doivent pas faire oublier cependant que pour la majorité des Français le souverainisme national doit l’emporter sur le souverainisme européen, même s’il s’est affaibli : 58% contre 74% en 2016. Le tableau 6 montre que l’option du souverainisme national est nettement majoritaire non seulement chez les proches du RN et ceux de Reconquête mais aussi chez ceux de LR, de LFI et du PCF ainsi que chez les sans proximité partisane. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour qu’une majorité de Français tranche en faveur du souverainisme européen.

Tableau 6 - Souverainisme national selon la proximité partisane

La guerre en Ukraine

Une majorité de Français sont favorables à soutenir fermement l’Ukraine. 61% (contre 24% et 15% qui ne savent pas) sont favorables à un soutien économique et diplomatique jusqu’à ce que les forces russes se retirent des frontières du pays ; 59% sont favorables à la mise en place de sanctions supplémentaires contre la Russie (contre 26% et 15% de « ne sait pas ») ; et 52% sont favorables à la fourniture de nouvelles armes à l’armée ukrainienne (contre 32% et 16% de « ne sait pas »). Ces attitudes varient fortement selon la proximité partisane (Tableau 7).

Tableau 7 - Soutien à l’Ukraine selon la proximité partisane

La NUPES n’a aucune consistance électorale

Sur tous les sujets examinés ici, qui constituent des enjeux de première importance pour aujourd’hui et demain, la conception et le fonctionnement de la Démocratie, l’Union européenne et le souverainisme, le soutien à l’Ukraine enfin, la NUPES ne présente aucune homogénéité ni spécificité au niveau de l’électorat. Sur tous ces sujets, il existe un clivage profond entre les électeurs proches d’EELV et du PS d’un côté et ceux de LFI et du PCF de l’autre. En revanche, les proches d’EELV et du PS y sont proches de ceux de LREM.

La NUPES a permis aux leaders des quatre formations politiques de gagner  des sièges mais pas de rassembler des électeurs partageant les mêmes opinions et les mêmes valeurs. Il n’existe tout simplement pas d’électorat de la gauche, entendu comme celui de l’ensemble de ces formations.