Et la NUPES a fait pschitt! edit

31 octobre 2022

Mélenchon est de ces joueurs qui doublent la mise lorsqu’ils perdent. Après le fiasco de la « marche contre la vie chère », qui devait obliger le président à coiffer le bonnet rouge, il se rabat sur l’Assemblée où ses gens sonnent le tocsin contre le pouvoir. Le 27 octobre, il a répété que son objectif était de faire tomber le gouvernement et de provoquer de nouvelles élections législatives. « Avec la NUPES, nous sommes prêts à gouverner », a-t-il claironné. Dans la foulée du troisième 49.3, sur le budget de la Sécurité sociale, mercredi, LFI déposera donc une nouvelle motion de censure.

Pour parvenir à ses fins Mélenchon est prêt à faire feu de tout bois, en l’occurrence du bois de droite et d’extrême-droite, reniant une nouvelle fois le clivage gauche/droite. Il s’est réjoui du vote par le Rassemblement national de la motion de censure de la NUPES le 24 octobre, reprochant à LR de ne pas avoir suivi son exemple : « La droite sauve le gouvernement de justesse. Il manquait 50 voix pour éjecter le gouvernement. Nous sommes prêts pour la relève. » Il s’est adressé ainsi à Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR, dans une note intitulée Macron, la chute est programmée : « Si vous déposez une motion de censure, c’est pour la voir votée, j’en suis certain. Pas pour faire la comédie, n’est-ce pas ? Donc regardez comment font les députés de la Nupes : leur texte ne comporte pas de mentions répulsives pour vous. » « Nous prenons tous ceux qui voudront rejoindre cette motion [celle de LFI] », a surenchéri de son côté Éric Coquerel, se disant même prêt à voter une motion de censure déposée par les députés LR. « Ils font partie de l’arc républicain et ce n’est pas la même chose de voter pour un groupe qui est très minoritaire que pour un groupe d’extrême droite ». « Gare aux motions qui exprimeraient une opposition d’opérette. Elle [celle de LFI] a vocation à être votée par tous les députés, y compris des élus Les Républicains ou des macronistes en crise… », a déclaré le député LFI de Seine-Saint-Denis Alexis Corbière. Soulignant que la motion du RN n’avait récolté que 90 voix, contre les 239 récoltées par celle de la Nupes, il a ajouté : « Qui est capable de faire tomber le gouvernement, c’est la Nupes, c’est pas Mme Le Pen. »

Mais la NUPES est-elle vraiment prête pour cela ? Apparemment, Mélenchon a oublié de s’en assurer, confondant la NUPES et LFI. En ne prenant même pas la peine de s’enquérir de l’avis de ses partenaires, sa désinvolture confirme que l’union de la gauche est le cadet de ses soucis. Qui m’aime me suive, telle est sa position. Le problème est que ses partenaires ne semblent pas vouloir le suivre dans cette fuite en avant. En refusant de signer la nouvelle motion de censure que LFI va déposer, le PS, EELV et le PCF n’ont pas seulement exprimé un désaccord tactique avec elle. C’est en réalité la NUPES elle-même qui a fait pschitt et l’on ne voit pas comment les morceaux de la « nouvelle alliance » pourraient être recollés. En effet, les alliés de LFI au sein de la NUPES, loin de se réjouir  du soutien du RN, ont déploré cette situation. Boris Vallaud, le président du groupe socialiste à l’Assemblée, a déclaré que le soutien du RN avait été un coup de poing dans le ventre. « Je l'ai redit (...) que tout nous séparait, comme socialistes, comme hommes de gauche, comme républicains, de l'extrême droite », a-t-il déclaré, assurant être « intransigeant » car « tout nous distingue ». L'eurodéputé écologiste, Yannick Jadot, a assuré qu' « aucun député écologiste ne s'est réjoui du vote du RN de cette motion de censure » et a appelé à arrêter « les polémiques et les buzz à répétition ». Sinon, a-t-il prédit, « c'est la victoire de Marine Le Pen dans cinq ans ». Il a dénoncé la stratégie de la France insoumise qui « vise à rassembler l'ensemble des oppositions pour faire tomber le gouvernement. Ce n'est pas la position des écologistes. Si nous n'arrêtons pas cette brutalisation du débat politique, cette instrumentalisation du Rassemblement national, y compris pour justifier nos faillites sur le fond et sur nos pratiques politiques, c'est le RN, avec la droite qui gouvernera demain. »

Du coup, Olivier Faure, le patron des socialistes, s’est retrouvé dans une situation particulièrement inconfortable. De tous les partenaires de LFI, il est celui qui croit le plus au destin de la NUPES, convaincu que l’espoir de la gauche est dans sa réussite et non dans celle du parti socialiste lui-même. Son avenir politique personnel se confond donc avec celui de cette association. Sans Olivier Faure, plus de NUPES. Après avoir hésité, il a finalement suivi EELV et le PCF et refusé de signer la motion de LFI. Toute autre décision l’aurait mis en difficulté pour son congrès alors que de nombreuses voix se sont élevées dans son parti pour condamner la stratégie de Mélenchon. Ainsi, la sénatrice PS de l’Oise Laurence Rossignol s’est dit choquée par « l’appel d’Eric Coquerel au RN de voter ensemble. Là, c’est le cordon sanitaire qui saute. La banalisation et la normalisation du RN ne profitent qu’au RN ». Néanmoins, la prise de distance d’Olivier Faure par rapport à la Nupes le fragilise dans son propre parti. Comment en effet continuer à mettre tous les œufs socialistes dans le panier mélenchoniste si les désaccords sur la stratégie sont à ce point importants ? Lui-même a d’ailleurs reconnu la difficulté dans laquelle il se trouvait en indiquant que le PS ne signerait « pas des motions à répétition ». « Nous avons une divergence avec les “insoumis” », reconnaît-il. Pour autant, sa stratégie est pour le moins flottante puisqu’il souhaite « que la NUPES, toute ensemble, en dépose une sur le projet de loi de finances et sur celui de la Sécurité sociale au moment de la lecture définitive ». Mais ne fait-il pas alors que repousser le problème ? En reconnaissant qu’« une coalition ce n’est pas un parti unique », il confirme cependant que la stratégie de la quasi-fusion dans le Nupes qui semblait être la sienne est dans l’impasse. De ce point de vue le comportement de Mélenchon est étrange. Lui-même a semblé au cours de la période précédente donner de l’importance au ralliement joyeux du patron du PS et il l’a traité avec des égards. Pourquoi dans ces conditions le placer à ce point en porte-à-faux au risque de mettre en danger la NUPES ?  Peut-être lui-même ne croit-il pas à l’avenir de celle-ci, et, sachant que la gauche n’a aucune chance de gagner d’éventuelles élections législatives, entend-il jeter ses derniers feux en occupant pour quelque temps encore le devant de la scène, mû par son espoir d’être le tombeur de Macron. Cela dit, ses partenaires eux-mêmes, en cofondant la Nupes, ignoraient-ils que celle-ci ne pouvait être beaucoup plus qu’une tactique électorale, tactique qui d’ailleurs s’est révélée payante pour tous ?

Pour se consoler, certains partisans de la NUPES ont voulu réduire cette crise à  une « micro divergence tactique ». Pour la députée LFI de Seine-Saint-Denis, Clémentine Autain, ces divergences s’expliquent plutôt par « une culture politique » différente entre les formations politiques, ce qui paraît plus exact. Nous lui laissons le mot de la fin : «  Idéalement, il aurait mieux valu » que les alliés de gauche aient « la même tactique », mais il faut  « chérir la Nupes dans un contexte politique hypertendu ».