Refonder le PS sur la condamnation du «libéralisme» macronien: un projet raisonnable? edit

6 octobre 2017

Que le PS veuille sortir de la phase de l’introspection et des recherches en paternité de son désastre électoral, qu’il entende retrouver une voix dans le débat public et qu’il s’organise à cette fin est une bonne chose. Qu’il jette les bases du débat tel qu’il le fait dans la Résolution votée par son Conseil national le samedi 30 septembre 2017 l’est beaucoup moins.

On peut s’étonner d’abord qu’il entende asseoir sa « refondation » sur la seule critique de la politique du pouvoir actuel alors qu’il a gouverné pendant cinq ans. Il s’agit d’une « opposition sans concessions », frontale et totale, centrée sur l’accusation suivante : « Emmanuel Macron et le gouvernement d’Edouard Philippe ont décidé de passer en force en à peine un trimestre pour imposer le libéralisme en France ». Certes, le PS nous avait habitué à une critique de l’intégrisme de marché, de l’ultra-libéralisme, de la dérégulation… mais pas du libéralisme en général ! le PS n’est-il pas libéral politiquement et culturellement et ne défendait-il pas jusqu’ici une économie de marché ouverte, régulée et redistributrice, c’est à dire, en réalité, libérale ? S’agit-il donc d’opérer une rupture fondamentale avec une large part de son identité ?

Parmi les pièces apportées au procès général qui est fait au Gouvernement, au-delà des ordonnances Travail, combattues vaillamment par les députés PS, c’est la triple injustice sociale, fiscale et territoriale qui est dénoncée.

Trois actions sont particulièrement condamnées : la réduction du volume d’emplois aidés, la baisse de 5 € de l’APL et la baisse des crédits aux collectivités locales. Ces critiques ne relèvent-elles pas davantage de logiques catégorielles que de critiques de fond à l’égard du libéralisme ? Et sont-elles même justifiées ? Les emplois aidés ont une utilité, ils permettent de mettre le pied à l’étrier à des jeunes chômeurs. Mais ils servent aussi à réguler les statistiques du chômage, François Hollande en a usé et abusé. Leur débouché doit être l’emploi pérenne. Si tel n’est pas le cas pourquoi ne pas essayer un dispositif centré sur la formation qualifiante et qui préserve les emplois aidés là où ils sont les plus nécessaires. Certes, la baisse de l’APL a été maladroite et le Président l’a reconnu lui-même, mais le problème reste entier : la politique du logement est coûteuse et inefficace, mais que propose le PS ?

Enfin la baisse de concours aux collectivités locales indigne de nombreux élus locaux mais la plupart des ministères ont dû accepter un effort pour que la dépense publique rentre dans les clous. Fallait-il les exonérer de l’effort supporté par les hôpitaux publics ? La critique d’un budget qualifié de récessif signifie-t-elle que le PS entend à présent s’exonérer de nos engagements européens en matière budgétaire alors même que la reprise est là ?

La véhémence du PS ne s’expliquerait elle pas davantage par la continuité de l’action d’Emmanuel Macron avec celle du pouvoir précédent, que par la « rupture libérale » qu’il aurait opérée ? Après tout, c’est François Hollande qui a lancé le plan d’économies de 50 milliards d’euros dans la dépense publique ; c’est lui qui a fait le CICE et le Pacte de Responsabilité que Macron prolonge par des baisses de cotisations patronales et par une baisse de l’IS … mais alors, le PS ne devrait-il pas faire le bilan du quinquennat avant de passer directement à une opposition sans concessions au nouveau pouvoir ?

Le texte assure que la posture d’opposition « ne saurait remettre en cause notre culture de gouvernement ». Pourtant, en adoptant une logique plus revendicatrice que responsable, le PS s’expose à rompre avec cette culture et à reproduire le cycle classique – radicalisation dans l’opposition et accusation de trahison du gouvernement socialiste « gestionnaire » précédent – qui a contribué fortement à la perte de sa crédibilité gouvernementale aux yeux de l’opinion. En appelant les socialistes à se mobiliser aux côtés des fonctionnaires pour défendre leurs droits et leurs revendications, le PS ne finit-il pas par se comporter en parti-syndicat, réduisant sa sociologie aux seules couches moyennes salariées du public ? Plutôt que sur des déclarations de principe, on aurait aimé l’entendre sur la relance européenne du président Macron, ou sur la séquence loi Travail-réforme de la formation,  sur l’universalisation de la couverture contre le chômage ou encore sur la réforme systémique des retraites.

Le principal espoir du PS semble reposer sur l’« affaissement de l’assise » du pouvoir actuel, qui est selon lui déjà bien entamée. Un pouvoir dont la légitimité lui paraît discutable puisque « une part importante des électeurs d’Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle l’ont choisi dans un vote de réflexe républicain » et « qu’une part grandissante de ses électeurs du premier tour se sentent aujourd’hui dupés ». Or, si les deux tiers des électeurs ont émis un vote « républicain », c’est que le nouveau pouvoir n’est pas sans légitimité ! Quant aux électeurs du premier tour, pourquoi se sentiraient-ils dupés puisque la plupart des mesures adoptées par le nouveau pouvoir et condamnées par le PS figuraient dans la plate-forme du candidat Macron ? Plutôt que de monter un procès en légitimité contre le nouveau pouvoir au titre du renouveau socialiste le PS serait mieux avisé de commencer par élaborer des propositions alternatives dans le cadre d’une saine relation entre majorité et opposition, opposition qui n’a pas besoin d’être frontale et totale, sauf si cette posture a d’abord pour objet de camoufler l’absence de telles propositions.

Adopter cette attitude serait d’ailleurs plus cohérent avec le refus affirmé de « faire l’impasse sur la crise historique qui traverse la social-démocratie en Europe dont le récent scrutin en Allemagne est la dernière illustration ». Une interrogation sérieuse sur les raisons profondes de cette crise ne devrait-elle pas précéder la condamnation sans nuance du « libéralisme » macronien ?