Boris va-t-il démissionner? edit
Malgré le succès de sa campagne de de vaccination contre le Covid, Boris Johnson se trouve confronté à une crise majeure dont l’enjeu est sa propre autorité, le parti travailliste et le parti national écossais appelant à sa démission. Ces appels ont trouvé un écho au sein du parti conservateur, les opposants à Boris Johnson mais aussi certains de ses fidèles suggérant qu’il est temps qu’il s’en aille.
Sa crise n’est pas due à un échec particulier de ses politiques, mais plutôt à ce qui est perçu comme un manque d’autorité morale, ainsi qu’à une faiblesse culturelle au cœur même de l’État, à Downing St. Elle découle d’une série de reportages qui ont révélé plusieurs fêtes organisées à la résidence du Premier ministre, dont un grand nombre alors que le pays était en état de « lockdown » total. Le confinement signifiait que les gens ne pouvaient pas rendre visite à leurs proches dans les maisons de retraite, ni à ceux qui étaient en train de mourir dans les hôpitaux. Même le nombre de personnes autprisées à assister à des funérailles était limité, tandis que, plus généralement, les gens ne pouvaient rencontrer qu’une seule autre personne à l’extérieur de leur domicile - et aucune à l’intérieur. Au fur et à mesure que les révélations se succèdent, Boris Johnson a été contraint de présenter des excuses au Parlement et à la Reine, dans ce dernier cas parce qu’il y avait une des fêtes a été organisée la veille des obsèques de son mari, feu le Duc d’Édimbourg, une cérémonie à laquelle elle a assisté assise toute seule, conformément aux règles alors en vigueur.
Depuis que son conseiller principal de l’époque, Dominic Cummings, a enfreint les règles de confinement lors de sa fameuse excursion à Barnard Castle[1], le gouvernement est confronté à l’idée de plus en plus répandue qu’il existe « une règle pour nous et une règle pour eux », ce qui implique que si la population dans son ensemble doit obéir aux règles ou s’exposer à des poursuites pénales en cas d’infraction, ces règles ne s’appliquent pas à Johnson et à ceux qui travaillent à ses côtés à Downing St. Les fêtes étaient illégales pendant le confinement, et beaucoup de contrevenants furent condamnés à des amendes allant jusqu’à 10 000 livres sterling, mais Downing St put organiser de tels événements pour son personnel - et le Premier ministre Johnson put y assister avec sa femme et son nouveau-né !
Lorsque les détails de ces fêtes ont été révélés pour la première fois, une enquête a été lancée, sous la conduite du directeur de la fonction publique - mais il a été remplacé lorsqu’il s’est avéré qu’il avait lui-même organisé l’une de ces fêtes ! Comme les rapports sur ces fêtes ont continué à sortir, l’enquête a été élargie pour les inclure. Une autre haut fonctionnaire est actuellement chargée d’entreprendre cette enquête et son rapport est attendu sous peu. C’est d’ailleurs l’existence de cette enquête qui a permis à Johnson d’éviter de nouvelles critiques, en affirmant que le rapport d’enquête présentera tous les faits concernant ces rassemblements et lui permettra, espère-t-il, de conserver son poste.
La presse et les sondages suggèrent un sentiment répandu dans l’opinion publique que Johnson devrait démissionner, bien qu’il conserve un soutien considérable dans le pays, comme au sein de son parti.
Le parti conservateur se trouve dans une position difficile. Alors que plusieurs partis de circonscription appellent à la démission de Boris, d’autres le soutiennent. Le chef du parti conservateur en Écosse, un critique bien connu de M. Johnson, a appelé à sa démission et il a reçu le soutien de tous les membres conservateurs de l’assemblée législative écossaise. Au sein du parti à Westminster, la consternation est grande face à l’incapacité de Boris Johnson à assurer le leadership et au flux constant de rapports négatifs, et seul un député écossais, le secrétaire d’État à l’Écosse, soutient le Premier ministre. Ce sont ces députés conservateurs qui vont probablement décider de l’avenir de Johnson, et ils sont attendent avec impatience les résultats de l’enquête.
Le parti dispose de plusieurs moyens pour destituer son chef et, dans ce cas, son Premier ministre, et il a la réputation d’être impitoyable quand le moment est venu de le faire. Traditionnellement, il suffit que les « hommes en costume gris » (les principaux membres du parti) disent au chef ou au Premier ministre qu’il est temps de partir. Les députés conservateurs peuvent également envoyer des lettres indiquant qu’ils ne soutiennent plus leur chef au président du Comité 1922, l’organisation qui chapeaute le parti conservateur au Parlement. Lorsqu’un nombre suffisant de lettres a été envoyé (dans ce cas, il doit être d’au moins 54), un vote est organisé. S’il perd, le chef du parti démissionne, sinon il est en sécurité pendant au moins douze mois avant qu’un autre vote ne soit organisé[2].
Johnson a mené le parti à son spectaculaire victoire électorale en 2019, en remportant notamment des sièges dans ce que l’on appelle le « mur rouge », des régions du Nord et des Midlands qui votaient traditionnellement pour le parti travailliste. Il a gagné principalement parce qu’il a promis de « faire le Brexit » (« get the Brexit done ») et de niveler le pays par le haut - c’est-à-dire de réduire l’écart économique et social entre la région prospère de Londres et du sud-est et les régions plus pauvres du nord et des Midlands. La pandémie a rendu la seconde de ces promesses plus difficile à tenir, tandis que la première, bien que réalisée par l’accord de Brexit de 2019, a posé des problèmes depuis, à la fois avec le protocole d’Irlande du Nord et la bureaucratie supplémentaire qui a accompagné la sortie de l’UE pour la population dans son ensemble et pour les exportateurs et les importateurs en particulier. Plus récemment, la hausse des prix de l’énergie, l’inflation en général et les augmentations d’impôts qui doivent entrer en vigueur en avril posent tous des problèmes au gouvernement, car le coût de la vie augmente, en particulier pour les ménages les plus pauvres. Le parti conservateur doit décider à la fois si Johnson est maintenant plus un handicap qu’un avantage électoral, et quand le remplacer si c’est ce que le parti décide. À moins que le rapport d’enquête à venir ne soit extrêmement accablant, il est probable que Johnson survive à cette épreuve, ce qui lui permettrait de faire face à la crise du coût de la vie, tandis que sa popularité sera testée lors des élections locales prévues en mai. S’il échoue à l’une ou l’autre de ces élections, il devra sans doute faire face à un vote de confiance de la part de ses députés, ce qui pourrait entraînerer son départ. Le parti devra alors choisir un nouveau dirigeant qui deviendra Premier ministre. Les successeurs potentiels sont déjà à la manœuvre, testant discrètement le soutien dont ils bénéficient pour leur candidature, tout en maintenant bien sûr leur loyauté envers Johnson !
[1] Un week-end, M. Cummings a conduit sa famille sur quelque 400 km de Londres au nord-est du pays, bien que sa femme ait été testée positive au Covid. Il s’est ensuite rendu à Barnard Castle, non loin de là, apparemment pour vérifier que sa vue était suffisamment bonne pour qu’il puisse faire le voyage de retour vers Londres !
[2] Theresa May a survécu à un tel vote en 2018..., mais elle a indiqué par la suite qu’elle quittait son poste de dirigeante lorsqu’il est devenu évident qu’elle ne pourrait pas obtenir une majorité pour ses propositions de Brexit.
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