La gauche socialiste a peur du pouvoir edit

8 juillet 2013

La gauche du Parti socialiste, en envoyant une lettre à l’ensemble des parlementaires socialistes pour demander un report de la réforme sur les retraites, a été au-delà du conservatisme foncier qui caractérise depuis un an ses positions. Elle a clairement montré son irresponsabilité face aux devoirs qu’implique et qu’impose l’exercice du pouvoir. Le député socialiste Christophe Caresche a parfaitement raison de mettre en cause le double refus qui traduit l’impensé de ce courant : refus de la réforme et refus d’affronter la réalité. Un parti politique n’est pas un syndicat de défense des intérêts acquis. Lorsqu’il est au pouvoir, il se doit de faire passer l’intérêt du pays avant ses petits intérêts de boutique. Tous les rapports sérieux montrent que la réforme des retraites est indispensable. Ce qu’il faut craindre aujourd’hui, ce n’est pas que le gouvernement fasse cette réforme mais qu’il ne la fasse pas assez profondément.

La gauche du parti socialiste n’a toujours pas compris ce qu’est un parti de gouvernement. Georges Lavau avait écrit jadis un remarquable ouvrage intitulé Àquoi sert le Parti communiste ?La gauche du PS devra nous dire à quoi sert aujourd’hui le Parti socialiste. La réponse que donneront les Français à cette question risque d’être « à rien » si ce parti suit les leaders de cette gauche partisane qui estiment que « rien ne justifie socialement, économiquement et financièrement d’en demander plus aujourd’hui ». On croit rêver. Le Parti socialiste, s’il entend être réellement un parti réformiste, devra trancher cette question et établir la ligne de clivage politique entre réformistes et conservateurs au sein du parti et affirmer clairement que les termes de gauche et de conservatisme ne sont pas identiques. En réalité, la gauche du Parti socialiste a peur du pouvoir, peur d’en assumer la charge et les risques. Charles Wyploz a décrit sur Telos récemment la grave situation dans laquelle se trouve notre pays et la nécessité vitale d’accomplir les grandes réformes indispensables. Mais les leaders de cette « gauche » estiment, eux, que la réforme des retraites n’est « ni urgente ni opportune ».  Pour eux la seule urgence est d’attendre !

Cette position rejoint celle du Front de gauche et d’une partie des écologistes. Elle fragilise donc fortement le gouvernement au moment où celui-ci sait qu’il ne peut plus différer les réformes indispensables. Or, croire que la gauche française trouvera dans le conservatisme la clé de ses succès électoraux futurs constitue une grave erreur d’analyse. Certes, les réformes à faire seront nécessairement impopulaires. Mais les Français sont néanmoins très lucides sur la situation du pays et sur la nécessité de bouger. Leur dire que le mieux est de ne rien faire ne les convaincra pas aisément. C’est cette attitude qui a provoqué le lent déclin du Parti communiste et miné sa crédibilité gouvernementale. C’est la pente qui guette le Parti socialiste aujourd’hui s’il se cale sur les positions de son aile gauche. L’unité de la gauche ne pourrait se refaire dans ces conditions que sur le mot d’ordre « ne rien faire ». Ce n’est pas sur cette ligne que François Hollande a été élu président de la République. Ce n’est pas ce qu’attendent les Français. Constituer à gauche un front du refus de la réforme débouchera inévitablement sur l’échec du Parti socialiste.

François Mitterrand, Lionel Jospin et François Hollande ont fait le choix d’un socialisme de gouvernement. C’est cette attitude qui a permis au Parti socialiste de devenir un grand parti, capable de gagner les élections et de gouverner. L’attitude contraire risque de ramener ce parti à la SFIO d’antan. Est-ce vraiment ce que souhaite la gauche du Parti socialiste ? Guy Mollet, dans son dernier grand discours politique, au Congrès d’Epinay en 1971, affirmait qu’il n’y avait plus désormais de solution pour le Parti socialiste dans le cadre du capitalisme. Si c’est ce que pense la gauche du Parti socialiste, il faut qu’elle le dise. Mais alors il lui faut abandonner l’ambition du pouvoir et réactiver le remords du pouvoir qui, avant 1971, a conduit longtemps le Parti socialiste à préférer être dans l’opposition. Gouverner ou s’opposer, il faut choisir !