Pour une réforme de la loi électorale edit
« Refaire la démocratie » : le rapport établi sous la coprésidence de Claude Bartolone et Michel Winock, et dont nous avons publié une analyse critique, a placé au cœur de ces propositions la modification du régime électoral des députés à l’Assemblée nationale, recommandant à cet égard l’institution en lieu et place du scrutin uninominal majoritaire à deux tours, l’adoption d’une formule mixte, mi-majoritaire, mi-proportionnelle. Bien que le rapport soit resté relativement imprécis et sur les modalités effectives de la modification proposée et sur les effets directs et indirects de celle-ci sur le fonctionnement du système politique, la réforme envisagée a retenu toute l’attention de Telos. Nous nous proposons de pousser la réflexion sur le sujet et de nous interroger successivement sur les justifications démocratiques, les effets potentiels et les modalités imaginables du seul bouleversement en profondeur de nos usages institutionnels qui soit aujourd’hui à la portée du président de la République et de la majorité parlementaire.
1. Les raisons d’une réforme
Réformer un mode de scrutin législatif exige de reconnaître et de prendre en compte les deux fonctions distinctes inhérentes à tout régime électoral : la représentation du corps électoral et la sélection des dirigeants parlementaires et gouvernementaux en charge des affaires pour une période donnée. Tout mode de scrutin doit à la fois photographier, c’est-à-dire transformer, sans le déformer, le macrocosme politique en microcosme parlementaire et arbitrer – ou permettre aux partis d’arbitrer – entre les équipes en compétition afin de déterminer celle à qui on va confier pour quelques années les clés de la maison.
Ces deux fonctions sont non seulement distinctes mais à certains égards contradictoires. Elles relèvent en tout cas de deux visions très différentes du fonctionnement d’un système politique. L’école représentative, celle qui voit dans la consultation électorale un exercice de cartographie géographique visant à installer au Palais Bourbon une représentation réduite mais fidèle des préférences partisanes de chaque électeur, est adossée à une certaine idée de la fonction parlementaire conçue comme une fonction délibérative débouchant au fil des échanges sur un consensus de raison représentatif de « la volonté générale ». Dans cette conception idéaliste des rapports politiques, nulle trace de majorité et d’opposition, de choc de valeurs ou de conflits d’intérêts, mais un pur exercice de maïeutique socratique associant tous « les représentants de la Nation » et destiné à transformer en règle de droit, la Loi, ce qui se dégage de la délibération. Selon cette conception, la loi de la majorité fait figure de pis-aller, de concession inévitable faite à une exigence d'efficacité mais qui offense l'idée même de « volonté générale ».
Les démocraties occidentales ont peu à peu appris à prendre leurs distances avec cette représentation utopique de la délibération parlementaire. Sous diverses influences, dont celle de Marx, nous avons dû reconnaître que la politique relevait de la polémique autant que de la maïeutique et que, malgré la prohibition du mandat impératif, les élus étaient moins les représentants d’une entité aussi abstraite et indiscernable que le Peuple ou la Nation que ceux d’électeurs en chair et en os, inscrits dans la société réelle et exprimant par leur vote des craintes et des espérances concrètes dont les parlementaires ne sauraient faire fi sous peine de ne pas être réélus Nous avons reconnu que ce qui faisait la spécificité du jeu politique, c’était moins l’émergence organisée d’une vérité partagée entre tous qu’une confrontation de valeurs, d’intérêts, de partis et de personnalités entre lesquels le droit de suffrage permet de choisir : égalité contre liberté, ouvrier contre bourgeois, gauche contre droite, Hollande contre Sarkozy. Bref, nous avons fait voir en éclat le mythe de la Volonté générale. Ce qui domine la vie publique, c’est moins l’infusion délibérative que la compétition des équipes, moins l’osmose des réflexions que l’arbitrage entre les options. Pierre Mendès France avait parfaitement formulé la chose avec son célèbre : « gouverner, c’est choisir ». Choisir une ligne contre une autre ligne, un camp contre un autre camp, une équipe contre une autre équipe. A la différence de l’école de la représentation, l’école de la sélection fait la part belle à la fonction gouvernementale. Du coup, le mode de scrutin n’a pas pour objet de photographier une France composite mais de lui donner des dirigeants, de nommer à sa tête, c’est-à-dire à l’Assemblée et au gouvernement, une majorité cohérente et un ministère solidaire.
Est-ce à dire que la fonction de représentation a perdu toute raison d’être à la rude école de la sélection ? Certainement pas. Mais elle a changé de nature : il ne s’agit plus d’installer à l’Assemblée une représentation des sensibilités exactement proportionnée à leurs forces respectives au sein du corps électoral, mais de permettre à l’opposition, ou plutôt aux oppositions, de faire pleinement leur travail de contrôle, de critique et de proposition, et de concourir ainsi en continu à la préparation d’une éventuelle alternance. Compte tenu de la diversité et de la complexité des tâches impliquées par l’exercice de ces fonctions, il convient que chacune des forces politiques qui comptent dans l’opinion soit assez solidement représentée au Palais Bourbon pour y faire le travail que les électeurs sont en droit d’attendre d’un candidat à l’alternance. On voit que les deux fonctions du processus électoral et politique de mise en place d’un parlement et d’un gouvernement, les fonctions de représentation et de sélection doivent être, l’une et l’autre, prises en compte. Aucune des deux ne peut sans menacer soit l’efficacité soit la démocratie être sacrifiée à l'autre.
Tel est le premier principe qui s’impose au réformateur de la loi électorale, et qui s’impose d’autant plus à lui que le scrutin uninominal à deux tours en vigueur en France ne satisfait que très imparfaitement à cette double exigence de représentativité et d’efficacité. Notre conviction rejoint ici celle des auteurs du rapport « Refaire la démocratie » : notre loi électorale doit être changée. Elle doit l’être pour deux raisons principales : elle assure une représentation de moins en moins équitable des sensibilités politiques réelles du pays ; elle n’offre pas aux gouvernements issus des élections législatives une assise politique suffisamment large et cohérente pour mener les politiques de réforme nécessaires et répondre aux grands défis auxquels la France est confrontée, même lorsqu’ils peuvent s’appuyer sur de prétendues majorités parlementaires.
Il n’est pas nécessaire d’argumenter longuement sur le déficit actuel de représentation. Aujourd’hui, avec le mode de scrutin majoritaire à deux tours, ni la gauche radicale, ni la droite radicale, ni le mouvement écologiste ni le centrisme autonome ne sont représentés équitablement. En 2017, près de la moitié des électeurs pourraient être ainsi pratiquement interdits de représentation parlementaire. Une telle injustice ne peut qu’affaiblir la légitimité de notre système politique. Jusqu’ici, la bipolarisation gauche/droite des forces politiques, suscitée par les institutions et parachevée dans les années soixante-dix, assurait largement la représentation des électeurs. Or cette bipolarisation s’est nettement affaiblie. La fin de l’Union de la gauche, d’un côté, et les progrès du Front national, de l’autre, ne permettent plus ni à la gauche ni à la droite, comme ensembles englobants, de représenter à l’Assemblée nationale une part suffisante de l’électorat. L’éclatement de notre système partisan crée une disproportion croissante entre les suffrages obtenus par les deux grands partis de gouvernement et leur représentation parlementaire. Ainsi, les projections en sièges réalisées par les instituts de sondage pour 2017 montrent que l’UMP-Républicains pourrait, avec à peine plus d’un quart des suffrages exprimés, obtenir près des quatre cinquièmes des sièges à l’Assemblée et, avec le PS, près de 90% des sièges avec moins de 50% des voix. Admettons que cette disproportion pose problème !
Les partisans du mode de scrutin actuel plaident l’efficacité. Suffit-il pour autant de disposer d’une majorité arithmétique à l’Assemblée pour garantir aujourd’hui cette efficacité ? On peut sérieusement en douter. Le paysage partisan français est désormais structuré aujourd’hui par un double clivage dont les axes sont orthogonaux. Le premier clivage est le clivage gauche/droite. Le mode de scrutin joue dans le sens de sa conservation, interdisant toute coalition entre les deux grands partis de gouvernement. Le second clivage est le clivage modérés/radicaux qui oppose à gauche le PS au Front de Gauche et à la majorité des écologistes et à droite l’UMP (Républicains)-UDI au Front national. Il ôte aux concepts de gauche et de droite une part essentielle de leur signification et donc de leur efficacité dans la formation des coalitions gouvernementales. Il permet, certes, aux deux partis de gouvernement de marginaliser les partis radicaux, et notamment, au grand parti gouvernemental de droite de l’emporter dans la plupart des circonscriptions au second tour contre le Front national. Les effets de ce double clivage ont cependant pour conséquence un isolement de moins en moins splendide des grands partis de gouvernement quand ils sont au pouvoir alors qu’ils représentent une part relativement faible de l’électorat. Or, alors que des réformes importantes sont nécessaires pour assurer l’avenir de notre pays, gouverner avec un tiers des voix n’est pas satisfaisant. Le parti au pouvoir subit en effet la double opposition des partis situés sur le pôle radical du clivage modérés/radicaux et des partis situé sur le pôle opposé du clivage gauche/droite. Cette double opposition représente un handicap majeur pour un gouvernement confronté aux enjeux de la modernisation du pays.
Dans la mesure où les divisions de la gauche et de la droite ne paraissent pas pouvoir, à court et moyen terme, redonner à la bipolarisation traditionnelle sa capacité à organiser des coalitions gouvernementales, le mode de scrutin actuel a perdu une part importante de ses avantages historiques et n’a d’autre effet que de rendre impossible la conjonction et l’action commune de tous ceux qui se rejoignent sur les sujets primordiaux que sont l’économie de marché, l’Europe et la société ouverte. Sans doute est-il sain d’obliger des gens de sensibilités différentes à passer d’honnêtes compromis mais à la condition de ne pas interdire aux uns et aux autres de se présenter aux électeurs sous leur propre bannière. C’est en retrouvant le droit d’être ce qu’ils sont que les partis politiques peuvent espérer retrouver la confiance des citoyens. Les alliances artificielles imposées par le mode de scrutin ont pour effet de biaiser tous les débats sur l’avenir du pays et d’enfermer le personnel politique dans le monde sournois des arrière-pensées, des lieux communs et des restrictions mentales. Là est l’effet pervers massif d’un scrutin bipolarisant plaqué sur une société politique quadripartite.
Le mode de scrutin empêche la fluidité du système partisan et pousse les partis, à gauche comme à droite, à favoriser un clivage devenu gouvernementalement inopérant. A gauche, il alimente l’éternelle tentation de reconstituer une union de la gauche qui ne peut déboucher sur une véritable alliance sans remettre en cause les politiques modérées et européennes dans lesquelles est engagé le gouvernement socialiste. A droite, il écartèle « les Républicains » entre une alliance interdite avec le Front national et une complaisance irrésistible à l’égard de thèmes et d’idées qui mettent en péril un engagement libéral et européen par ailleurs irrécusable.
La réforme du mode de scrutin législatif est devenue un impératif catégorique. Encore faut-il pour qu’elle réponde à une double exigence de démocratie et d’efficacité, aujourd’hui bien malmenée, qu’elle prenne en compte les contraintes du système institutionnel un peu baroque que le général de Gaulle a donné à la France et que nos compatriotes ne semblent pas disposés à passer par profits et pertes. C’est dans cet esprit que nous entendons dans les prochains jours poursuivre notre réflexion.
2. Les contraintes du système
Les arbitrages fondamentaux qui s’imposent aux candidats à la réforme du régime électoral législatif sont conditionnés en France par le rapport qu’il leur faut établir avec les deux spécificités majeures de notre système institutionnel et politique. Notre vie publique est tout à la fois dominée par une ambition, celle de voir les électeurs imposer aux élus le choix du chef réel de l’exécutif et dessiner les contours de la majorité parlementaire, et soumise à une sujétion, la prééminence d’un président, chef effectif du gouvernement. Le respect de cette ambition et l’acceptation de cette sujétion imposent à la réforme un chemin critique relativement étroit.
Préserver la démocratie directe
Il y a d’abord, fait majeur que le rapport Bartolone-Winock a eu le tort de ne pas prendre pleinement en compte, le choix de la France en faveur d’un partage des rôles électeurs/élus différent de celui de la plupart de nos voisins européens. Jusqu’en 1958, la France avait vécu sur un partage des rôles qu’on qualifierait aujourd’hui de « partage à l’allemande » entre des électeurs qui déterminaient la composition de l’Assemblée et des élus qui déterminaient celle de la majorité. Ce système n’était pas intrinsèquement pervers – le bon fonctionnement de la République Fédérale en apporte la preuve – mais il a été perverti en France par le déséquilibre des pouvoirs entre une Assemblée à la fois toute puissante, invulnérable et indisciplinée, et un gouvernement dépourvu de tout pouvoir d’action et de rétorsion contre elle. L’arbitraire des élus a longtemps tenu lieu d’arbitrage des partis et institué le règne du caprice, l’instabilité majoritaire et la valse corrélative des ministères. Face à cette situation, le général de Gaulle a réagi en articulant entre elles trois innovations majeures : le rééquilibrage des pouvoirs au profit de l’exécutif grâce au parlementarisme rationalisé, le droit de dissolution, et le dessaisissement des partis au profit des électeurs dans la fabrication de la majorité gouvernementale appelée à conduire le pays pour la durée de la législature, ce qui exigeait bien évidemment l’adoption d’un scrutin majoritaire.
Ce modèle majoritaire est-il judicieux ? Le travail de sélection des dirigeants et de la majorité doit-il être mené à bien par les représentants des formations politiques, le corps électoral se contentant de fixer le rapport de forces inter-partisan et laissant aux partis le soin de négocier entre eux les contours de la majorité parlementaire de gouvernement ? Cette tâche ne doit-elle pas au contraire être effectuée en amont par les électeurs eux-mêmes à travers une confrontation démocratique visant à donner au(x) parti(s) suscitant le plus fort taux d’adhésion et le plus faible taux de rejet une majorité directement sortie des urnes ? la première option comporte un inconvénient majeur et un avantage précieux : l’inconvénient, c’est de priver les citoyens d’un pouvoir essentiel, celui de déterminer eux-mêmes les formes de la coalition qui dirigera le pays ; l’avantage, c’est de consacrer la culture de compromis en amenant les différentes fractions du corps électoral à reconnaître les limites de leur propre audience et à légitimer les concessions faites aux partenaires dont le concours est indispensable à la bonne marche de l’État.
La seconde option implique de donner au parti ou à la coalition arrivée en tête une majorité absolue en sièges même s’il ne dispose que d’une majorité relative dans les urnes. Ici, voter ce n’est pas doser mais choisir et ce choix doit appartenir au peuple qui reçoit mission de porter au pouvoir le moins minoritaire des partis. Ce système comporte les avantages et les inconvénients symétriques du précédent : côté avantages, il place les citoyens au cœur du processus décisionnel et leur permet de dessiner eux-mêmes les contours de la majorité qui sortira des urnes ; côté inconvénients, comme nous l’avons relevé, plus le système partisan tend à se fragmenter, comme c’est le cas aujourd’hui, plus l’avantage accordé au parti arrivé en tête risque de se faire exorbitant. Dans un système qui serait, par hypothèse, composé de quatre partis incapables de passer entre eux aucune alliance, une formation qui arriverait en tête tout en ne recueillant qu’un peu plus d'un quart des suffrages exprimés, pourrait espérer disposer d’une majorité absolue des sièges à l’Assemblée et prétendre gouverner pratiquement sans alliés. Le « fait majoritaire » que l'on vante depuis plus de cinquante ans sonne de plus en plus comme une antiphrase et ce serait bien plutôt de « fait minoritaire » qu’il faudrait ici parler !
De plus, aucune considération d’efficacité ne saurait légitimer que les partis membres d’une même coalition n’aient pas dans le cadre de celle-ci un nombre de sièges strictement proportionnel au nombre de voix obtenues par chacun d’eux. Tel est pourtant le cas avec le scrutin uninominal à deux tours qui peut priver de toute représentation parlementaire significative un parti B (disons l’UDI) qui recueillerait deux fois moins de voix au premier tour que le parti A (disons « les Républicains ») et serait éliminé partout du second tour,
Ces constatations débouchent sur une conclusion claire : même si l’on entend rester fidèle à la logique majoritaire de la Cinquième République, il faut songer à établir un régime électoral qui évite les deux écueils du système actuel : l’octroi à l’un des compétiteurs d’une prime majoritaire déraisonnable et l’introduction à l’intérieur des coalitions d’une logique injustifiée de confrontation majoritaire. Seul un scrutin proportionnel de liste complété par un avantage limité en sièges accordé à la liste ou à la coalition de listes arrivée en tête permettrait de satisfaire sereinement à la double exigence de représentativité multi-partisane et d’efficacité majoritaire.
Respecter la prééminence présidentielle
Aux yeux du général de Gaulle, il n’était toutefois pas suffisant de casser « le régime des partis », qui était en réalité le régime des élus, en faisant des élections législatives, comme c’est le cas depuis novembre 1962, l’instrument d’un choix populaire direct entre deux majorités potentielles. Pour le fondateur de la Cinquième République, il fallait aussi faire du Président lui-même le vrai « sculpteur de la majorité parlementaire » selon l'expression de Léo Hamon. Sous la Cinquième République, les élections présidentielle et législatives font système : les deux consultations fonctionnent ensemble, les secondes étant, selon le mot très éclairant de Gérard Larcher, la « réplique de la première ». Le scrutin présidentiel dessine par anticipation la nature de l'enjeu de la campagne des législatives – pour ou contre les choix du Président élu - et la forme, nécessairement bipolarisée, du combat qui s'y livre entre deux camps délimités par ses soins. Le quinquennat a parachevé le dispositif en faisant de l’élection des députés un simple prolongement de celle du Chef de l’Etat. Le majoritaire présidentiel tire le majoritaire législatif. Ainsi, l’élection du président au suffrage universel crée-t-elle autour de sa personne des attentes politiques très fortes. Le rôle majeur que les Français entendent voir jouer à celui qu’ils ont élu et qui est devenu, par le sacre électoral, « leur homme », au sein du système, rend fort peu crédible la création d'un gouvernement formé « à l’allemande » dans le cadre d’une négociation exclusivement parlementaire entre des partis dont les candidats seraient élus à la proportionnelle. L’idée de mettre sur la touche le président quelques semaines seulement après que le peuple l’ait porté au pouvoir est parfaitement irréaliste.
La prééminence du président ne saurait de surcroît exclure un droit de suite reconnu au « sculpteur », lui permettant, au prix d’un changement de pied, de redessiner, avec cette fois le concours de l’Assemblée nationale, les contours d’une majorité renouvelée. La démocratie directe rencontre ses limites dans ce droit présidentiel au remodelage des majorités. L’alliance du peuple et du président est asymétrique puisque le Parlement peut offrir au président le moyen de modifier les équilibres majoritaires sans pour autant avoir à dissoudre. Encore faudrait il toutefois que le mode de scrutin ne fasse pas obstacle à cette éventuelle recomposition, comme c’est le cas aujourd'hui avec cette véritable « prison de partis » qu’est le scrutin uninominal à deux tours. Pas question, par exemple, dans le système actuel « d’élargir » la famille centriste et de la libérer de la dépendance étroite dans laquelle la tient un allié qui dispose – voyez les mésaventures de François Bayrou – d’un véritable droit de vie et de mort sur l’existence parlementaire de son partenaire.
La dimension majoritaire de ce système ne peut être ignorée ou contredite sans qu’il soit porté atteinte à la cohérence globale du régime issu de la révolution de 1962. Elle peut et doit cependant être contenue dans ses dérives et maintenue dans des limites raisonnables par un mode de scrutin législatif approprié. D’autant que l’ombre portée de l’élection présidentielle sur le scrutin législatif accroît les effets déformants de celui-ci. La victoire du président favorise la coalition qui le soutient, à l’intérieur de cette coalition, les candidats de son parti, et, à l’intérieur de ce parti, la fraction qui est la plus proche de lui. Ces prééminences en cascade permettent au chef de l’Etat de contrôler tous les pouvoirs alors même qu’il ne représente qu’une minorité, parfois très étroite, de Français. C’est bien évidemment le scrutin uninominal à deux tours qui fabrique cette domination paradoxale de la majorité par la minorité. Il est donc indispensable d’introduire dans le dispositif des anticorps assez puissants pour contrarier ces dérives monopolistiques sans pour autant remettre en cause la position inévitablement faîtière du chef de l’État.
Dès lors qu’on estime nécessaire – et comment pourrait-il en être autrement dans la France telle qu’elle est ? – d’assumer pour l’essentiel l’héritage institutionnel de la Cinquième République, c’est-à-dire l’enracinement démocratique d’un pouvoir présidentiel fort relayé au Parlement par une majorité claire, la réforme du mode de scrutin législatif doit être conduite avec un grand souci d’équilibre. Ce sont bien les modalités concrètes d’un partage intelligent entre les logiques majoritaire et proportionnelle qu’il nous faut imaginer.
3. Les solutions à écarter
Sur la base des considérations qui précèdent, la réforme du mode de scrutin devrait viser simultanément trois objectifs distincts :
1 - Assurer une représentation significative des grandes forces politiques du pays, en particulier du Front National et de la gauche anticapitaliste, qui sont aujourd’hui pénalisées moins par le nombre de suffrages recueillis que par leur incapacité à nouer des alliances majoritaires. Proportionnaliser le scrutin vise abord à assurer la représentation de partis dont l’audience électorale est non négligeable (voire significative) mais qui sont privés de sièges du fait de leur isolement stratégique.
2 - Renforcer l’autonomie idéologique et stratégique des partis appartenant à une même coalition. La prime majoritaire est justifiée quand elle permet à la coalition arrivée en tête de disposer d’une majorité de gouvernement. Elle ne l’est pas quand elle aboutit à faire taire, à minoriser et à asservir certains des partis membres d’une même coalition. Le « malheur aux vaincus » caractéristique du système majoritaire n’a pas lieu de s’appliquer au sein du camp des vainqueurs, ni d’ailleurs de déformer les rapports de force entre les partis de la coalition vaincue. La répartition proportionnelle des sièges à l’intérieur de chaque camp devrait être la règle.
3 - Il faut veiller à conserver un important avantage en sièges à la coalition arrivée en tête afin qu’elle dispose d’une majorité certes limitée mais claire de gouvernement. On voit bien que ces objectifs sont potentiellement contradictoires et supposent donc un réglage délicat en vue d’assurer un équilibre satisfaisant entre la reconnaissance de la fragmentation partisane et l’exigence de la stabilité majoritaire.
Avant d’avancer nos propres propositions, nous voulons d’abord évoquer ici les solutions qu’il nous semble judicieux d’écarter.
On évoque le plus souvent les pistes suivantes : « l’instillation » d’une dose de proportionnelle dans le système majoritaire, naguère annoncée mais jamais mise en œuvre par le Président Mitterrand, la mise en place comme en 1985 d’une représentation proportionnelle faussement intégrale, ou encore la transposition à la France d’un scrutin à l’allemande inscrivant des compétitions uninominales dans le cadre d’un scrutin à caractère proportionnel. Aucune de ces solutions ne nous paraît satisfaisante.
L’instillation d’une dose de proportionnelle dans le mode de scrutin actuel
On prête régulièrement au Président Hollande la tentation de mettre en œuvre ce concept lancé dans le débat par François Mitterrand. Il s’agirait de maintenir dans son ensemble le scrutin uninominal à deux tours tout en permettant l’élection à la proportionnelle de quelques dizaine de parlementaires, le nombre en étant choisi pour assurer une représentation minimale de toutes les forces aujourd’hui sacrifiées réellement ou potentiellement par l’étroitesse de leur base ou par leur isolement - FN, Modem, Verts ou Front de Gauche – sans pour autant risquer de priver l’Assemblée nationale d’une majorité claire. La mise en œuvre d’une telle réforme se heurterait d’emblée à une difficulté majeure : à moins d’augmenter, horresco referens, le nombre global de députés, la création de nouveaux sièges attribués à la proportionnelle obligerait à réduire le nombre des élus au scrutin uninominal et exigerait donc un redécoupage général des circonscriptions. Impensable avant 2017 ! Ce travail herculéen ne permettrait pas en revanche de remettre en cause les déséquilibres massifs de représentation affectant certains partis dans le cadre du système actuel. Le seul « avantage » de cette instillation serait d’intéresser personnellement, et de façon parfaitement immorale, à l’infortune persistante des partis sacrifiés par l’actuel mode de scrutin les dirigeants des dits partis, verts, centristes, frontistes, révolutionnaires, qui se retrouveraient rémunérés de quelques sièges personnalisés en échange de la sous-représentation maintenue de leurs maisons respectives. Les chefs recevraient ainsi une sorte de pourboire pour l’iniquité faite à leurs électeurs.
Le rétablissement de la loi de 1985
On pourrait imaginer à l’inverse d’instituer une véritable représentation proportionnelle tout en garantissant un effet majoritaire non négligeable par l’adjonction à la loi de certaines modalités restrictives. C’est ainsi que la loi du 10 avril 1985, qui a présidé aux élections législatives de l’année suivante, comportait en réalité trois leviers majoritaires : le seuil de 5% des suffrages exprimés en vue d’exclure les petits partis de la distributions des sièges, l’étroitesse des circonscriptions, départementales ou infra-départementales, produisant un effet analogue à celui du seuil par l’élévation du quotient nécessaire à l’obtention d’un siège, et enfin l’application du principe d’attribution des sièges à la plus forte moyenne plus favorable aux grandes formations qu’aux petites. L’effet majoritaire produit par la combinaison de ces trois dispositions est loin d’être négligeable : en 1986, la coalition RPR - UDF a obtenu avec l’appui des divers droites 44,84 % des voix et 50,60% des sièges et a donc bénéficié d’une prime majoritaire de près de 13%.
Suffirait-il alors dans la France d’aujourd’hui de rétablir la loi de 1985 ? Non. Et pour deux raisons. D’une part, l’effet majoritaire, qui était à deux doigts d’être insuffisant en 1986, le serait presque à coup sûr aujourd’hui. L’éclatement du système en trois, voire quatre avec l’extrême gauche, blocs incompatibles ne devrait permettre à aucun d’entre eux de franchir le seuil nécessaire à la constitution d’une majorité en sièges à l’Assemblée Nationale. De plus, l’effet majoritaire produit par ce système ne serait pas exempt d’une redoutable perversité : le dispositif prendrait certes en compte le taux d’adhésion à un parti en conférant un avantage en sièges au(x) parti(s) arrivé(s) en tête, mais il ne prendrait pas en compte le différentiel de taux de rejet dont ce ou ces partis font l’objet. Or, comme on l’a vu, il s’agit là d’un paramètre essentiel : il serait extrêmement dommageable de donner une majorité en sièges à un parti qui serait certes arrivé en tête avec, par hypothèse, un score compris entre 25 et 35 % des suffrages exprimés mais qui n’en serait pas moins largement en tête également des partis réprouvés par l’opinion.
Un système à l’allemande
En Allemagne, les élections au Bundestag reposent sur l’émission simultanée par l’électeur de deux votes distincts : un vote destiné à élire un député dans un cadre uninominal et un vote destiné à exprimer une préférence partisane. Le second vote détermine la répartition finale - strictement proportionnelle - des sièges entre les partis et assure donc à due proportion l’élection complémentaire de parlementaires additionnels. Bien que ce mode de scrutin soit parfaitement proportionnel - ce qui ne saurait nous convenir mais n’est pas inhérent au dispositif - il symbolise en France les vertus du scrutin mixte. On peut toutefois douter de l’adaptabilité de ce système au cas français. Il est peu probable en effet qu’un mécanisme aussi compliqué que celui du double vote soit accueilli favorablement par nos concitoyens. Il n’est pas acquis par ailleurs que l’institution de deux types de parlementaires soumis à des charges et à des contraintes très différentes ne soit pas censurée par le Conseil constitutionnel pour rupture du principe d’égalité. Enfin, argument d’opportunité décisif, la mise en œuvre d’une telle réforme obligerait à un redécoupage électoral total, ce qui est hors de portée dans la perspective des échéances de 2017.
4. Ce que nous proposons
La réflexion menée dans les pages précédentes nous amène à orienter nos propositions dans quatre directions précises : le choix d’un scrutin de listes, un scrutin à deux tours, des circonscriptions à dominante bi-départementale, et une clé de répartition modulable entre le majoritaire et la proportionnelle.
Le choix d’un scrutin de listes
On peut imaginer un scrutin de liste majoritaire mais on ne peut guère concevoir un scrutin uninominal proportionnel. La solution la plus simple pour établir un scrutin mixte passe donc par l’institution, dans le cadre de circonscriptions à déterminer, d’un scrutin de liste assurant l’attribution au premier tour, et à la proportionnelle à la plus forte moyenne, d’une partie des sièges à pourvoir, et l’attribution en bloc des sièges restants dans le cadre d’une confrontation majoritaire de second tour entre les deux partis ou coalitions de partis arrivés en tête au premier tour.
Outre l’avantage de la simplicité – une élection à deux tours dans une même circonscription et sur la base des mêmes listes – ce dispositif permettrait d’accompagner utilement les initiatives prises en vue de rénover notre vie publique. Au cours des dernières années, celle-ci a pris deux formes principales : le développement de la parité homme-femme au sein du personnel politique et l’interdiction de plus en plus systématique des cumuls de mandats, et plus particulièrement du cumul entre les mandats de parlementaire et de responsable d’une collectivité territoriale. Le régime électoral n’est pas neutre au regard de ces développements. L’exigence de parité est évidemment contrariée par le caractère uninominal du scrutin législatif et, si nécessaire soit-elle à l’amélioration du travail parlementaire, l’élimination des situations de cumul pose à un élu du scrutin uninominal un double problème de notoriété et de précarité. Face au maire de la principale commune de sa circonscription, au président du département ou de la région, dotés les uns et les autres de pouvoirs réglementaires et de ressources financières leur permettant de délivrer massivement des biens et des services appréciés des électeurs, l’arrondissementier de base, privé de mandats, de relais, et de moyens locaux ne fait pas vraiment le poids. Loin de se voir libéré d’obligations locales hypothéquant la qualité de son action parlementaire, le député, délesté de tout mandat exécutif local, risque de se retrouver astreint à un travail de terrain proprement forcené dans le but de compenser par son ubiquité l’influence institutionnalisée de ses concurrents locaux.
La substitution à l’actuel scrutin uninominal d’un scrutin de liste dans des circonscriptions de dimension raisonnable aurait donc le double avantage de favoriser la parité en instituant l’alternance homme-femme sur les listes et d’équilibrer les influences locales et partisanes mettant ainsi le député sortant en situation de lutter à armes égales avec les élus territoriaux.
Un scrutin à deux tours
Au premier tour, dit-on, on choisit, au second on élimine. On proposera ici de proportionnaliser au premier tour et de choisir l’orientation de la politique nationale au second. Le premier tour devrait, selon nous, permettre d’attribuer un nombre important des sièges à pourvoir à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne avec un seuil de 5% des exprimés. Le second devrait, en revanche, régler l’attribution des sièges restant à pourvoir, dans le cadre d’un scrutin majoritaire de listes, opposant les deux listes ou coalitions de listes arrivées en tête au premier tour. Le grand avantage de ces duels de second tour, ce serait de permettre de dégager une majorité prenant non seulement en compte les préférences des électeurs pour un parti, mais également le taux de rejet dont les deux partis arrivés en tête au premier tour font l’objet de la part des électeurs des formations éliminées, électeurs ainsi amenés à exprimer leur second meilleur choix. Il s’agit d’éviter une situation dans laquelle on donnerait une majorité parlementaire absolue à un parti arrivé en tête au premier tour – par exemple, le Front national – mais qui serait rejeté par une nette majorité d’électeurs au second.
Dans le souci de favoriser les stratégies coopératives entre partis proches et d’élargir le polygone de sustentation des futures majorités, il serait opportun d’autoriser, dans chaque circonscription, la fusion pour le second tour de deux ou de plusieurs listes dès lors qu’elles auraient au premier franchi la barre des 5%. Ces fusions devraient toutefois respecter deux conditions : elles devraient présenter le caractère d’une alliance nationale et s’imposer ainsi dans l’ensemble des circonscriptions ; elles devraient obéir à des règles démocratiques strictes, les nouvelles listes étant constituées dans chaque circonscription au prorata des scores réalisés au premier tour par chacune des listes qui fusionneraient, sur la base du principe dit « de la plus forte moyenne[1] ». Ainsi, le pacte majoritaire serait établi dans le respect des équilibres partisans voulus par les électeurs.
Des circonscriptions à dominante bi-départementale
Quels devraient être le nombre et la nature des circonscriptions adaptées à l’objectif poursuivi ? Le format idéal d’une telle circonscription serait de 10 sièges permettant, par exemple, une répartition proportionnelle de 6 sièges. Pour une assemblée qui comprendrait environ 560 sièges, il faudrait donc compter une soixantaine de circonscriptions. Le problème, c’est que la République n’a pas cet article en magasin, les scrutins législatifs se déroulant toujours soit dans le cadre de circonscriptions uninominales comme aujourd’hui, soit dans un cadre pour l’essentiel départemental comme en 1986. La division du territoire en 100 circonscriptions départementales, et de plus fortement hétérogènes en termes de population (21 députés dans le Nord et un en Lozère) serait impropre, compte tenu de la nécessité d’attribuer une partie substantielle des sièges dans le cadre d’un second tour strictement majoritaire, à assurer autre chose qu’une représentation proportionnelle croupion. Le cadre régional qu’envisage de retenir le rapport Bartolone/Winock serait sans doute moins approprié encore, d’autant que la réforme actuellement mise en œuvre réduit à 13 le nombre des régions. Le lien entre l’électeur et l’élu et l’équilibre souhaitable entre l’arbitrage national et la légitimation locale seraient sacrifiés si l’on retenait un cadre aussi démesuré que les nouvelles régions. Qui, par exemple, pourrait se satisfaire d’une situation qui verrait élire le député de Bayonne ou de Pau par un électeur de Châtellerault ?
Il faut donc imaginer un format de circonscription inédit, tout en reconnaissant qu’il est préférable d’avoir des circonscriptions de taille inégale plutôt que d’ignorer totalement les enracinements territoriaux. Les petites circonscriptions, fournissant peu d’élus, n’altèrent en effet que marginalement la proportionnalité globale du scrutin. Le compromis nécessaire, et nécessairement imparfait, entre la double exigence de l’enracinement et de la proportionnalité devrait passer, selon nous, par l’institution d’une cinquantaine de circonscriptions (48 dans l’hypothèse que nous avons privilégiée) réparties entre la France continentale, la Corse et les départements d’Outre-mer, circonscriptions constituées en grande majorité par le regroupement deux à deux des département actuels[2]. Ces regroupements donneraient inévitablement naissance à des circonscriptions de taille variable puisque les départements le sont également. Afin de réduire ces écarts et d’éviter la réunion de départements situés dans des régions distinctes, il faudrait prévoir certaines exceptions au regroupement bi-départemental. On devrait, par exemple, accepter un certain nombre de circonscriptions monodépartementales comme les départements d’Ile de France ou du Nord ou, pour des raisons d’identité, ceux d’Outre-Mer. Pas davantage ne devrait-on exclure la constitution d’un petit nombre de circonscriptions formées de trois départements (comme le Calvados, la Manche et l’Orne constitutifs de l’ancienne Basse-Normandie), voire de quatre départements comme ceux de l’ancienne Franche-Comté. Dans sept cas, les regroupements envisagés, qu’ils soient bi, tri ou quadri-départementaux, retrouveraient les limites des anciennes régions : Picardie, Haute-Normandie, Basse-Normandie, Limousin, Corse, Alsace et Franche-Comté. La mixité du scrutin serait ainsi solidement établie.
Une clé de répartition modulable entre le majoritaire et la proportionnelle
Nous avons, à titre illustratif, dessiné une carte possible des regroupements départementaux et décliné, circonscription par circonscription, une clé de répartition des sièges de premier et de second tour. Le principe que nous avons retenu, au risque de limiter parfois drastiquement l’effet proportionnel dans une dizaine de petites circonscriptions, est de fixer pour chaque circonscription, à 50%, arrondis le cas échéant au chiffre inférieur, le nombre de sièges attribués dans le cadre du second tour. Ce nombre s’établirait à 256, représentant 44% de la totalité des sièges de l’assemblée
Il est pratiquement impossible de déterminer a priori une clé de répartition qui garantirait une majorité parlementaire claire (par exemple 52% des sièges) à un parti ou à une coalition de partis. Et cela pour une raison simple : on ne peut pas prévoir « le taux de dilution » d’une prime majoritaire qui se jouerait, selon notre hypothèse, au sein de cinquante circonscriptions, et qui serait inévitablement, quoiqu’inégalement, partagée entre plusieurs partis ou coalitions de partis. Ne serait-il pas nécessaire dès lors de transposer et d’adapter à la situation de la France le concept de prime majoritaire variable qui constitue l’innovation principale de la réforme du mode de scrutin législatif que Matteo Renzi a fait adopter en Italie ? La répartition finale des sièges entre majoritaire et proportionnelle serait déterminée à l’issue du deuxième tour de scrutin en fonction d’une exigence unique : l’attribution d’un minimum de 52% des sièges à l’Assemblée nationale au parti ou à la coalition de partis ayant obtenu le plus grand nombre de voix dans l’ensemble des duels de second tour. Dans cet esprit, la clé de répartition pourrait être modulée mécaniquement en tant que de besoin de manière à accroître de 5, 10, 20% ou davantage le nombre de parlementaires élus au second tour. Cette modulation, qui se traduirait par la réduction du nombre de sièges attribués à la proportionnelle sur la base des résultats du premier tour, affecterait bien évidemment principalement voire exclusivement les plus grosses circonscriptions.
Tel est le système que nous souhaitons mettre en débat. Il permettrait à nos yeux de concilier les trois objectifs après lesquels court en permanence notre démocratie : une majorité stable, une répartition équitable, un pluralisme respecté.
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[1] Le principe le plus simple et le plus juste de classement des candidats issus de plusieurs listes ou, ce qui revient au même, d’attribution d’un siège en compétition entre plusieurs listes, est sans aucun doute celui dit « de la plus forte moyenne », imaginé par un mathématicien belge, Victor d’Hondt. C’est un système de distribution successive des sièges (ou des places) au bénéfice du candidat de la liste bénéficiant de « la plus forte moyenne », c’est-à-dire du plus grand nombre de voix par élu. Concrètement, on attribue fictivement à chacune des listes le siège (ou la place) à pourvoir puis on l’attribue réellement à celle des listes qui compte sur cette base le plus grand nombre de voix par élu. On recommence l’opération jusqu’à épuisement des sièges à pourvoir. Dans le cas d’espèce, c’est à partir du nombre de voix recueillies par chacune des listes au premier tour que s’opérerait le classement sur la liste commune des candidats issus des différentes listes.
[2] Il serait souhaitable de mettre un terme à l’expérience des députés des Français établis hors de France en répartissant leurs électeurs entre les circonscriptions à forte population. Cette opération réduirait le nombre de parlementaires de 577 à 566.
