Le PS entre cynisme et incompétence edit

12 novembre 2010

Y a-t-il un pilote dans l’avion socialiste ? La réponse est non. Il y a deux façons pour le leader du grand parti d’opposition qu’est le Parti socialiste d’exercer positivement son leadership : présenter un programme de gouvernement crédible, et déclarer clairement son intention de briguer la présidence de la République. Martine Aubry ne fait ni l’un ni l’autre.

Le document sur « l’égalité réelle » que vient d’adopter la direction du parti socialiste est tout sauf un programme sérieux de gouvernement. Plus encore que le précédent projet, il fait totalement abstraction de la situation économique et financière du pays, ce qui traduit soit une complète incompétence, soit un total cynisme, soit les deux ensemble. Le texte prévoit un ensemble de mesures dont le coût total paraît extrêmement élevé mais aucun chiffrage n’est avancé ni aucune priorité établie, à dix-huit mois d’une élection présidentielle qui pourrait ramener au pouvoir les socialistes. Or ce document dont la paternité réelle revient à Benoît Hamon a été soutenu fermement par la Première secrétaire. Les auteurs du texte, quelles que soient leurs compétences en matière économique et financière, ne peuvent ignorer le caractère irréaliste de ces propositions dans la situation d’endettement de la France et après les engagements pris auprès de l’Allemagne et de l’Union européenne.

Ce projet, comme bien d’autres projets socialistes avant lui, n’a donc pas pour finalité d’être appliqué. Dans quel but a-t-il alors été élaboré ? Une seule réponse possible : pour barrer définitivement la route à Dominique Strauss-Kahn en faisant adopter au Parti socialiste une ligne très à gauche que le directeur général du FMI ne pourrait pas faire sienne. En effet, les dirigeants du Parti socialiste savent que la crédibilité gouvernementale de leur parti n’est pas élevée. Il leur faut donc l’améliorer dans la période à venir. S’ils font le contraire, c’est que les enjeux de pouvoir interne continuent à l’emporter sur les enjeux nationaux et même sur l’objectif de revenir au pouvoir. La question présidentielle continue à détruire ce parti de manière inexorable, le menaçant de rater l’occasion historique de gagner les élections de 2012.

En effet, le virage à gauche du parti n’est possible que parce que Martine Aubry ne donne aucun signe sérieux concernant la prochaine élection présidentielle. Le fameux « pacte » Aubry/DSK est une véritable machine à détruire le Parti socialiste. Martine Aubry, désormais engagée clairement sur la ligne de gauche de Benoît Hamon, tente de faire croire que sa candidature et celle de DSK sont interchangeables quand ses partisans font tout pour rendre celle-ci politiquement impossible. À dix-huit mois de l’élection présidentielle nous ne savons rien des intentions de l’un et de l’autre mais ce jeu bizarre et malsain produit des effets désastreux sur le parti. Tout est tactique. Les strauss-kahniens dans le parti ne trouvent rien à redire au texte sur « l’égalité réelle » pensant, à tort, qu’en cas de décision positive de leur chef de file, ils pourront trouver un arrangement avec la direction du parti. Laurent Fabius, qui est en embuscade au cas où, se tait lui aussi pour les mêmes raisons. Tandis que le jeu du chat et de la souris entre les deux personnalités marquantes du PS se poursuit, le parti perd toute notion du réel. Quant à la direction, d’une manière antidémocratique stupéfiante, elle piétine l’idée de primaires, Benoît Hamon, qui est désormais le leader idéologique de l’organisation, disqualifiant d’entrée de jeu la « droite du parti ». Alors que trois des dix-huit membres du Bureau national qui ont refusé de voter ce texte sont les seuls socialistes à avoir clairement annoncé leur intention de participer à la primaire socialiste, Hamon traite ces membres de « clan des nostalgiques ». Il y a peu, ils auraient été traités d’ennemis de classe. Ceci donne un aperçu de la manière dont la direction socialiste conçoit les futures primaires. Bref, la petite tactique est reine et l’appareil est roi. La démocratie elle, est absente : hors du ralliement à la « gauche décomplexée » point de salut !

Dans cette situation, le président du groupe parlementaire socialiste a sommé DSK de ne plus tarder à annoncer ses intentions. Il a raison car plus le temps passe et plus le Parti socialiste fait la démonstration de son absence de crédibilité gouvernementale. Mais il pourrait adresser également cette semonce à Martine Aubry elle-même. Puisqu’elle est la Première secrétaire et qu’elle exprime la nouvelle ligne du parti, pourquoi subordonne-t-elle sa réponse à la décision de DSK alors que ses partisans ne veulent à aucun prix de la candidature Strauss-Kahn ? Au fur et à mesure que le temps passe, le « pacte » avec DSK apparaît politiquement inconsistant et moralement cynique.

À un moment particulièrement difficile pour l’économie et la société françaises, les petits jeux entre amis au sein du Parti socialiste risquent de lasser sérieusement les électeurs. Ils compromettent aussi les chances électorales de la gauche car les socialistes auraient tort de croire que l’affaiblissement réel du président de la République leur promettra à lui seul une victoire facile en 2012. Martine Aubry, en n’assumant pas la double dimension de ce que doit être aujourd’hui le leadership d’un Parti socialiste visant à revenir au pouvoir, risque d’apparaître seulement comme la femme d’un clan, un clan dont il est parfois permis de douter qu’elle soit le véritable chef.