Fiscalité des entreprises : la mauvaise idée du PS edit

18 mai 2010

Le Parti socialiste vient d’adopter lors sa Convention nationale un texte qui à propos de la fiscalité des entreprises dit ceci : « la bonne imposition des entreprises est celle qui contribue à favoriser l'investissement et les fonds propres et dissuade la distribution de revenus exorbitants du capital aux actionnaires. D’où la proposition de moduler le taux de l'impôt sur les sociétés selon que les bénéfices sont réinvestis ou distribués sous forme de dividendes ou de rachats d'actions. » L’idée n’est pas nouvelle. Le gouvernement Bérégovoy l’avait mise en place dans les années 1990, avant de s’apercevoir que le gouvernement allemand faisait exactement l’inverse : taxer davantage les profits retenus que les dividendes. On décida donc de l’abandonner. Pourquoi ?

En matière de financement d’entreprise, il n’y a pas que la demande de fonds, il y a aussi l’offre de fonds. Si les actionnaires ont une préférence pour les dividendes et que l’entreprise baisse son taux de distribution, ils utiliseront un autre moyen pour gagner de la liquidité, le plus simple étant de vendre leurs actions. La mesure ne va pas forcément dans le sens d’une stabilité accrue du capital des entreprises françaises. On est poussé en sortir plus fréquemment, et aussi à y rentrer avec davantage d’hésitation. Vous-même rentrerez de moins bon cœur dans la salle de boxe si on vous dit que les portes de sortie resteront fermées pour toute la soirée. Si l’entreprise est cotée, les actions peuvent en devenir plus volatiles, à l’égal de ce qu’on observe sur le marché obligataire, où les obligations à faible coupon sont plus sensibles aux variations du marché que les obligations à fort coupon. Les praticiens du marché le savent bien, qui parlent d'une action « défensive » quand elle est à fort dividende, et d'une action « offensive » quand elle en verse un très faible.

Ainsi, pénaliser les dividendes et les réductions de capital, c’est pénaliser le recours à l’augmentation de capital, et donc favoriser les deux autres sources de financement : bien sûr l’autofinancement, mais aussi, sur la durée, la dette, même si la non-distribution augmente à court terme la trésorerie et donc réduit l’endettement.

La seconde raison tient à la gouvernance des entreprises. Parmi les raisons qui font que les entreprises préfèrent l’autofinancement, une se détache particulièrement : s’autofinancer, cela permet aux dirigeants de ne pas avoir à soumettre le projet d’investissement à l’œil et au contrôle des bailleurs de fonds externes, banques, créanciers ou actionnaires. Le dirigeant peut préférer cela au « court-termisme » de ses actionnaires ou de ses banquiers. Mais ce n’est pas exactement le signe d’une bonne gouvernance. La recherche en finance atteste que ce type de message négatif (ne pas verser de dividendes quand on en a les moyens) dissuade les bailleurs de fonds de financer l’entreprise. Son coût du capital s’en voit renchéri. Est-ce le but recherché ?

La logique des marchés de financement de l’entreprise est bien que le cash-flow disponible de l’entreprise retourne aux bailleurs de fonds, qui souhaitent pouvoir réinvestir à leur gré dans l’entreprise sur base de bons projets ou bien déployer leur capital ailleurs si les opportunités leur paraissent meilleures. La finance externe exerce donc une sorte de discipline, créatrice dans le meilleur des cas, par laquelle les dirigeants de l’entreprise se font questionner sur leurs choix d’investissement.

Ainsi, on voit mal l’intérêt de la mesure. En matière de fiscalité d’entreprise, il faut avancer prudemment avant d’introduire des distorsions (des « niches ») fiscales. Le mieux serait plutôt de regarder à deux fois celles qui existent, notamment le traitement fiscal complètement différent du financement par fonds propres et du financement par dette, sachant que les intérêts de la dette sont déductibles d’impôt alors que les dividendes ne le sont pas. C’est subventionner les entreprises pour qu’elles s’endettent plutôt que de constituer des fonds propres, comme nous l’avons déjà rappelé sur Telos.