L’étonnante résilience de Boris Johnson edit

21 juin 2022

Le Royaume-Uni est actuellement confronté à une crise gouvernementale, qui tourne principalement autour du Premier ministre Boris Johnson. L’étau se resserre autour de ce dernier. Mais BoJo fait néanmoins preuve d’une étonnante capacité à ignorer les procédures légales et le procès en légitimité qui lui est fait.

Voici maintenant plus de douze ans que le pays est dirigé par les conservateurs. La majeure partie de cette période a été marquée par l’austérité : les réductions des dépenses publiques, ostensiblement introduites pour faire face à la crise financière de l’après 2008, ont entraîné de sévères réductions de la qualité des services publics, en particulier dans des domaines tels que la santé, l’éducation et les soins sociaux pour les personnes âgées et les enfants. Le résultat du référendum sur le Brexit a mis la politique britannique en suspens jusqu’à ce que la Grande-Bretagne ait conclu un accord avec l’Union européenne pour sortir le pays de l’UE. Cet accord n’a été conclu qu’à la fin de l’année 2020, non sans avoir coûté son poste à l’un des premiers ministres, Theresa May, qui a été remplacé par l’actuel titulaire du poste, Boris Johnson, ancien leader de la campagne du Leave. En 2019 Johnson a convoqué des élections générales, qui ont accordé à son parti une majorité de plus de députés au Parlement. Avec la conclusion finale de l’accord de retrait, fin de 2020, Johnson semblait prêt à rester longtemps au pouvoir.

Puis la pandémie est arrivée. Même si on lui a d’abord reproché son manque de réactivité, le gouvernement a réussi à protéger les emplois, à assurer la sécurité des personnes et à se procurer des vaccins rapidement. Mais les problèmes posés par la gestion de Covid ont fait que d’autres domaines politiques ont été mis en veilleuse, et le monde post-Brexit posait déjà des difficultés. Bien que Johnson ait tenu sa promesse de « faire le Brexit » (Get Brexit Done), il n’a pas préparé le pays aux changements qui toucheraient les importations et exportations de marchandises dans le cadre du nouvel accord commercial avec l’UE et, bien que promettant qu’il n’y aurait pas de frontière entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord, il en a en fait accepté une en signant le protocole sur l’Irlande du Nord, lui-même considéré comme le meilleur moyen de protéger l’accord du Vendredi saint qui en 1998 a permis de faire la paix. L’épidémie de Covid a surgi avant que les questions post-Brexit puissent être abordées.

Ce sont les règles imposées par le gouvernement à l’ensemble de la population pendant la pandémie, qui impliquaient que les gens restent en grande partie chez eux et ne rencontrent personne, ni à l’intérieur ni à l’extérieur, qui ont donné lieu au récent vote de confiance auquel Johnson a été confronté début juin. Les gens ne pouvaient pas rendre visite à leurs proches à l’hôpital ou dans des maisons de soins, le nombre de personnes assistant à des funérailles était strictement limité et des règles de distanciation étaient appliquées. Mais en 2021, il a été révélé qu’un certain nombre de fêtes avaient eu lieu au 10 Downing St. Bien qu’il ait nié au Parlement et en public que des fêtes avaient eu lieu dans sa résidence officielle et dans ses bureaux, protestant que les règles avaient été appliquées à tout moment, le « Partygate » (de party, la fête, et non le parti politique, ndlr), comme on l’a appelé, a donné lieu à une enquête administrative pour déterminer si les règles avaient été enfreintes, suivie d’une enquête de police et d’un renvoi devant la commission des normes de la Chambre des communes pour déterminer si le Premier ministre avait enfreint le code ministériel et menti à la Chambre. Lorsque l’affaire a éclaté, un certain nombre de députés conservateurs ont indiqué qu’ils pensaient que le Premier ministre devait démissionner, comme tous les chefs des autres partis l’avaient suggéré. Mais le nombre de députés conservateurs soutenant une telle démarche était insuffisant pour provoquer un vote. Nombre d’entre eux ont suggéré d’attendre de recevoir le rapport de la responsable de l’enquête administrative, Sue Gray, puis d’attendre le rapport de police pour voir s’il s’avérait que Johnson avait participé à des fêtes et serait condamné à une amende pour cela. Et il a été mis à l’amende, ainsi que sa femme et le Chancelier de l’Échiquier, pour avoir assisté à au moins une fête le jour de son anniversaire. Pourtant, les députés conservateurs ont choisi de ne pas agir, préférant attendre de voir comment le parti se comportait aux élections locales et ce que le rapport Gray avait à dire. Les élections locales, sans être un désastre complet pour les conservateurs, leur font perdre plus de 400 sièges et le contrôle de plusieurs conseils locaux. Là encore, les députés conservateurs n’ont rien fait, attendant le rapport Gray. Lorsqu’il a été publié la dernière semaine de mai, ce rapport a identifié de graves faiblesses dans la direction politique et officielle de Downing St sur plus d’une douzaine de fêtes sur lesquelles elle a enquêté.

Pendant toute cette agitation autour du Partygate, une autre question a suscité le mécontentement des députés conservateurs à l’égard de Johnson, à savoir les problèmes liés au protocole d’Irlande du Nord. Les élections de l’assemblée nord-irlandaise ont eu lieu et le pour la première fois parti nationaliste catholique Sein Fein a remporté la majorité des sièges, permettant ainsi à son leader de devenir Premier ministre. Mais l’accord du Vendredi saint exige que le deuxième parti le plus important, en l’occurrence les Unionistes démocratiques (DUP), occupe le poste de vice-premier ministre. Depuis le Brexit, le DUP s’est toujours opposé au protocole d’Irlande du Nord, bien qu’il ait voté en sa faveur. Ils affirment qu’il impose une séparation entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni et exigent sa suppression avant d’entrer en fonction dans la nouvelle assemblée, ce qui entraîne la paralysie du gouvernement d’Irlande du Nord.

Entre-temps, alors que le gouvernement britannique menace de prendre des mesures unilatérales au sujet du protocole et que l’UE menace de prendre des mesures de rétorsion, Downing St semble plus enclin à protéger Boris Johnson en faisant de nouvelles annonces politiques ou en utilisant ce que l’on appelle la stratégie du « chat mort », c’est-à-dire en suggérant des nouvelles qui soulagent Boris Johnson. La plus évidente dans ce cas est la suggestion que les Britanniques reviennent aux mesures impériales après 50 ans d’utilisation des mesures métriques. Même mes enfants adultes ont appris à l’école les mesures métriques plutôt qu’impériales, de sorte qu’aujourd’hui, la plupart des Britanniques ne seraient pas capables de mesurer les choses en utilisant les mesures impériales ! Mais, comme un chat mort, cela a brièvement empêché l’histoire du Partygate de faire la une des journaux. Pourtant, les sondages suggèrent que plus de 60 % de l’opinion publique britannique pense que Johnson devrait démissionner pour cette affaire ; il a été hué lorsqu’il est entré dans l’abbaye de Westminster pour un service célébrant le jubilé de la reine, et un nombre croissant de députés conservateurs ont envoyé des lettres demandant son départ. Le mois de juin voit également deux élections partielles dans lesquelles les conservateurs pourraient perdre leurs sièges.

Avec une inflation qui atteint les 10 %, le pays est confronté à une crise croissante du coût de la vie, autre sujet de mécontentement des députés conservateurs à l’égard de Johnson et de son gouvernement. Bien que certaines mesures soient introduites pour aider les moins bien lotis à faire face aux difficultés, aux yeux de nombreux députés conservateurs, elles ne vont pas assez loin. À la fin des célébrations du jubilé, un nombre suffisant de députés avaient signé des lettres demandant l’organisation d’un vote de confiance. C’est ce qui s’est passé le lundi 6 juin - le lendemain des célébrations et le premier jour de retour des députés au Parlement. Comme prévu, Johnson a remporté le vote - étant donné que quelque 130 députés occupent des postes au sein du gouvernement, le résultat ne faisait guère de doute - les dindes ne votent pas pour Noël, même dans un scrutin secret ! Mais près de 150 de ses députés (41%) ont voté contre lui, issus de tous les bords de son parti, plus que ceux qui ont voté contre Theresa May ou Margaret Thatcher lorsqu’elles ont été confrontées à des votes similaires. Johnson survit et promet, plus optimiste que jamais, de « continuer à faire ce que les gens veulent », mais ces élections partielles n’ont pas encore eu lieu et un nouveau rapport d’une commission parlementaire visant à déterminer si Johnson a sciemment trompé le Parlement est attendu à l’automne. Et peut-être un autre scandale attendra-t-il Boris. Canard boiteux ou cochon gras – Johnson peut-il rester en poste encore longtemps ? La plupart des observateurs pensent qu’il partira dans les six à neuf prochains mois – mais je ne serais surpris si Bojo parvenait à s’échapper une fois de plus !