UMP : ce qui est vraiment en jeu edit

23 novembre 2012

Le trait principal qui caractérise les deux crises, de 2008/2009 pour le PS et de 2012 pour l’UMP, est la nature du poste de leader du parti. Dans les deux cas, les principaux concurrents pour ce poste (Martine Aubry et Ségolène Royal pour le PS, Jean-François Copé et François Fillon pour l’UMP) ont prétendu séparer l’enjeu de la désignation du leader du parti de celui de la désignation du candidat du parti à l’élection présidentielle suivante.

Plus tôt, déjà, en 2005, au moment du référendum interne du PS sur la ratification du Traité constitutionnel européen, l’une des raisons de l’attitude de Laurent Fabius, engagé fermement contre cette ratification, était sans doute sa crainte que l’initiative de François Hollande, en tant que Premier secrétaire du PS, ne lui donne un avantage décisif dans la course à la désignation du candidat socialiste à l’élection présidentielle suivante. En 2008, chacun savait que derrière le choix entre Martine Aubry et Ségolène Royal se profilait la question de la candidature socialiste à l’élection présidentielle. C’est la raison pour laquelle cette élection fut, outre le caractère très serré du vote,  à la fois si conflictuelle et si passionnée. Chacun savait que si Ségolène Royal était élue, elle serait tentée de se représenter en 2012. Et c’est probablement cet enjeu qui a été prédominant dans le vote, non pas de tous, mais de nombreux militants à l’époque. En 2012, c’est exactement le même problème qui s’est posé. Malgré les dénégations des deux protagonistes, chacun d’eux pensait – à tort ou à raison – que le gagnant prendrait un avantage décisif dans la course à la désignation du candidat du parti en 2017. C’est la raison pour laquelle François Fillon n’a pas voulu laisser le champ libre à Jean-François Copé et c’est pourquoi, lorsqu’il a quitté la présidence du groupe UMP à l’Assemblée nationale, celui-ci a voulu et obtenu de Nicolas Sarkozy le secrétariat général du parti. 

Dans un parti présidentiel, chaque aspirant président de la République estime avoir besoin à la fois du soutien de son parti et du soutien de l’opinion. Il lui faut donc s’assurer du contrôle du parti et apparaître à l’opinion comme un candidat crédible à l’élection présidentielle. Jean-François Copé, qui souffre pour le moment d’un handicap en terme de crédibilité présidentielle, a estimé qu’il lui fallait à tout prix contrôler le parti, comme l’avaient fait avant lui Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. Et François Fillon, pourtant bien placé dans l’opinion, a estimé que la présence de son concurrent à la tête du parti pouvait présenter un danger pour sa candidature future. Le dysfonctionnement principal des deux partis présidentiels est donc que l’élection du leader du parti est en même temps un vote en vue de la présidentielle future. Cette élection a ainsi une signification ambiguë porteuse de tous les dangers puisqu’elle comporte des enjeux multiples qui d’une certaine manière sont en contradiction.  Elle a pour fonction explicite de désigner le chef du parti mais pour fonction implicite, au moins aux yeux de nombreux militants, d’opérer une pré-désignation du candidat à l’élection présidentielle.  Elle interfère alors de manière problématique avec la désignation officielle du candidat présidentiel.

La crise que traverse aujourd’hui l’UMP, après celle qui déchira hier le PS, est donc due à la présidentialisation croissante des deux grands partis politiques et à la difficulté qu’ils éprouvent à articuler leur fonction de parti présidentiel – qui doit produire un candidat capable de remporter l’élection présidentielle – et leur existence en tant qu’organisation partisane qui a besoin d’un dirigeant pour fonctionner. L’intrication du caractère parlementaire du parti, où son chef est le chef de l’opposition quand le parti n’est pas au pouvoir, et de son caractère présidentiel, dont l’une des fonctions majeures est devenue la sélection du candidat présidentiel, produit ainsi des dysfonctionnements. La crise actuelle de l’UMP montre que ces dysfonctionnements peuvent, dans certaines conjonctures, mettre en danger l’organisation elle-même. Pour éviter que le parti ne se déchire dangereusement lors de la désignation du chef du parti, laissant véritablement aux sympathisants et à eux seuls, le soin de désigner le candidat présidentiel, il faudrait établir clairement que le chef du parti ne pourra pas être candidat à l’élection présidentielle suivante. Tant qu’un aspirant candidat à l’élection présidentielle, dans l’un de ces deux partis, estimera – encore une fois à tort ou à raison – qu’il a besoin de l’onction militante  autant que de l’onction de l’opinion publique, de telles crises pourront se reproduire en cas de scrutin serré. Le passé récent, concernant le Parti socialiste, a montré que la pratique des fraudes et tricheries, péché traditionnel des machines partisanes, était moins fréquente parce que moins facile à opérer dans une primaire ouverte mobilisant plusieurs millions d’électeurs que dans une élection interne au parti où les fédérations du parti sont davantage partie prenante et ont des possibilités et des tentations plus grandes d’aider la chance !  

Il est certes compréhensible de crier haro sur ces partis en cas de dysfonctionnements graves. Il faut cependant reconnaître que leur adaptation à la logique présidentielle, déjà fort avancée, n’est pas une tâche facile. Il est tentant de tirer sur le pianiste mais il serait dommage d’abimer par mégarde le piano !