Marine Le Pen ou le mythe de l’État fort edit

27 avril 2017

Marine Le Pen cherche depuis des années à se présenter aux électeurs comme une femme d’autorité, plus virile que ses mâles adversaires dans sa farouche détermination à restaurer un État fort, apte à protéger les Français des maux de la mondialisation, comme la concurrence inique que les produits étrangers font à nos industries désarmées, la menace que l’immigration fait peser sur l’emploi ou sur notre identité nationale, sans oublier le danger que représente le terrorisme islamiste pour la sécurité de nos concitoyens.

Se parant des atours tricolores d’une moderne Marianne, dominatrice et protectrice, prête à rugir à la vue du moindre péril venu de l’extérieur, la présidente du FN dégaine mécaniquement l’arme simpliste et illusoire de nouvelles lignes Maginot, qui sont autant de barrières fantasmatiques, inéluctablement vouées à l’échec face aux flux croissants de marchandises, de capitaux, d’individus et d’informations qui constituent la réalité de la globalisation ; n’en déplaise aux démondialisateurs qui prospèrent aux deux extrémités de notre échiquier politique.

Car Mme Le Pen – comme du reste la gauche néo-communiste de Jean-Luc Mélenchon – prétend porter secours aux Français en multipliant à l’envi les interventions bienfaisantes de l’État, sans jamais expliquer comment elle finance l’envolée des dépenses qui en découle, préférant plutôt invoquer les chimériques vertus de l’abandon de l’euro, de l’Europe, et de leurs disciplines, ainsi qu’une renationalisation des politiques publiques, elle aussi totalement utopique.

Loin de déboucher sur un État fort, souverain, protecteur et généreux, ce grand bond en arrière ne peut qu’engendrer un État obèse, tentaculaire et impotent ; un État aux effectifs pléthoriques, qui intervient, légifère et réglemente à tout-va, administre à qui mieux-mieux, et prélève à n’en plus finir pour mieux redistribuer ensuite. Tout en s’avérant, dans le même temps, incapable de mener à bien ses missions les plus essentielles. Comme l’ont en effet montré en leur temps Benjamin Constant ou Laboulaye, le gouvernement est un bien dans sa sphère et un mal en dehors. En d’autres termes, il n’est jamais trop fort lorsqu’il agit à bon escient, mais s’avère envahissant et nuisible dès qu’il s’aventure en dehors de ses justes limites – qui tiennent à la garantie de l’indépendance et de la liberté de ses citoyens. Car, comme chacun sait, qui trop embrasse mal étreint.

À vouloir se mêler de tout, l’État ne fait rien convenablement, comme on peut le voir chez nous depuis des décennies, gaspillant chaque année des milliards d’euros dans des politiques publiques dont on serait bien en peine de mesurer les effets positifs, tandis que notre justice, notre police et notre armée, quoique vitales pour la vie de la nation, végètent dans une indigence parfaitement indigne d’un grand pays. En continuant – et même en aggravant – cette gabegie, Mme Le Pen, loin d’être la candidate de la rupture, n’est en réalité que la continuatrice d’une dérive mortifère qui remonte à plusieurs décennies, puisqu’il y a un demi-siècle Georges Pompidou implorait déjà qu’on « arrête d’emmerder les Français » en les accablant de lois et d’impôts.

En réalité, un État fort c’est d’abord une économie dynamique, où l’esprit d’entreprise et d’innovation n’est pas continuellement paralysé par une réglementation administrative frénétique, et asphyxié par une pression (et une instabilité) fiscale accablante. Un pays souverain, c’est un pays qui a su assainir ses finances publiques de manière à ne pas se retrouver à la merci des marchés internationaux, seuls à même d’assurer ses fins de mois (sauf à recourir à une planche à billets qui ferait du retour au franc un recours à une monnaie de singe). La puissance suppose donc un État bien géré et qui a pris soin de se recentrer sur ses missions premières afin de les mener à bien : garantir à ses concitoyens une sécurité complète, y compris juridique, fiscale et monétaire, afin qu’ils puissent réaliser en toute liberté les projets de vie qui sont les leurs, tout en redonnant ainsi à leur pays sa prospérité d’antan. Ce qui suppose, pour finir, que ce pays sache défendre ses intérêts sur le rude échiquier international, en ayant la capacité d’influer sur les affaires du monde. Or il ne faut pas confondre la rhétorique souverainiste de politiciens bombant le torse et la capacité d’influence réelle d’un État. Quand, comme la France, on représente moins de 1% de la population mondiale, la seule chance que l’on a d’espérer peser face aux géants que sont les États-Unis, la Chine, la Russie (demain l’Inde), c’est de pouvoir bénéficier d’un effet de levier. Jadis, c’était notre Empire qui pouvait nous le fournir (de Gaulle ne s’y est pas trompé en 1940). Aujourd’hui, c’est l’Union européenne. Et rien d’autre. Quant à Mme Le Pen, elle pourra bien sauter sur sa chaise comme un cabri en criant : « Souveraineté ! Souveraineté ! », cela n’y changera rien.